"Dis moi juste que tu m’aimes": Élodie Bouchez et José Garcia dans une relation toxique
Les deux comédiens sont à l’affiche de "Dis moi juste que tu m’aimes", un film où Anne Le Ny interroge l’amour et pose la question du harcèlement.
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Cedric CoppolaPublié le 18/02/2025 à 22:01, mis à jour le 18/02/2025 à 22:01
interview
Élodie Bouchez et José Garcia. (Photo Emmanuelle Jacobson-Roques)
Le sujet du harcèlement surgit au bout de 15 à 20 minutes de film. Avez-vous été surpris lorsque le scénario prend ce virage, ou la réalisatrice Anne Le Ny vous avait-elle mis au courant en amont de la lecture?
José Garcia: La première thématique, c’est surtout le mariage et ce qui se passe au sein d’un couple. C’est en tout cas comme ça que j’ai reçu l’histoire. On entre dans une période où Marie, que joue Élodie Bouchez, est en plein doute. C’est à ce moment-là que mon personnage arrive. Le harcèlement surgit tardivement. Thomas, que j’interprète, n’est pas un harceleur à la base, c’est quelqu’un qui tombe sous le charme de manière obsessionnelle, presque délirante, un peu comme un érotomane. Il est touché et ému par cette femme et il se persuade qu’il va changer sa vie. Et comme il est son supérieur hiérarchique, il perd pied, parce qu’il ne lui demande jamais son avis… Elle lui dit clairement non, qu’il faut arrêter d’inventer des histoires, qu’elle est en couple même si c’est compliqué. Mais lui ne veut pas l’entendre.
Thomas a quand même de nombreux symptômes du pervers narcissique…
J. G.: Ce qui caractérise ces personnes, c’est justement leur charme. Ils cochent toutes les cases pour répondre à une fragilité passagère de leur victime. On ne se jette pas dans la gueule du loup, on ne voit pas toujours le danger arriver. Mais votre interprétation met le doigt sur ce qu’aime Anne Le Ny: créer des discussions. Chacun perçoit le film en fonction de sa sensibilité. Votre point de vue est aussi valable que le mien. J’ai construit mon personnage en pensant à un homme issu d’une bonne famille, qui a suivi un parcours classique dans les grandes écoles, a connu la compétition et a peut-être été broyé par ce système. Thomas a probablement cherché à s’affranchir de son milieu, et lorsqu’il rencontre Marie, il est charmé par sa simplicité. Il se persuade qu’il va lui offrir une meilleure vie.
Élodie Bouchez, comment avez-vous perçu Thomas?
Élodie Bouchez: J’adore la manière dont José défend son personnage, avec sincérité. Cela le rend non caricatural. Mais à un moment, il y a une intimidation qui s’installe. Il dépasse les limites, il rentre chez elle, il devient intrusif. Il ne lâche pas son objectif, et c’est là que la pression monte…
José Garcia, dans ‘‘Nous les Leroy’’, le mari que vous incarnez s’entête à sauver son couple, dans ‘‘Joli, joli’’, vous êtes un producteur qui manipule une jeune actrice pour la ramener à lui. Ces choix témoignent-ils d’une envie d’explorer des hommes au caractère obsessionnel?
J. G.: On me propose de plus en plus ces rôles-là. Je suis très respectueux dans la vie, mais au cinéma, j’aime explorer l’ambivalence et jouer sur l’empathie du public, qui me perçoit comme quelqu’un de sympathique et qui est d’autant plus perturbé quand je bascule.
À l’inverse, Élodie Bouchez, représenter une certaine forme de fragilité vous intéresse particulièrement?
E. B.: Je cherche surtout des rôles bien écrits et complexes. Cette femme n’est pas seulement fragile. Elle dégage une certaine force quand elle comprend le danger. En tant que comédienne, on se laisse porter par cette bascule que doit ressentir le spectateur… L’idée n’est pas de brosser un profil type de la victime. Il n’y en a sans doute pas. C’est souvent une rencontre entre un passage à vide et une personne puissante qui va s’entêter, jusqu’à vouloir la posséder.
Quelles sont les réactions du public lors des avant-premières? Cela conduit-il à des prises de conscience de la toxicité de certains comportements?
J. G.: Lors d’une projection, j’ai défendu coûte que coûte mon personnage. Cela a provoqué des réactions, mais ce film est plus large que le harcèlement. Il questionne aussi l’amour, la dépendance affective et les doutes qui nous traversent tous.
De l’intérieur, sentez-vous une évolution des mentalités depuis l’éclosion du mouvement #MeToo?
E. B.: Oui, ça change, parce que certains comportements sont détectés, mais bon, ça va être long…
J. G.:… Et c’est malheureusement sans doute lié à la nature humaine. La chance qu’on a, c’est que les projecteurs sont désormais braqués sur ce problème. Dorénavant, dès que quelqu’un ira dans ce sens, ça claquera. Mais c’est vrai qu’il y a eu une impunité pendant longtemps et il y en aura certainement encore… Et lorsqu’on voit ce qui se passe dans certains pays, avec les élections et un pouvoir politique qui encourage le patriarcat, on se dit que ce n’est pas encore gagné. Ça va être compliqué…
Notre critique
L’histoire
Au bout de quinze ans de mariage, une crise met à l’épreuve l’union de Julien (Omar Sy) et Marie (Élodie Bouchez). Dans le couple, cette dernière a toujours été celle qui aimait le plus. Aussi, au moment où Anaëlle (Vanessa Paradis), le grand amour de jeunesse de son mari Julien, réapparaît dans le paysage, Marie panique. Perdue dans une spirale infernale de jalousie et d’autodépréciation, elle se laisse entraîner dans une aventure avec Thomas (José Garcia), son nouveau supérieur hiérarchique. Celui-ci va se révéler aussi manipulateur que dangereux, jusqu’à faire basculer leur liaison dans le fait divers…
Notre avis
Actrice vue récemment dans « Un ours dans le Jura » de Franck Dubosc, Anne Le Ny passe régulièrement derrière la caméra. Pour sa dernière livraison, elle s’entoure d’un casting quatre étoiles composé d’Omar Sy, Vanessa Paradis, José Garcia et Élodie Bouchez. Précisément, ce sont ces deux derniers qui tirent leur épingle du jeu lors de cette proposition qui aborde de front les problématiques du harcèlement et de l’emprise.
L’ancien trublion de Canal + incarne un patron apparemment propre sous tout rapport qui va manipuler sa proie, une mère de famille en plein doute, pour la faire succomber puis la garder à ses côtés. Un parti pris glaçant… qui ne tient pas sur la durée, notamment lorsque le film s’aventure du côté du polar, sans arriver à installer un véritable suspense. Essayant de traiter les différentes facettes de l’amour : celui qui dure, celui qu’on fantasme, celui qui mène à la folie, sans oublier celui qui réconforte, la cinéaste livre un panel complet qui gagnait toutefois à être plus développé pour s’imposer comme une fine analyse des sentiments.
En restant à la surface, sans laisser planer de zones d’ombres ou de non-dits, « Dis-moi juste que tu m’aimes » n’exploite pas tout le potentiel de son sujet… ni donc, de sa distribution, puisque Omar Sy en époux parfait et Vanessa Paradis, en ancienne maîtresse sur le retour, n’ont pas suffisamment de matière pour donner de la profondeur à leur personnage respectif.
> D’Anne Le Ny (France). Avec Omar Sy, Élodie Bouchez, Vanessa Paradis... Drame. 1 h 51.
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