C’est sur France Inter que Nicole Ferroni s’est fait connaître. Trois minutes pour convaincre du bien-fondé de son argumentaire… Pas très compliqué tant elle maîtrisait les mots et la nature des faits.
Depuis, elle continue à en user sur Téva par exemple, où elle anime l’émission "Piquantes!", qu’elle retrouvera à la rentrée. Dernièrement, on l’a aussi vu comédienne dans "Aspergirl" sur OCS, dont la saison 2 est annoncée et où elle reprend son rôle. Et elle est aussi en tournée avec un spectacle qui trouve son essence dans les bars de Marseille.
"Marseille (s) je vous offre un vers", passera d’ailleurs par Le Beausset en octobre prochain. L’ancienne enseignante devenue une artiste multicasquette, qui recevra également le Prix Raymond Devos (1) lors du Festival de Ramatuelle, a bien des choses à nous dire...
Qu’est-ce que ça représente de recevoir le prix Raymond Devos?
Sincèrement, j’ai été surprise. Et je suis touchée que l’on ait pensé à moi parce que c’est vrai que même si j’aime manier la langue française, je trouve qu’il y a tellement de gens qui font ça mieux que moi. Après, évidemment, je suis très honorée, pleine de gratitude, parce que je trouve que Raymond Devos dans le monde de l’humour, c’est vraiment une figure noble. C’est quelqu’un qui a vraiment excellé en termes de jeu avec la langue française.
Vous dites que beaucoup de gens manient mieux la langue française mais la vôtre est aussi synonyme d’engagement, non?
Oui, peut-être. En tout cas, j’essaye d’en faire à la fois un outil de rire, mais aussi d’engagement, surtout au vu du contexte actuel. La parole, c’est ce qui remplace les mains, ce qui remplace l’argent, c’est ce qui permet de mobiliser quand on n’a pas d’autres moyens et ça nous permet à la fois de convaincre, de toucher, d’émouvoir. C’est un outil vers lequel on devrait tendre au maximum. Même si cela ne remplace pas les actes, la parole est déjà une action.
Pourquoi avoir fait le choix de ce "principe d’utilité" dans les mots?
Au départ, je ne faisais pas d’humour militant, c’était plutôt de l’humour de personnage, de situation. Le fait d’avoir été en exercice de chroniques, notamment dans la matinale de France Inter, donc d’être confrontée à des informations d’ordre politique, d’être confrontée au réel… Je trouvais qu’il y avait quand même beaucoup de personnes invisibilisées, des situations incohérentes dans notre pays.
À ce moment-là, le fait d’avoir cette carte blanche hebdomadaire – parce que c’est une chance inouïe d’avoir un espace d’expression – m’a incité à rendre utile cet espace de parole. Je me suis engagée, j’allais dire malgré moi. On recevait un ministre? J’avais trois minutes pour faire un état des lieux, et le parallèle entre les propositions et la réalité du terrain. Je ne suis pas la seule à avoir pris ce virage. Autour de moi, d’autres humoristes en arrivant à France Inter sont devenus engagés. Ça reste quand même une chaîne d’information, on y était peut-être moins dans une bulle d’humour, moins dans notre imaginaire.
Vous parliez de l’humour à France Inter, je ne peux pas ne pas vous poser la question du…
Du cas Guillaume Meurice? Et de Charline? Quand je n’ai pas été reconduite à France Inter, assez vite Guillaume m’avait dit ‘‘les prochains, ce sera nous’’ et voilà… On sent qu’à Inter, une forme de contrainte est en train de s’imposer sur l’humour engagé. La parole impertinente est devenue très restreinte tout en étant préservée un peu car il faut cette espèce de caution pour dire que l’esprit Inter est toujours là. J’ai quand même un sentiment de gâchis. Je comprends que certains se soient sentis blessés par la blague de Guillaume. Après, sincèrement, c’est le sort de beaucoup d’humoristes, on regrette nos blagues, on n’est pas fiers de tout. Mais ça ne méritait pas un licenciement parce que ça jette du discrédit sur la place de l’humour sur cette antenne-là.
Vous qui avez cette parole engagée, qui utilisez les réseaux pour faire passer vos messages… Quand allez-vous vous lancer en politique?
(Rires) C’est rigolo, c’est une discussion que j’ai eue suite à la dissolution de l’Assemblée nationale. Je me suis dit "bon, là, je n’y vais pas. Mais franchement, il va pas falloir trop me chercher" L’idée m’a traversé l’esprit. Parce que c’est vrai je suis souvent dans un rapport de colère, vindicatif et je me heurte au mur des institutions.
Souvent, j’ai l’impression qu’il faudrait du bon sens pour que les choses se règlent et des fois, je trouve que les choix politiques ne sont pas toujours dans le sens que je voudrais. Comme beaucoup de gens, cela dit. Et en fait, c’est vrai que l’idée d’un coup de faire partie de l’appareil politique, de n’être plus dans la parole mais dans la décision, me fait envie. Mais je me suis dit, pas cette fois-ci ni la fois prochaine, mais peut-être celle d’après... Dans 10 ans!
1. Créé en 2003 en collaboration avec Raymond Devos, ce prix récompense chaque année "un artiste dont l’œuvre ou l’action contribue au progrès de la langue française, à son rayonnement et à sa promotion".
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