Épisode méditerranéen: "On a tout perdu", la coupe est pleine pour les agriculteurs de l'Est-Var
Inondée pour la deuxième fois cette année, la basse vallée de l’Argens a subi de lourds dégâts le week-end dernier. Les exploitants oscillent entre lassitude et colère face à l’inaction publique.
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Pierre PanchoutPublié le 29/10/2024 à 07:45, mis à jour le 29/10/2024 à 07:45
À Fréjus, Jean-François Sassi a perdu toutes ses récoltes, noyées par la crue de l’Argens.Photo Florian Escoffier
Un énième épisode méditerranéen et des mois de travail et d’investissements de nouveau réduits à néant. Alors que le niveau de l’eau redescendait dans la basse vallée de l’Argens, ce lundi, nombre de paysans ne pouvaient qu’arpenter avec rage leurs champs de désolation.
"On a tout perdu. Tout!", clame Jean-François Sassi, maraîcher à Fréjus, en faisant le tour de son exploitation. Ici, le basilic, les blettes ou encore certains choux sont prêts à être ramassés. Pourtant, rien ne pourra être sauvé après le débordement du fleuve.
À Fréjus, Jean-François Sassi a perdu toutes ses récoltes, noyées par la crue de l’Argens. Photo Florian Escoffier.
"Impossible de se déplacer dans ce bourbier. Avec le soleil revenu et annoncé durant les jours qui viennent, cela ne fera que favoriser le développement de champignons et le pourrissement des cultures", explique-t-il, en pointant du doigt d’autres plants immergés dont le feuillage a déjà amorcé sa déliquescence.
"Nous avons déjà perdu une récolte avec les inondations de mars dernier. Là, il va falloir des semaines pour que tout sèche, ce qui va nous empêcher de replanter rapidement… c’est toute la récolte d’hiver que nous avons perdue. Et n’imaginez pas que les assurances vont nous indemniser, cela fait longtemps qu’elles ne veulent plus assurer les dégâts d’exploitation".
"Si c’était à refaire, je changerais de job"
Stéphane Morféa, maraîcher à Puget-sur-Argens, s’inquiète de l’érosion de la berge qui protège son exploitation des crues de l’Argens.Photo Florian Escoffier.
De l’autre côté du cours d’eau, à Roquebrune-sur-Argens, Olivier Cauvin a également vu toutes ses récoltes noyées et ses espoirs douchés.
"Au premier coup d’œil, on pourrait croire que mes pieds de tomates ont tenu le choc. Mais tous les fruits qui ont été submergés sont recouverts de limon et vont s’abîmer. L’humidité qui va stagner et favoriser les maladies aura le reste", constate avec amertume cet autre maraîcher.
À peine l’eau a-t-elle eu le temps de redescendre que l’heure est déjà venue pour ces exploitants de pointer du doigt l’action publique.
"Je n’ai pas vu les élus de l’agglomération venir à notre rencontre ni même apporter leur soutien dans une déclaration. Nous savons que certaines inondations sont inévitables, mais les deux de cette année sont inadmissibles, reprend Olivier Cauvin. Les travaux du Programme d’action et de prévention des inondations sur notre secteur se font toujours attendre et nous avons le sentiment de ne plus être désirés sur ce territoire. D’être considérés comme le vase d’expansion du département. Pas étonnant qu’il y ait de moins en moins d’agriculteurs ici. Moi-même, si c’était à refaire, je changerais de métier."
"L’Argens n’est pas assez entretenu"
Installé à Roquebrune-sur-Argens, Olivier Cauvin constate les dégâts sur ses fraisiers. Photo Florian Escoffier.
Jean-François Sassi ne dit pas autre chose: "J’ai l’impression qu’on ne nous écoute pas, que rien ne change depuis 2010. Les fossés et ruisseaux ne sont pas curés et quand on apprend que c’est pour protéger une grenouille ou un oiseau, c’est incompréhensible pour nous".
Dans le même quartier, côté Puget-sur-Argens, Stéphane Morféa a du mal à évaluer les pertes sur ses jeunes pousses de salade. Mais ce qui l’inquiète le plus, c’est le trou béant dans la berge qui le protège des crues de l’Argens.
Et le cultivateur d’égratigner, à son tour, les pouvoirs publics. "Le talus a été emporté en mars dernier et devait être consolidé, sauf que ça n’a pas été fait. Lors des derniers orages, cette berge s’est de nouveau érodée. Aux prochaines précipitations, plusieurs exploitations, dont la mienne, risquent d’être totalement sinistrées".
En urgence, Olivier Cauvin a pu mettre quelques courges à l’abri.Photo Florian Escoffier.Ces salades sont condamnées à pourrir… Photo Florian Escoffier.
Sébastien Perrin, agriculteur roquebrunois et secrétaire général de la Chambre d’agriculture, enfonce le clou: "L’entretien de l’Argens reste insuffisant et nombre d’arbres morts sont arrachés lors des crues et emportent des berges avec eux. Nous militons également pour l’accélération des dossiers de confortement des talus et la création de retenues collinaires, des dossiers qui piétinent", s’agace-t-il tout en promettant de les remettre sur la tablelors d’une rencontre prévue tout prochainement entre la Chambre d’agriculture et le préfet.
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