Théoule veut les chasser de son littoral: les jet-skis doivent-ils être interdits en mer?
Et dans les autres communes littorales de l’ouest des Alpes-Maritimes, quelle "politique" autour de la pratique du jet-ski?
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Alexandre CariniPublié le 09/08/2025 à 04:30, mis à jour le 09/08/2025 à 11:14
Dans le chenal de sortie de la Siagne, à Mandelieu, la vitesse est limitée à 3 nœuds, ce qui implique que les jet-skis ne produisent pas trop de remous... Photo P. L.
"Les jet-skis perturbent la faune marine, polluent, font du bruit, alors on souhaite les interdire dans notre Parc marin." Quand Georges Botella a une idée en tête, surtout concernant l’environnement, il n’y va pas par quatre chemins. Ni de main morte.
Lors d’une précédente interview, en juin dernier, le maire de Théoule avait clairement désigné "l’ennemi", façon Waterworld (1), à savoir les scooters de mer.
L’édile persiste et signe avec un courrier adressé, le 30 juillet, à la préfecture maritime de Toulon, pour réclamer officiellement l’interdiction des "jets" sur les 353 hectares (soit une bande d’environ 450 mètres depuis le rivage) du Parc maritime départemental Estérel-Théoule, établi depuis 2018, en cogestion avec le Conservatoire du littoral.
Car, autant l’élu Renaissance a de la tendresse pour les poulpes (dont il entend limiter la chasse en été), les oursins (dont il a favorisé la réintroduction locale de 50.000 spécimens avec le CNRS et l’Université de Corse) ou les tortues caouannes (dont Théoule sert de base pour les relâcher en mer après soins), autant, ces véhicules nautiques à moteur (VNM) lui hérissent les sourcils épais.
Contrôle de routine par la brigade nautique, à Mandelieu. Photo P. L..
"Une forte augmentation des infractions cet été"
"Un des axes majeurs du plan de gestion du Parc marin prévoit de favoriser les pratiques nautiques douces, afin d’évoluer vers des activités non bruyantes et respectueuses de l’environnement. Ce n’est pas le cas des VNM, dont le comportement est inacceptable", justifie encore Georges Botella dans son courrier, en évoquant "une forte augmentation des infractions" sur la vitesse, les balisages et les permis de piloter, depuis le début de l’été.
Un constat, d’ailleurs partagé par certains baigneurs, excédés de voir et entendre des engins vrombissants, soudain débarqués d’un yacht, quasiment devant leurs yeux, qui se coursent parfois à travers les flots aux abords à la Pointe de l’aiguille.
"La limitation de vitesse ne suffit pas..."
Certes, un arrêté préfectoral du 27 mars 2024 limite déjà la vitesse à 15 nœuds au-delà de la bande littorale réglementaire des 300 mètres.
Mais, pour celui qui est également vice-président de l’agglomération Cannes-Pays de Lérins et conseiller régional, cette mesure, tel un coup d’épée dans l’eau, est loin d’être suffisante.
"Des jet-skis, basés depuis la Siagne ou le port de la Rague [dont la gestion est confiée à Mandelieu], ne se gênent pas pour venir polluer notre Parc marin, on l’a remarqué plusieurs fois, cet été", nous confie aussi le 1er magistrat.
D’où sa demande d’interdiction pure et simple des jet-skis (associée au Conservatoire du littoral), quitte à ne pas se faire que des amis. Comme on commence à faire le ménage chez soi, en souhaitant secrètement que les voisins (du littoral) en fassent de même chez eux.
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"Moins polluant que les bateaux de plaisance"
UN zodiac plutôt que des jet-skis. C’est l’option finalement choisie par Thierry Burnet, qui a rebaptisé sa société Cap cool plutôt que Jet cool. Contraint et forcé.
Après cinq années à organiser des randonnées jet-ski au départ du port de la Figueirette ("et plus de 25 ans à sillonner le coin"), le moniteur agréé a dû dériver vers Agay, dans le Var, car la mairie de Théoule n’a pas renouvelé son autorisation d’occupation temporaire pour installer sa base.
"Le maire m’en avait déjà parlé, à l’été 2024, mais il m’avait quand même laissé faire la saison. En décembre, un courrier m’a confirmé le non-renouvellement de l’autorisation, confirme l’intéressé, qui a donc déménagé dans le département voisin.
