"Tin Men", "Tonnerre sous les tropiques"... Alain Chabat est venu au 78e Festival de Cannes pour nous livrer ses 5 comédies cultes

La comédie n’est pas un genre très prisé au Festival de Cannes... et pourtant l’attente était grande autour de la venue d’Alain Chabat au théâtre Croisette, dans le cadre d’une masterclass organisée par la Quinzaine des cinéastes.

"Les Palmes d’or ne sont pas souvent des moments désopilants même si dans Le Monde du silence, quand le mérou se prend la coque de la Calypso, c’est assez drôle", analyse avec son humour pince-sans-rire Alain Chabat d’entrée de jeu.

Le ton est donné. Chabat, c’est, qu’on le veuille ou non, un pan comique de la télévision et du cinéma français depuis 30 ans: Les Nuls avec ses acolytes Bruno Carette, Chantal Lauby et Dominique Farrugia, les films Didier, Gazon Maudit, La Cité de la peur et, forcément, Astérix et Obélix: mission Cléopâtre.

D’ailleurs on précise souvent "l’Astérix de Chabat" pour le distinguer des autres. Sans oublier sa récente série animée sur Netflix, toujours autour d’Astérix et Obélix.

Bref, Alain Chabat est drôle et c’est une évidence. Alors pour comprendre l’univers et la manière dont l’acteur-réalisateur s’est construit, il est revenu sur cinq comédies marquantes qui ont façonné sa façon de penser.

"Tin Men" de Barry Levinson (1987)

Projeté en entier devant une salle curieuse, Tin Men – Les filous en VF – était la carte blanche d’Alain Chabat. Un film de Barry Levinson (Good Morning, Vietnam; Rain Man) et incarné par un immense duo d’acteurs: Richard Dreyfuss et Danny DeVito. L’histoire de deux vendeurs porte-à-porte dans les années 1960.

"C’est le film qui a changé ma vie, étaye Chabat. Les personnages sont bien construits, attachants sans essayer de les rendre sympathiques. Il y a des scènes de la vie de tous les jours hilarantes car les dialogues sont parfaits, c’est un peu du Tarantino. J’entends mieux le message de certains films quand c’est fait sur le ton de la comédie car sans le ton comique, on reste sur un crétin qui gueule son énervement."

Alain Chabat insiste sur la musicalité des textes et le sens du timing. "Quand j’ai écrit Didier, j’ai pensé au timbre de voix et à la musicalité de Jean-Pierre Bacri."

"Groove Tube" de Ken Shapiro (1974)

Faites-le avec les doigts en VF, une comédie de sketches satirique inconnue en France mais disponible sur YouTube.

"C’est un objet qui a beaucoup inspiré ce que l’on a fait avec les Nuls avec des parodies télévisées, des fausses publicités. C’est un film qui m’a pété la tête, il n’y a aucune narration, aucun sens et c’est génial. J’aime les Ovnis comme ça ou les détournements comme l’a fait Michel Hazanavicius avec La Classe américaine. C’est un principe que j’adore et qui est universel car c’est le plus dur en comédie, réussir à durer dans le temps car, souvent, on fait référence à une époque précise."

"Top Secret!" de Jim Abrahams, David Zucker, et Jerry Zucker (1984)

Premier rôle au cinéma du regretté Val Kilmer, le film s’inscrit dans la lignée des films absurdes que sont les Y a-t-il un flic... ou Hot Shot!

"C’est un chef-d’œuvre de non-sens, de dialogues, d’amour du cinéma et de montage, poursuit Alain Chabat. Je trouve que tout est brillant dans ce film, il y a beaucoup de clichés, d’énergie. En comédie, chaque image compte et tout est parfait, un peu comme dans ce que proposent les frères Wayans avec les Scary Movie. Ce n’est pas un style très prisé en France, alors que les Américains ont cette faculté à partir dans l’autodérision et la parodie."

"Le shérif est en prison" de Mel Brooks (1974)

"C’est un film qui a ouvert une porte dans ma tête car je trouvais le sujet osé. On parle d’une ville texane, un peu raciste, dans laquelle un shérif noir débarque et bouleverse tout. C’est burlesque, avec une dimension satirique et Mel Brooks se permet tellement de choses", confesse Alain Chabat.

"Il dénonce des faits mais le fait comme un boucher, sans limite. Quelque part, c’est agréable quand un réalisateur y va sans relâche pour faire passer son message. Il termine sur une folie, en faisant partir le méchant de son film, en taxi, car il y a un énorme pugilat sur différents plateaux de tournage du film qui se tourne à Hollywood et il sort la réplique culte: 'sortez-moi de ce film'."

"Il brise littéralement le quatrième mur et c’est brillant car on ne le voit pas venir. Dans la forme et le fond, il y a une vraie audace et aucune limite. Jean-Pascal Zadi l’a fait aussi, à sa manière, dans Tout simplement noir. C’est quelque chose qui me parle, on l’a essayé avec Les Nuls et notre seule limite était de ne pas blesser les gens."

"Tonnerre sous les tropiques" de Ben Stiller (2008)

"C’est un film à gros budget, avec un immense casting puisqu’on retrouve Ben Stiller, Jack Black et Robert Downey Jr. Tom Cruise y campe aussi un rôle à contre-emploi très drôle. Tout le monde joue bien et ça change tout. C’est l’histoire de plusieurs acteurs avec des ego surdimensionnés qui doivent, ensemble, tourner un film d’action censé se dérouler durant la guerre du Vietnam. C’est un film sur un tournage qui part en sucette. Et Ben Stiller y va à fond car son personnage est réellement con. (rires) Et il ne lui fait aucun cadeau, il n’a pas peur du ridicule et c’est génial. C’est un film avec plein de zones dangereuses, de mines, car cela parle du racisme, du vedettariat, du handicap, et comme on comprend très vite le message, il n’y a aucune ambiguïté", conclut Alain Chabat qui a donné la réplique à Ben Stiller dans le film La Nuit au musée 2.

Et la comédie française dans tout ça?

Alors qu’il a mis en avant cinq films américains, Alain Chabat reste très attaché aux comédies françaises.

"On reste très marqué par la comédie de dialogues, c’est quelque chose que l’on maîtrise assez bien. J’adore tout le travail du Splendid qui a quelque chose de précis dans l’écriture et le rythme. Difficile de ne pas aimer un Louis de Funès qui, comme Jim Carrey, propose un jeu très physique qui marche à chaque fois car il y va à fond. L’aventure c’est l’aventure de Claude Lelouch avec Jacques Brel, Lino Ventura et Aldo Maccione, est un classique du genre aussi."

Quand on se plonge dans les coups de cœur comiques d’Alain Chabat, on comprend mieux pourquoi cet artiste, intergénérationnel, réussit à faire l’unanimité autour de lui depuis près de 40 ans. Force et robustesse.