Il est rare qu’un jeu tire son origine d’un épisode malheureux. Mais c’est peut-être encore plus beau ainsi. Cette capacité à transformer la tristesse en moments de partage, ludiques et pédagogiques.
"Il y a quelques années, j’ai eu un choc émotionnel. Ma grand-mère, Louise, a commencé à avoir Alzheimer. Je l’ai vue peu à peu ne plus se souvenir de rien. Et nous, on s’est tous sentis impuissants", témoigne Rémi Nedjar.
Faute de pouvoir guérir, il a donc créé Vaïko pour prévenir. En invitant les familles à travailler sur ce que Louise a perdu. La mémoire.
"J’ai toujours aimé les jeux, quels qu’ils soient, retrace-t-il. J’ai vécu à Granile dans ma jeunesse. Ma grand-mère de l’autre côté en était originaire. J’y ai passé un douzième de ma vie. Mais il n’y avait rien à y faire pour un enfant, surtout quand, comme moi, on n’aime pas la rando! Alors, avec mon frère, on cherchait des jeux."
Avec le temps, ses goûts se sont affinés. Les jeux de société? Bien, mais trop longs. Le Uno? Il adorait, avant d’être lassé par la trop grande place accordée au hasard.
Le jeu dont se rapproche le plus Vaïko est ainsi… Skyjo. On y retrouve le même principe de devoir avoir le moins de points pour gagner la partie. Mais avec davantage de paramètres humains.
Dans Vaïko, jusqu’à six joueurs peuvent s’affronter. "En début de partie, chacun reçoit quatre cartes face cachée. Il en regarde une secrètement. À chaque tour, le joueur doit piocher une carte de la pioche ou de la défausse, la regarder secrètement, et décider de l’échanger ou non avec une carte face cachée. Quand il jette dans la défausse, les autres peuvent immédiatement se débarrasser de leurs cartes identiques. Mais attention, une pénalité est appliquée si ce n’est pas bon. Le premier arrivé à 70 points a perdu", résume Rémi.
Soulignant que c’est là tout l’enjeu: au bout d’un moment, il est indispensable de connaître ses cartes – de les mémoriser – pour pouvoir développer des stratégies.
"On travaille ainsi de manière fun sur la mémoire à court terme – la première touchée quand on est atteint d’Alzheimer. Quand une carte apparaît dans la défausse, par exemple, il faut chercher dans sa mémoire pour savoir où on a posé la sienne."
Autre astuce: un participant peut crier "Vaïko" s’il pense être le détenteur du plus faible nombre de points. Si c’est exact, dix points sont retirés à son total.
Si c’est faux, en revanche, dix points lui sont ajoutés. Pour pimenter les choses, certaines cartes permettent par ailleurs d’échanger, de voir celles des autres, etc.
Vendu dans la Roya
"Je me suis lancé dans cette aventure en septembre/octobre dernier, parallèlement à mon travail dans l’immobilier. Même si j’y pense depuis un moment. J’écrivais des notes dans mon téléphone dès que j’avais une idée. J’ai travaillé avec une amie graphiste pour faire de belles cartes", explique Rémi. Qui a souhaité s’autoéditer pour garder la main sur tout le projet.
"Je ne voyais pas les choses autrement, c’est un hommage à ma grand-mère et à sa mémoire perdue."
Dans un premier temps, 500 jeux ont été imprimés. Une deuxième session sous les presses devrait permettre d’en avoir prochainement 750 supplémentaires.
Rémi a déjà fait tester Vaïko dans des magasins de jeu, sur les marchés nocturnes, à la fête de Granile, sur la place Masséna de Nice. Et même au Sénégal.
"En deux mois et demi, j’en avais vendu 250. Plein de gens l’ont acheté pour la belle histoire. Parfois même en plusieurs exemplaires pour l’offrir", se réjouit-il. Précisant que les ventes se font aujourd’hui de la main à la main.
Et dans huit boutiques – dont cinq dans la Roya. La Presse de Breil-sur-Roya, la librairie du Cairos (Saorge), la boucherie de Saint-Dalmas, la Casa des Merveilles (La Brigue), chez Da Bruna à Tende. Ou encore à Cagnes-sur-Mer, Fanny la boutique, La Pêche à la ligne et Loupikids.
En réponse aux sollicitations, Rémi envisage de se mettre sur Amazon pour avoir un point de vente au niveau national. Tout en continuant à développer le jeu à échelle locale.
Reste une question: pourquoi ce nom? "Je voulais que mon jeu finisse par un o. Quand j’ai déposé le brevet à l’INPI, je souhaitais que ce soit beau et mémorisable. Mais toutes mes propositions étaient déjà prises, ou trop proches d’un jeu existant. J’ai donc fait un sondage autour de moi. C’est mon frère qui m’a suggéré ce nom… le nom de son chien! On peut le dire, Vaïko c’est vraiment une histoire de famille…"
>> Toute l’actualité du jeu est à retrouver sur Instagram: jeu.vaiko
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