Avec plus de 30.000 visiteurs en deux semaines, l’exposition du Centre Pompidou rayonne au Grimaldi Forum de Monaco
Exposition Le Grimaldi Forum accueille jusqu’au 31 août « Couleurs ! Chefs-d’œuvre du centre Pompidou ». Une plongée chromatique d’une rare richesse et un événement exceptionnel face à l’ampleur des prêts consentis par le Centre Pompidou, bientôt fermé pour travaux.
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Jérémy BecamPublié le 29/07/2025 à 07:00, mis à jour le 29/07/2025 à 07:00
C’est un privilège rare que s’est offert le Grimaldi Forum cet été. À l’heure où le Centre Pompidou de Paris s’apprête à fermer pour rénovation, ses chefs-d’œuvre prennent temporairement le large. Inauguré en 1977, le vaisseau amiral de l’art moderne et contemporain fermera totalement le 22 septembre pour une vaste opération de désamiantage et de restructuration, prévue jusqu’en 2030. Dans ce contexte, Didier Ottinger, directeur adjoint du Musée national d’art moderne, a imaginé une exposition hors les murs, à destination du public estival monégasque.
Le pari est audacieux: réunir un "best of" du Centre Pompidou, mais sous un angle inédit. Pas de chronologie, pas de mouvements séparés — ici, c’est la couleur qui sert de fil conducteur. Et pour Catherine Alestchenkoff, directrice des événements culturels du Grimaldi Forum, "pouvoir présenter un tel condensé de chefs-d’œuvre, dans un format aussi accessible, c’est une chance inouïe". L’exposition s’inscrit aussi dans une dynamique nouvelle: penser dès aujourd’hui le musée de demain, plus sensible, plus fluide, plus accessible aux familles.
Une scénographie immersive: entrer dans la couleur
Dès l’entrée, le ton est donné: le visiteur traverse un immense tambour chromatique. Le parcours s’organise ensuite en cercle autour d’un disque chromatique monumental. Cette structure permet une circulation organique, sans hiérarchie, où les couleurs deviennent les vraies guides.
Pensée comme une immersion, l’exposition convoque aussi les sens. Chaque teinte est associée à une ambiance sonore et olfactive, développée avec un acousticien et un parfumeur. Le visiteur chemine selon son ressenti, entre zones d’intensité visuelle, d’apaisement ou de contraste. "Il y a plusieurs niveaux de lecture, et c’est ce qui rend cette exposition vraiment stimulante", résume Catherine Alestchenkoff.
Des œuvres majeures rarement exposées hors de Paris
Si l’angle chromatique est original, il n’en demeure pas moins spectaculaire. En témoignent certaines pièces majeures, rarement prêtées. Parmi elles, "Bleu de Ciel" de Kandinsky, œuvre tardive créée en pleine Seconde Guerre mondiale. Une toile où transparaît, malgré la noirceur de l’époque, une foi vibrante en l’humanité. Côté jaune, "L’Atelier au Mimosa" de Pierre Bonnard irradie: "On y sent presque le parfum du mimosa", note Catherine Alestchenkoff.
Le vert se distingue avec un tableau rare de Francis Bacon, "Van Gogh dans un paysage", issu d’une série hommage à l’artiste dont seuls sept exemplaires existent. Un tournant dans la carrière de l’artiste, à la croisée entre hommage et réinvention. Enfin, dans le registre du noir, "Slave Auction", un Basquiat exceptionnel, acquis par le Centre Pompidou grâce à une dotation, rappelle la fulgurance d’un artiste au parcours météorique.
Quand la couleur révèle les oubliés ou les marginaux
Mais l’exposition ne se contente pas d’aligner les grands noms. Elle intègre aussi des artistes rarement montrés. Ainsi, dans la section rose, Henri Valensi, chef de file du musicalisme, réapparaît. Son travail explore les liens entre couleurs et sons.
Autre exemple: Philip Guston. Connu pour sa transition radicale de l’abstraction au figuratif dans les années 1970, il signe ici une œuvre poignante, aux tons pastels, abordant frontalement le thème du Ku Klux Klan. Un tableau puissant, dérangeant, rarement présenté au public. On retrouve aussi František Kupka, pionnier de l’abstraction, dont les compositions jaunes font dialoguer lumière et rythme dans un rapport quasi musical.
Enfin, la Côte d’Azur est aussi présente à travers Martial Raysse, enfant du pays et figure du pop art européen. "Made in Japan", pastiche ironique d’une Vénus d’Ingres, mêle aérosol, plastique et verroterie dans un hommage kitsch à la société de consommation des années 60. "C’est une lecture de l’art qui intègre aussi l’humour, la critique, le détournement", commente Catherine Alestchenkoff.
Au-delà de la peinture, l’exposition explore un autre territoire: le design. Certaines pièces sont ici présentées dans leur contexte d’origine — salon, salle d’attente, buanderie —, redonnant vie à des objets devenus icônes. Poignées de porte, luminaires, assises: tous dialoguent avec les œuvres plastiques dans un esprit de désacralisation.
"L’idée, c’est de rappeler que ces objets ont été pensés pour être utilisés. Qu’ils faisaient partie de la vie quotidienne", insiste Catherine Alestchenkoff. Cette mise en situation permet de renouveler notre regard sur des créations parfois devenues invisibles à force d’être trop admirées. À travers cette approche, c’est aussi la place de l’art dans nos vies qui est interrogée.
Un pari réussi pour le Grimaldi Forum
À mi-parcours, l’exposition rencontre un véritable succès. Plus de 30.000 visiteurs en deux semaines. "On pourrait dépasser les 70.000 entrées d’ici la fin, nous sommes en tout cas en avance sur l’exposition de l’année dernière", confie la directrice culturelle. En attendant que les couleurs du Centre Pompidou renaissent, c’est ici, au Grimaldi Forum, qu’elles brillent de tous leurs éclats.
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