Formée à l’Ecole nationale supérieure des Beaux-Arts de Paris et à la Rijksakademie van Beeldende Kunsten, à Amsterdam, Karina Bisch (née en 1974 à Paris, où elle vit et travaille) a développé un vocabulaire artistique usant de références à l’art géométrique, à la mode ou à la danse, avec une sensibilité à la modernité.
Pour les espaces du musée national Fernand Léger, cette artiste reconnue internationalement a conçu une installation immersive qui rassemble peintures murales, tableaux et créations textiles.
Des œuvres colorées et contrastées, qui établissent un dialogue avec cinq pièces peu connues de Léger qui ponctuent le parcours. Dont un dessin, une gouache, une céramique, et une lithographie.
Comme Léger, à Biot, Karina Bisch explore le potentiel des motifs décoratifs comme ornement et comme langage autonome, capable de générer du sens et de remodeler l’espace.
Dès le début du parcours, un visage monumental interpelle: toute exposition n’est-elle pas un autoportrait? À l’échelle de l’architecture, La Tête dans le décor, l’œuvre qui a donné son titre à l’exposition, convoque un langage plastique où l’héritage des avant-gardes est réinvesti. L’artiste y apparaît grimée, le visage fractionné en aplats vifs et cerné de pictogrammes flottants.
Murs envahis de motifs stylisés
Ce qui frappe instantanément le visiteur, c’est la façon dont la peinture envahit le mur de 6mètres de haut, d’un geste total, le transforme en un tableau noir où flottent les formes. Ou en peau tatouée, c’est selon. Des répertoires graphiques et motifs stylisés (nuages, feuilles, papillons) y apparaissent, comme extraits d’un décor ou d’un alphabet ancien. Le mur devient un champ enveloppant, le regard un mouvement. Vertigineux, hypnotique.
Avec Les Fleurs Diagonales, Karina Bisch, qui n’a de cesse de recycler son propre travail et qui a prélevé des formes chez Léger, interroge la structure même de la composition en désaxant la grille classique, orthogonale, vers une diagonale instable.
Les motifs, inspirés des arts décoratifs et des textiles traditionnels, se trouvent pris dans une trame où équilibre et instabilité coexistent. Les couleurs vives sont contrastées par le fond noir. Farbenfröh signifie en allemand "haut en couleur".
Cette tapisserie mécanique, assemblage en patchwork d’images sources et d’autocitations présentée un peu plus loin, constitue une rétrospective tissée de l’œuvre de Karina Bisch. Une oeuvre-mémoire, qui évoque notamment le costume d’Arlequin.
Avec Abidjan, on croit reconnaître un masque d’Afrique aux couleurs primaires et aux monumentales formes géométriques. Mais ce tableau déraille, comme hanté par le poids de l’histoire coloniale, tel un mémorial fissuré à l’enfance ivoirienne de Karina Bisch.
Immense réalisation, Abidjan rend hommage aux œuvres murales des années 1950 tout en les mettant à distance. La peinture, éclatée en un kaléidoscope de formes, reprend le motif du plafond d’un grand hôtel d’Abidjan, où les avant-gardes européennes croisent des références aux arts dits "premiers".
Indistinction entre l’art et la vie
Avec Trois costumes pour Fernand Léger (une blouse et une combinaison de peintre, ainsi qu’une robe à poches, chacun étant accessoirisé de chapeaux niçois datant de 1960) Karina Bisch rejoue un principe clé de la modernité picturale: l’indistinction entre l’art et la vie.
Enfin, avec Couverture en patchwork, Karina Bisch nous livre elle-même cette conclusion: "Lorsque j’ai commencé à travailler sur ma monographie She Paints, je me suis inspirée de ce livre consacré à Fernand Léger – Le goût de notre temps, Skira, 1962 – qui était dans ma bibliothèque. Comme pour inscrire mon travail dans la glorieuse généalogie masculine qui fait l’essentiel de cette collection, j’ai choisi d’en conserver le format presque carré (18 × 17cm). La jaquette de l’exemplaire du Fernand Léger en ma possession étant manquante, j’ai saisi l’occasion d’en concevoir une nouvelle [...] C’est ainsi qu’à la fin de l’histoire, le livre devient tableau."
70e anniversaire de la mort de Léger : animations au musée
Fernand Léger disparaissait le 17 août 1955, il y a 70 ans. Pour cet anniversaire, le musée national Léger, outre un nouvel accrochage intitulé Léger, peintre de la couleur, au sein de l’exposition permanente, organise une série d’événements.
A l’heure où Tous léger!, l’exposition imaginée à partir des collections du musée biotois et de celles du Musée d’Art Moderne et d’Art contemporain de Nice (MAMAC), poursuit désormais son épopée jusqu’au 20 juillet au musée du Luxembourg, à Paris, l’heure est aux célébrations à Biot.
Samedi 17 mai à 20h, carte blanche aux étudiants de Piste d’Azur, école de cirque, dans le cadre de la Nuit européenne des musées. Samedi 12 juillet, guinguette électro dans le parc du musée, dans le cadre des Cross Over Summer.
Du 4 octobre au 22 novembre, Bonjour, Monsieur Fernand, une création inédite de marionnettes par la compagnie Atelier des Songes, inspirée d’un des aphorismes du peintre : « le beau est partout » ! Mais aussi, du ciné dans le jardin, visites-atelier en famille, en lien avec l’univers de Léger et celui de Karina Bisch...
>> Musée National Léger, à Biot. De 10 h à 18 h, sauf le mardi. 7,50 euros, réduit 6 euros. Renseignements: 04.92.91.50.20. www.musee-fernandleger.fr
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