Pas le moindre moment de répit dans l’agenda, façon TGV, du Ministre des Transports. Vendredi à Marseille, samedi à Monaco, dimanche et lundi pour l’Unoc, Philippe Tabarot enchaîne les dossiers et tient à montrer qu’il avance. Après avoir annoncé la réouverture du tunnel de Tende le 27 juin (nos éditions d’hier), il fait le point sur les sujets du moment, au niveau national, mais aussi sur la Côte d’Azur et à Monaco.
Vous avez signé samedi à Monaco une charte en faveur des croisières durables en Méditerranée. Qu’apporte-t-elle de nouveau?
Nous souhaitons que le secteur de la croisière puisse continuer à se développer au niveau économique, touristique et industriel, mais que ce développement ne se fasse pas au détriment des océans. Cette charte que nous avons signée avec Monaco, fixe un certain nombre d’objectifs: accélération sur les carburants durables, protection de la biodiversité, rejets en mer, électrification des quais, renforcement des contrôles... Mon souhait est désormais d’engager également l’Italie et l’Espagne.
Des mastodontes parfois hauts comme des immeubles ont-ils encore leur place dans nos océans?
Les compagnies de croisières ont compris qu’elles devaient s’inscrire dans cette transition. On ne peut plus voir ces images de paquebots arrivant à Venise, mais on ne doit pas non plus négliger et rejeter ce mode de tourisme, du moment que les règles définies par cette charte sont respectées et que les compagnies adoptent un comportement plus vertueux.
Le transport international passe à 90% par les océans, et les émissions polluantes de ce secteur continuent à augmenter. Comment accélérer la décarbonation?
Ce mouvement est engagé. Un objectif international visant à atteindre zéro émission en 2050 a été fixé en 2023. En avril, les mesures de mise en oeuvre ont été adoptées à Londres avec l’Organisation maritime internationale. Chacun va prendre sa part dans cette décarbonation qui doit concerner tous les pays, via notamment un système de pénalités en fonction des émissions permettant de répartir les efforts en fonction des situations de chacun.
Vous avez réuni vendredi à Marseille les armateurs français qui opèrent des liaisons passagers en Méditerranée au sujet de la concurrence déloyale de certains pays. Comment sortir de cette situation?
J’ai fait de la lutte contre le dumping social une de mes priorités. Nous disposons d’un arsenal législatif fixant des règles très claires qui s’imposent aussi aux navires étrangers venant sur notre territoire. Nous allons renforcer les contrôles sur les liaisons en Méditerranée, que ce soit vers la Corse ou le Maghreb, comme sur le transmanche. Les entreprises françaises qui respectent le droit du travail ne doivent pas être concurrencées par des compagnies battant pavillon étranger qui fonctionnent dans l’illégalité. Nous voulons être très stricts là-dessus. La concurrence peut exister, mais il faut que les règles soient équitables.
Les députés ont voté la suppression des Zones à faible émission (ZFE), ce qui a provoqué la colère d’Emmanuel Macron. Le Président et le gouvernement ne sont pas sur la même ligne?
J’étais rapporteur de cette loi au Sénat. Je considérais que cette loi était utile dans la mesure où 40.000 à 50.000 personnes meurent chaque année du fait de la pollution atmosphérique. Il faut garder l’objectif initial de cette loi, mais pouvoir mettre en place un accompagnement suffisant et un développement des transports en commun. Les choses ont été faites un peu à l’envers. Les ZFE sont perçues pour de nombreux Français comme une punition, une forme de clivage social entre l’urbain et le rural.
Christian Estrosi demande depuis dix ans sa suppression du péage de Saint Isidore sur l’A8 à Nice. Celui-ci va disparaître, mais on va continuer à payer?
Il y a effectivement une question de sémantique. Il s’agit de supprimer matériellement de ce péage dangereux, ce à quoi je travaille depuis ma nomination en demandant à Escota de mettre en place un "flux libre" qui permet de ne pas s’arrêter, comme sur l’A13. En revanche, ce péage ne deviendra pas gratuit. La question du modèle économique des péages va être rediscutée au niveau national dans le cadre de la grande conférence des transports, avec la perspective de la fin de concession des autoroutes. Il faut savoir quel modèle on veut pour demain. Est-ce qu’on rend les autoroutes gratuites sur l’ensemble du territoire comme en Espagne avec des installations qui risquent de ne plus être entretenues, ce à quoi je ne suis pas favorable? Ou est-ce qu’on repart sur un système concessif avec des utilisateurs qui payent le juste prix et des sociétés concessionnaires qui font des travaux pour décarboner et sécuriser les autoroutes? Les recettes potentielles des péages pourraient servir à financer d’autres modes de transports comme les infrastructures ferroviaires, les routes nationales, certaines routes départementales et les ponts.
L’idée de la construction d’un métro entre Nice et Monaco revient régulièrement. Est-ce que c’est une hypothèse sérieuse?
J’en ai discuté ce matin (dimanche, NDLR) avec le gouvernement monégasque. J’ai indiqué que cela me semblait difficile dans le cadre financier actuel, mis aussi au regard des procédures à mettre en place pour mener à bien un projet d’infrastructure aussi important dans un contexte qui nous a valu la décision du tribunal administratif de Toulouse sur le chantier de l’A69. Les projets peuvent paraître beaucoup plus simples en principauté de Monaco dans la mesure où les procédures sont différentes et les financements peut-être moins compliqués. En revanche, je pense que le ferroviaire a de l’avenir sur cette liaison. L’augmentation de l’offre de près de 30%, les travaux liés à la ligne nouvelle et ceux réalisés en gare de Monaco vont permettre d’améliorer le service pour les 50.000 personnes qui s’y rendent quotidiennement. La Principauté va continuer à s’investir au côté de la France comme elle le fait déjà à travers sa participation financière auprès de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur pour le financement des infrastructures et des matériels. Monaco a aussi par ailleurs des projets routiers, de parkings relais avec les communes voisines. Je crois davantage à un ensemble de solutions qu’à un grand projet qui réglerait tous les problèmes de mobilité entre Nice et Monaco.
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