Le photographe Georges Rousse transforme l’abbaye de La Celle en trompe-l’œil géométrique

Ceci n’est pas un carré. Au cœur de l’abbaye de La Celle, deux formes géométriques enlacées accueillent les visiteurs: un carré jaune et un autre noir, peints directement sur les pierres du monument. Des carrés… En apparence seulement. Ils sont le fruit du travail du photographe Georges Rousse, à qui le Département consacre l’exposition Utopia.

Pour en saisir pleinement la portée, il faut se déplacer, jouer avec les perspectives, trouver l’angle idéal où le trompe-l’œil se révèle parfaitement.

"C’est très immersif, car le visiteur devient lui-même le créateur de l’image perçue en se déplaçant. Il crée une distorsion spatiale, une anamorphose, ou plus simplement un trompe-l’œil", explique Yvon Lemoine, responsable du site.

"Il truque la réalité avec un dispositif délibérément distordu, observable uniquement depuis un point précis, à 1,58mètre du sol — soit la hauteur de l’œil de l’objectif de son appareil", ajoute-t-il.

Pour l’artiste, ces formes peintes ne sont pas une fin en soi, mais un travail préparatoire: la photographie finale est l’œuvre aboutie.

Un dialogue subtil avec le lieu

Pour respecter le patrimoine, l’intervention s’est concentrée sur une partie rénovée des voûtes (en 2021), avec une peinture appliquée sur un vernis protecteur. À la fin de l’exposition, l’ensemble pourra être retiré sans laisser de trace. "On voulait quelque chose d’éphémère et réversible", précise encore Yvon Lemoine.

La photo, sobrement intitulée Abbaye de La Celle 1, 2025, a été conçue et réalisée sur place. Un peu plus loin, une seconde œuvre attend le visiteur, toujours sous les voûtes: cette fois, Georges Rousse a installé son trépied face à un escalier de service.

"Il a créé une superposition parfaite sur plusieurs plans. Il y a un vrai dialogue entre l’œuvre et l’architecture", souligne Yvon Lemoine. Là encore, l’illusion est saisissante: un cercle jaune s’inscrit avec précision dans les courbes des voûtes.

Le jaune, commun aux deux compositions, évoque ici la spiritualité du lieu. Avant d’en arriver là, l’artiste a effectué plusieurs repérages pour identifier les espaces les plus adaptés à son travail.

Puis, muni de son appareil photo et de son trépied, il a capturé les lieux, son boîtier relié à un ordinateur permettant de simuler l’effet visuel final. Enfin, il a tout peint sur place, aidé d’un assistant.

Entre Malevitch et Mondrian

Outre ces créations originales, l’abbaye propose, dans les salles du réfectoire et du couvent, une rétrospective du parcours de Georges Rousse. Celui qui a eu son premier appareil photo à neuf ans n’a cessé, depuis, d’arpenter le monde.

Chez lui, la bascule artistique s’opère lorsqu’il découvre Kazimir Malevitch, notamment son Carré noir sur fond blanc, mais aussi l’univers géométrique de Mondrian.

Georges Rousse a pris l’habitude de s’installer dans des architectures à l’abandon, des friches, mais aussi des lieux prestigieux comme Chambord.

Sa démarche consiste à investir l’espace, à y peindre ses formes géométriques (carrés, cercles, octogones) sans gommer les éléments existants: prises électriques, meubles ou irrégularités du mur. Ainsi, à La Celle, Georges Rousse démontre que l’art contemporain n’efface pas le passé: il le révèle.

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Georges Rousse Utopia. Jusqu’au 2 novembre à l’abbaye de La Celle. Entrée libre du mardi au dimanche de 10h à 18h30 (juin - août), de 10h à 17h30 (sept. - nov.).