"Mais comme on m’y interdisait également l’accès aux criques et à la Corniche d’or à jet-ski, j’organise désormais mes randos sur un gros pneumatique, car le jet pour le jet, au large, ça ne m’intéresse pas du tout…"
Ce qui ne l’empêche pas de trouver son exclusion de Théoule sévère, injuste, et inefficace. "D’autres bases de jet-ski restent en activité juste à côté, sur le territoire de Mandelieu ou Golfe-Juan, alors rien n’a changé en mer, ça a même empiré."
"Avant, on ne voyait personne entrer dans la bande des 300 mètres, alors qu’aujourd’hui, certains moniteurs ne tiennent pas leurs clients, et y font même des démonstrations de pilotage, dénonce encore Thierry Burnet. Moi, j’encadrais bien mes sorties rando, et je ne faisais pas de location libre, avec le risque que le client fasse n’importe quoi."
À Juan-les-Pins, on croit plutôt au père Noël à ski nautique, plutôt qu’au vrombissement des scooters de mer. Photo S. B.Photo S. B..
"Mieux que la marée de crème solaire et gobelets plastique"
Oui, mais la pollution, dénoncée par Georges Botella (et subie aussi par les visiteurs sur les plages, au niveau sonore et visuel tout au moins)?
"C’est comme une voiture, on peut toujours la trafiquer, mais les petits jet-skis polluent dix fois moins que certains bateaux de plaisance, et Dieu sait qu’il y en a, à la Figueirette", rétorque encore l’adepte, qui ose aller plus loin dans le raisonnement.
"Nous, on oxygène même l’eau avec nos turbines, et c’est moins dangereux que les hélices des plaisanciers. Et puis des gros bateaux d’écotourisme, qui déversent une marée de crème solaire et gobelets plastiques après leur passage, c’est beaucoup plus polluant que mes cinq petits jet-skis!"
"Le problème, c’est que le jet-skieur moyen n’a pas de cerveau"
Pour le bruit, Thierry Burnet se défend encore. « Tout dépend du pilote de jet. S’il n’accélère qu’après le chenal et loin de la baie, ça ne crée pas vraiment de nuisances sonores. Et puis moi, j’avais commandé des jets électriques pour remplacer ma flotte, ça représentait un investissement de 250.000 euros, précise-t-il.
"Quand ils ont construit la nouvelle capitainerie de la Figueirette, ils devaient passer les fourreaux pour alimenter les bornes de recharge, mais on m’a dit que finalement, ce n’était pas possible. Et maintenant, je me bats pour récupérer mes acomptes."
Les bateaux et scooters électriques, pas tout de suite
De son côté, Georges Botella indique que les fourreaux ont bien été installés dans la nouvelle capitainerie, mais "tout l’équipement pour les bornes de recharge rapide est très onéreux. Le tout électrique, on le fera dans le cadre de notre plan de rénovation et modernisation du port, afin d’accueillir aussi des bateaux électriques, comme à Marseille."
Et d’annoncer aussi: "On mettra des panneaux photovoltaïques sur les futurs parkings à l’entrée, mais ce n’est pas dans l’immédiat. Les scooters électriques, on les a attendus durant trois ans, mais on n’en a pas vu la moindre démonstration…"
En attendant, Thierry Burnet le concède et le conçoit néanmoins: le jet-ski a aujourd’hui mauvaise réputation. Lui en donne sa propre explication.
Et elle éclabousse: "Le problème, c’est que le jet-skieur moyen n’a pas de cerveau, il ne respecte rien! assène-t-il. Et, avec la crise Covid, ça n’a rien arrangé. Cette année-là, ceux que j’appelle les “herboristes" sont venus faire du jet-ski chez nous, plutôt qu’en Thaïlande, où ils se rendaient habituellement (sic). Et comme ça leur a plu, ils reviennent chaque été! »
Bigre: pour la promotion de sa pratique, le jet-ski aurait pu trouver meilleur ambassadeur…
1. Film futuriste avec Kevin Costner, sorti en 1995, où des survivants de l’apocalypse s’affrontent sur les flots, notamment avec des scooters des mers.
"Je comprends tout à fait qu’il y ait des contrôles"
"Bonjour Monsieur, vous naviguez un peu trop vite pour une sortie de chenal, veuillez ralentir s’il vous plaît..."
