Damien Rieu a réussi son coup en faisant parler de lui, mais peut-être pas de la manière qu’il attendait.
Le candidat du parti d’extrême droite Reconquête! pour la 4e circonscription des Alpes-Maritimes a fait beaucoup parler de lui, à quelques heures du premier tour des législatives, en postant une vidéo de lui traversant "clandestinement" la frontière franco-italienne de Mortola à Menton.
Le but de l’ancien membre du groupuscule Génération identitaire: "Voir si, comme je le pense, les frontières sont une véritable passoire". Démonstration faite, selon celui qui se vend comme "le député garde-frontières", qui n’aurait rencontré aucun contrôle.
"Traverser la Méditerranée en pneumatique, ça te dirait?"
Sa vidéo, postée le 8 juin a été partagée près de 5.000 fois sur Twitter.
Ça taquine sur le terme "clandestinement", mais aussi et surtout sur l’espace Schengen en Europe, où les personnes sont censées pouvoir circuler librement. Vincent Flibustier, militant anti fake news, a réagi en se filmant avec ironie en train de traverser la frontière Franco-Belge.
"Les contrôles aux frontières sont rétablis depuis 2015"
Seulement, c’est plus compliqué que ça. "Depuis le 13 novembre 2015 et jusqu’au 31 octobre 2022, les contrôles intérieurs sont rétablis", répond le candidat zemmourien.
Ce qui est vrai. "Ce qui est dingue, c’est que même Renaissance, le parti de gouvernement, apprend que les frontières sont rétablies depuis 2015", se délecte Damien Rieu au téléphone.
Recours déposé devant le Conseil d’État
Une vidéo "ridicule, dénonce Mireille Damiano, candidate suppléante Nupes dans la 3e circonscription. On ne va pas mettre un gendarme sur tous les sentiers".
Il y a surtout ce paradoxe: son action met en lumière ce que dénoncent des associations de défense des droits des étrangers. En mai, quatre d’entre elles: l’Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers (Anafe), le Groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti), le Comité intermouvement auprès des évacués (Cimade) et la Ligue des droits de l’homme) ont déposé un recours devant le Conseil d’État contre ces contrôles intérieurs. Justement parce qu’elles jugent cette pratique abusive.
"La France, comme d’autres pays, utilise la possibilité de rétablir des contrôles dans l’espace Schengen, détaille Agnès Lerolle, chargée de projet à la Coordination d’action aux frontières intérieures (Cafi). Sauf que ce n’est possible que pour six mois, renouvelable pour deux ans maximum, pour un motif nouveau et précis. La France le renouvelle depuis 2015, sous motif de menace terroriste, puis de Covid, mais en pratique, c’est un contrôle aux frontières."
Ce qui les a motivés: la décision de la Cour de Justice européenne, qui a tapé sur les doigts de l’Autriche, parce qu’elle faisait la même chose.
Les associations de terrain dénoncent au contraire des abus
Car ce n’est pas du laxisme que constatent les associations, sur la frontière: "On constate que tous les trains qui viennent d’Italie sont contrôlés. Tous. Il y a les péages, les routes, la vallée de la Roya, poursuit Agnès Lerolle. Il suffit d’être observateur pour voir tous ces points de contrôle."
"Plus que ce constat, on conteste ce cadre juridique et on dénonce les effets qu’ont ces contrôles, prolonge l’avocate. Tout ce qui est appliqué ne respecte pas les règles internationales et européennes. Ce qu’on constate, ce sont les contrôles au faciès, des gens interpellés et emmenés en Italie ou enfermés dans des postes frontières à Menton, sans avoir accès à la demande d’asile, quelle que soit leur situation".
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