"Je veux qu’on me croie": des récits de femmes face à l’endométriose

Mot clé À Nice, Jeanne et Chahinez témoignent de leurs années d’errance et de souffrances. Leur participation à l’essai national sur l’Endotest incarne l’attente d’un diagnostic enfin posé, pour ouvrir la voie à une meilleure prise en charge.

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Rafael Perrot Publié le 15/09/2025 à 21:15, mis à jour le 15/09/2025 à 21:15
Jeanne, présélectionnée sur son dossier médical, et sa maman, Christine, s’apprêtent à rencontrer le Dr Pierre-Alexis Gauci. DR

Jeanne a 20 ans. C’est accompagnée de sa maman, Christine, qu’elle se présente ce matin de juillet au Centre de recherche clinique du CHU de Nice pour participer à l’essai clinique Endobest. Elles arrivent de Draguignan et leurs attentes sont à la hauteur des souffrances endurées depuis des années par la jolie et frêle jeune fille. C’est Christine qui prend la parole en premier. Infirmière de profession, elle a d’emblée pris la mesure des troubles de sa fille. "Ses douleurs au moment des règles sont atroces. On a consulté une première gynécologue à Draguignan, puis un autre à Nice… Mais personne n’arrive à en comprendre l’origine. D’autant que rien de particulier n’apparaît à l’imagerie."

Une douleur évaluée à 9 sur 10

Sur une échelle de 1 à 10, Jeanne évoque des douleurs à 9-10. "Parfois, je n’arrive même plus à marcher." D’autant qu’a ses douleurs pelviennes se sont rapidement greffés des problèmes urinaires et digestifs importants. "Même sans règles, j’ai mal. Tout le bas du ventre est contracté en permanence. Et le stress ou l’effort physique ne font qu’aggraver les choses." La jeune fille serre les dents et avale régulièrement des antalgiques puissants: "Avant, j’associais codéine et tramadol". Mais, victime de complications, Jeanne, qui ne pèse plus actuellement que 40kg – ses douleurs digestives l’empêchent parfois de s’alimenter – a dû passer encore un cap: "Je suis désormais traitée par acupan en intraveineuse (antalgique non opioïde, utilisé essentiellement en milieu hospitalier, Ndlr)."

La double peine

Jeanne ne subit pas seulement les affres de la maladie; elle est confrontée à ses conséquences, au niveau professionnel en particulier. Employée dans un hôtel 5 étoiles, elle s’est fait licencier. Trop d’absences, trop de jours où la douleur l’empêchait de tenir debout. Et quand, en dépit de ses souffrances, elle s’efforçait de venir travailler, on lui reprochait sa posture, trop "contractée". "Ils m’ont dit de revenir quand ça irait mieux". Lorsque la jeune fille va essayer de se justifier, d’expliquer ses troubles, elle s’entendra opposer: "Faites vous couper les ovaires!"

"Faute de diagnostic officiel, elle ne peut pas bénéficier d’un aménagement de poste, ni d’une reconnaissance handicap", regrette sa maman. "Ce que j’espère, c’est que ce test dise que c’est ça, une endométriose, embraye Jeanne. Parce qu’on a déjà cherché ailleurs. Gastro, urologie, psy… Rien. Et je veux juste comprendre pourquoi j’ai si mal."

"On est prêtes à tout entendre. Le plus important, c’est qu’elle soit soulagée", résume sa maman.

À 21 ans, Chahinez s’apprête à participer à l’essai clinique. Un espoir, un tournant peut-être, après neuf ans de douleur, de doutes, de rendez-vous, de solitude.

À l’âge où les premières règles inquiètent à peine, la jeune Niçoise, elle, est foudroyée. "D’emblée, c’était insupportable. J’avais mal, très mal." Au début, elle pense que c’est "normal". "C’est ce qu’on entend partout: les règles, ça fait mal, c’est comme ça." Mais très vite, elle comprend que ce qu’elle vit n’est pas si commun. "Je pleurais à l’école, je faisais des hémorragies, je ne pouvais plus marcher. Je devais appeler ma mère en pleine rue pour qu’elle vienne me chercher." Au collège, ses amies lui disent qu’elles aussi ont mal, "mais pas comme ça".

Une errance dès l’adolescence

Il lui faudra attendre le lycée et un échange avec une infirmière scolaire à qui elle a confié ses symptômes pour entendre le mot "endométriose". "J’avais 15 ou 16 ans, j’avais terriblement mal, et pour la première fois, quelqu’un m’a parlé de cette maladie; je n’en connaissais rien."

Les médecins qu’elle va alors consulter minimisent. "On me disait que j’étais trop jeune, que c’était un mot à la mode, que j’exagérais."

Alors que ni sa maman, ni ses sœurs ne se plaignent de symptômes similaires, l’adolescente se sent seule. Et elle continue de vivre ses règles comme un cauchemar. "J’avais la sensation que quelque chose me mangeait de l’intérieur. Une brûlure permanente, comme des griffes." Aux douleurs menstruelles s’ajoutent bientôt des troubles digestifs: constipation, diarrhée, intolérances alimentaires.

Un traitement qui change tout… un temps

À 18 ans, elle consulte enfin le Pr Jérôme Delotte, chef du service de gynécologie-obstétrique au CHU de Nice, qui lui prescrit un traitement hormonal. Elle hésite, elle a peur. Mais sa mère insiste. Chahinez accepte. Et là, tout change. "C’était le meilleur choix de ma vie. Je n’avais plus mes règles, plus les douleurs, même mes intolérances alimentaires ont disparu. C’était comme renaître. Je pouvais aller à la bibliothèque, rester en cours, vivre normalement…"

Mais après un an, une migraine ophtalmique sévère l’oblige à arrêter le traitement. Et tout revient. Pire encore. "Les douleurs digestives étaient de plus intenses, et mes intolérances se sont multipliées."

Un diagnostic toujours en suspens

Chahinez a passé trois IRM, entre 17 et 20 ans. "Une seule fois, on a détecté un petit endométriome. Mais on m’a dit que ce n’était rien."

Une autre fois, une lésion d’adénomyose est repérée… mais la relecture du dossier la juge "non significative".

Alors, aujourd’hui, elle attend beaucoup de cet Endotest. "Je voudrais que le test soit positif. Pas parce que je veux être malade, mais parce que je veux savoir. Et je veux qu’on me croie."

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