"Une nouvelle et triste étape dans la montée de la haine antimusulmane": au moins neuf têtes de cochon ont été découvertes mardi matin devant des mosquées de la capitale et de la région parisienne, suscitant de vives réactions.
Des têtes avec une inscription "Macron"
Ces têtes de porc, animal considéré comme impur par l'islam, ont notamment été découvertes sur la voie publique à Paris, "devant l'entrée de la mosquée Islah" à Montreuil (Seine-Saint-Denis), ainsi qu'à Montrouge, Malakoff (Hauts-de-Seine) et Gentilly (Val-de-Marne), a appris l'AFP auprès de différentes sources.
À Paris, des têtes ont été découvertes, notamment devant des mosquées des 15e, 18e et 20e arrondissement, a précisé le parquet de Paris.
Plusieurs des têtes de cochon "supportaient une inscription +MACRON+ écrite à l'encre bleue", a ajouté cette source à l'AFP.
Qu s'est-il passé pendant la nuit?
Selon les informations du Parisien, confirmées par des sources policières, la première découverte macabre a eu lieu à 5h30 dans le XXe arrondissement de Paris. Des fidèles qui se rendaient à la prière matinale ont trouvé une tête de cochon posée sur le sol badigeonné d’encre bleutée devant l’entrée de la mosquée Anwar El-Madina, rue Étienne-Marey.
Un homme de type européen a pu être identifié sur les caméras de vidéosurveillance aux abords du lieu de culte. Il était vêtu de noir et muni d’un sac à dos noir et d’un gros sac blanc.
Toujours selon nos confrères du Parisien, on voit sur les images que l’individu fait un premier passage devant la mosquée, continue son chemin puis fait demi-tour quelques mètres plus loin pour revenir sur ses pas. C’est à ce moment-là, à 4h39 exactement, qu’il ouvre le grand sac en sa possession et dépose la tête d’un cochon.
Simultanément, à Montreuil, un acte similaire aurait été perpétré devant la mosquée Islah, située rue des Sorins, nous informe une source proche du dossier. Là encore, des fidèles découvraient une tête de cochon à 5h30, mais cette fois-ci portant l’inscription "Macron" en lettres majuscules sur l’animal. Le Parquet de Paris confirme de son côté que, "sur l’un des lieux le mot Macron a été peint en bleu".
La mosquée Islah de la rue des Sorins est la plus importante des trois mosquées de Montreuil. Une source policière indique qu’elle n’avait jamais fait l’objet de menace : "Il n’y a eu aucun signe avant-coureur", indique l'homme. Elle est "particulièrement fréquentée" et "ne fait pas parler d’elle". La tête de cochon frappé du nom du président de la République pourrait provenir selon les premières constatations d’une boucherie. "En tout cas, on ne venait pas de décapiter un cochon. Il n’y avait pas de traces de sang".
Une enquête ouverte
Au total, au moins neuf têtes ont été retrouvées, "quatre à Paris et cinq en petite couronne", a détaillé le préfet de police de Paris Laurent Nuñez lors d'un point presse, disant ne pas exclure "qu'on en découvre d'autres".
"On ne peut s'empêcher de faire des rapprochements avec des actions précédentes (...) dont il a été avéré que c'était des actions d'ingérence étrangère", a-t-il ajouté, appelant toutefois à rester "très prudent".
Il faisait référence à de précédentes affaires, attribuées de possibles ingérences étrangères, dont les tags d'étoiles de David dans Paris à l'automne 2023 ou de mains rouges sur le Mémorial de la Shoah en mai 2024.
L'enquête pour provocation à la haine aggravée par la discrimination en raison de l'appartenance à une race ou religion a été confiée à la brigade criminelle de la préfecture de police de Paris, selon le parquet de la capitale, qui centralise les investigations.
Vives réactions et vague d'indignation
Le recteur de la Grande mosquée de Paris Chems-eddine Hafiz a dénoncé "une nouvelle et triste étape dans la montée de la haine antimusulmane", appelant "à une prise de conscience et à une solidarité nationale", après s'être entretenu avec la ministre déléguée chargée de la Lutte contre les discriminations Aurore Bergé.
Devant la mosquée de l'Union des musulmans de Malakoff, Caroline (prénom modifié) est venue déposer un bouquet de trois roses blanches pour montrer son "soutien et (s)a solidarité", bien qu'elle ne se considère "pas croyante".
"Les gens ne devraient pas avoir à cacher leur foi, en tout cas c'est pas ce qu'on m'a appris de la laïcité quand j'étais à l'école", estime l'ancienne directrice d'association de 40 ans.
Trois agents de la police judiciaire étaient aussi présents, a constaté un journaliste de l'AFP.
"Haine islamophobe"
À Paris, la maire PS Anne Hidalgo a condamné des "actes racistes" et a assuré de sa "solidarité avec la communauté musulmane", précisant que la Ville avait saisi la justice.
À Montreuil, l'édile de la ville, Patrice Bessac (PCF), a dénoncé des "actes de haine islamophobe", avant de se rendre à la mosquée avant la prière de 13h30 pour y "témoigner" de son soutien aux fidèles.
De son côté, le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau (LR) a fait part de son "indignation" face à "cette sorte de profanation". "J'entends que nos compatriotes musulmans puissent exercer leur foi dans la sérénité", a-t-il ajouté devant la presse.
"Cela fait des mois qu'on alerte, et nous ne sommes pas entendus", a affirmé à l'AFP Bassirou Camara, le président de l'Addam (association de défense contre les discriminations et les actes antimusulmans), demandant une "réaction forte" des autorités.
"On craint que ça aille crescendo. Quel va être la prochaine étape? Jeter des têtes de cochon sur les fidèles ou les agresser physiquement?", s'est-il interrogé.
Sur X, plusieurs personnalités de gauche ont vivement dénoncé ces actes.
"Au début la fachosphère s'en prenait aux clandestins, puis est venu le tour des immigrés en situation régulière, ensuite celui des binationaux, maintenant les Français musulmans sur leurs lieux de culte", a déploré le premier secrétaire du Parti socialiste, Olivier Faure.
Le chef de file de La France insoumise Jean-Luc Mélenchon a accusé Bruno Retailleau de "chauffer à blanc" l'islamophobie en France.
La droite s'est aussi indignée, la présidente LR de la région Ile-de-France, Valérie Pécresse, estimant ainsi que la République devait "protéger les croyants devant les profanations de leurs lieux de culte qui se multiplient".
La France compte entre cinq et six millions de musulmans pratiquants et non-pratiquants, ce qui fait de l'islam la deuxième religion du pays et de la communauté musulmane française la première en Europe.
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