Cet après-midi-là, on a pris place à bord du bateau piloté par la brigade nautique de Mandelieu, pour l’un de ses contrôles estivaux réguliers au départ du port Inland, sur les berges de la Siagne.
"Chez nous, on autorise le jet-ski, mais on encadre et on surveille", résume le directeur de la communication, Thierry Pelletier, pour cette commune voisine de Théoule, qui héberge plusieurs bases sur la Siagne, au port de la Rague, et au Béal.
"Après la crise Covid, en 2020, on a eu des gens de région parisienne qui sont venus exploiter des jet-skis dans des conditions troubles, alors on est particulièrement vigilants depuis", abonde Pierre Boutillon, directeur de la police municipale.
Par arrêté préfectoral, la vitesse est ainsi limitée à 3 nœuds (environ 6km/h) dans le chenal qui mène à la mer et la bande des 300 mètres. Pour en juger, pas de radar, comme en bord de route. "On se fie surtout aux remous que peut provoquer le scooter à l’avant comme à l’arrière."
Et si, étonnamment, "le pilotage d’un scooter des mers en état d’ivresse n’est pas une infraction" (contrairement aux professionnels de la mer), sauf en cas d’accident, la commune se réjouit de n’en avoir pas enregistré depuis 5 ans.
On gagne le large, où Andrea gère une sortie de jet-skis. "Je comprends tout à fait qu’il y ait des contrôles. Nous, on briefe bien le client en amont, afin qu’il respecte les consignes", certifie le moniteur, juché sur son engin.
"Quand on sort, on évolue doucement, en file indienne, et on se rend dans une zone d’initiation, en respectant une distance d’au moins 150mètres entre chaque scooter. Si un bateau surgit, on le laisse systématiquement passer, car on n’a pas priorité."
Déclaration de bonnes intentions. Et la pollution, qui fait aussi la mauvaise réputation? "On espèrepasser à l’électrique, mais pour l’instant, ça pose encore des problèmes de charge..." Soit.
Reste qu’un contrevenant risque une verbalisation de 68 euros, qui peut s’élever jusqu’à 1.500 euros, en cas de procédure en justice, "car on agit de concert avec la gendarmerie maritime", rappelle Pierre Boutillon.
À Cannes, le jet-ski strictement exclu des îles de Lérins
À Cannes, "le jet-ski n’est pas une activité que le maire, David Lisnard, souhaite encourager, car ça peut créer des nuisances et la baie est déjà bien encombrée, indique Diane Levêque, directrice Mer et littoral. On reçoit quelques demandes d’implantation, mais pas tant que ça, car les exploitants savent qu’on n’en veut pas."
Ceci étant dit, une base jet-ski était autorisée en mer par l’État, uniquement pour des randonnées. Pour "des raisons réglementaires", elles s’effectuent désormais à la sortie du Moure Rouge, à la queue leu leu derrière le moniteur.
Et puis, pas touche aux îles de Lérins! Pour limiter les nuisances sonores en zone littorale et préserver la biodiversité marine, un arrêté préfectoral de 2016 interdit la navigation de jet-skis dans le périmètre délimité par le phare de la jetée Sud du Vieux-Port, le Palm Beach, le fort de Sainte-Marguerite et la pointe du Batéguier, ainsi qu’entre les îles de Lérins.
Reste que, pour y faire police, David Lisnard aimerait avoir la main (municipale) au-delà de la bande des 300mètres. Une requête qui n’a pas abouti jusqu’ici.
À Antibes, la préférence pour la tradition du ski nautique
Enfin, à Antibes (1), le maire Jean Leonetti s’en rapporte à l’histoire et à la tradition de sa station :
"Celle du ski nautique, des engins tractés, des parachutes ascensionnels. C’est ce que nous avons choisi de privilégier pour nos lots d’activités. "
Autrement dit, pas de base pour les scooters des mers, et "aucun couloir de navigation pour permettre à ces engins de rejoindre la mer au-delà de la bande des 300mètres... Aucune activité de jet-ski ne peut se développer depuis le littoral communal."
Voilà pourquoi on a plus de chance de voir un père Noël juanais chevauchant les flots antibois sur deux skis, tracté par un bateau à moteur. À moins que ce ne soit (abus de boisson festive oblige) un traîneau tiré par des hippocampes, allez savoir…
1. Kevin Luciano, maire de Vallauris-Golfe Juan, n’a pas donné suite à notre sollicitation.
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