Cette appli créée à Monaco vous permet de demander votre son préféré au DJ contre un pourboire
Créée par deux résidents de Monaco, l’application "One28" permet aux noctambules de demander un morceau de musique à un DJ en échange d’un pourboire. Utilisée dans 46 pays, elle a déjà converti 5.700 DJs.
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Thibaut ParatPublié le 04/09/2023 à 08:14, mis à jour le 04/09/2023 à 08:20
Dans le monde, 5.700 DJs ont adhéré à l’application One28.Photo DR
Derrière leurs platines, alors dans une bulle difficilement pénétrable, les disc-jockeys ne comptent plus les fois où des noctambules leur suggèrent un morceau pour tenter d’influer musicalement sur la soirée ou faire un clin d’œil à leur âme sœur ou à des proches. "En 2017, au Sass Café, je voyais souvent des clients proposer un billet pour que le DJ joue un titre en particulier. Moi-même à cette période, je demandais souvent I’m upset de Drake", sourit Adrien Crastes, résident monégasque de 24 ans.
De ce banal constat, partagé avec son ami Alexandre Coyette, lui aussi résident en Principauté, germe alors une idée d’application mobile et web: One28. Littéralement "128" battements par minute, soit la fréquence cardiaque du plaisir et de l’adrénaline atteinte au moment où notre chanson fétiche atteint notre sphère auditive. C’est aussi le tempo historiquement associé à la house music.
Pendant quatre années, avec le concours de professionnels du milieu, les deux hommes perfectionnent l’application autour d’un concept simple: "Le client de la discothèque ou du bar effectue une demande de chanson au DJ en laissant un pourboire, dont le prix minimum est fixé par ce dernier. Si le son est joué dans les trente minutes, la transaction est finalisée. Si le DJ refuse, le pourboire est annulé", résume Adrien Crastes, P.-D.G. de la start-up, également étudiant à l’Institut de science financière et d’assurances.
Sur chaque pourboire, la start-up prend 20% de commission. Parmi les fonctionnalités, le DJ peut argumenter son refus par message. Le client, lui, peut retrouver sur l’appli l’intégralité de la playlist mixée la veille au soir.
500.000€ de pourboires générés
Depuis son lancement le 10 juin 2022, au MK Club à Monaco, la progression de l’application est fulgurante avec l’adhésion de plus de 5.700 DJ dans 46 pays. Aux quatre coins de la planète - de l’Australie à l’Indonésie en passant par Hawaï -, plus de 500.000 euros de pourboires ont été générés, dont 10.000 euros rien qu’à Monaco. "C’est aux États-Unis que ça marche le mieux car la culture du tip y est plus ancrée", explique Adrien Crastes.
Certains DJ fixent le pourboire minimum à 3 euros, d’autres à… 500 euros. Ce qui a permis à l’un d’entre eux, dont l’identité est tenue secrète, d’empocher 4.060 euros au Twiga. Ce soir-là, trois clients ont chacun déboursé 1.000 euros pour entendre le morceau de leur choix. Difficilement refusable.
"L’appli n’est pas un juke-box"
À Monaco, pourtant, 60% des demandes ne sont pas acceptées par les DJs, souvent parce que la demande ne colle pas avec l’ambiance de la soirée ou que celle-ci est trop décalée. "Certains voulaient mettre l’hymne russe ou la danse des canards, sourit Adrien Crastes. On est très clair avec les DJs: l’application n’est pas un juke-box. Si tout et n’importe quoi est accepté pour se faire de l’argent, l’application n’est plus une valeur ajoutée. S’il y a des abus, on les contacte. Mais, pour l’instant, tout se passe bien. Les DJs n’ont aucune envie d’avoir l’air stupide auprès de leur auditoire."
Au-delà de l’aspect pécuniaire évident - certains DJs ont triplé leur cachet mensuel -, l’application vise surtout à rapprocher les DJs de leur audience en cernant mieux leurs attentes musicales.
Avec une telle croissance et le souci de développer efficacement leur start-up, Adrien Crastes et ses deux associés principaux ont sécurisé leur première levée de fonds de 800.000 euros auprès d’investisseurs privés. Un contrat vient d’être signé avec Rekom Group, 250 établissements de nuit en Europe du Nord au compteur. L’amorce d’une nouvelle stratégie?
"On vise désormais les partenariats avec les groupes, plutôt qu’avec les DJs, car ils sont plus à même d’assurer la promotion de l’application et d’en augmenter la portée. En échange, on leur offre un service de récolte de données pour maximiser leurs revenus", confie Adrien Crastes. Autre volonté : explorer le marché des restaurants, pas forcément la cible initiale. Des premiers tests concluants ont été effectués au Maja Jah à Monaco où, en fin de soirée, les décibels augmentent.
Le DJ Chris S lors d’une soirée Grand Prix au MK Club.Photo DR.
L’application m’a permis de connaître des pépites
Voilà quinze ans que Chris S mixe en Principauté. Sollicité par les fondateurs de l’application One28 aux balbutiements du projet, ce Niçois et DJ résident au MK Club et à la Red Room a naturellement apporté sa contribution pour améliorer les versions tests. "J’ai tout de suite trouvé le concept génial, confie-t-il. Je trouve que ça nous rapproche des clients et ça change la donne sur la façon d’aborder la soirée. En temps normal, on n’avait pas forcément le temps de prêter attention à leurs sollicitations. Là, en une notification, on peut connaître leurs attentes et y répondre de façon plus précise."
Les propositions musicales des noctambules amènent d’ailleurs à de bonnes surprises. "Je suis tombé sur des pépites qui avaient 1 000 vues sur YouTube et qui se retrouvent, après coup, à des millions de vues. Si je ne connais pas le titre proposé, je le télécharge en direct et je me fais ma propre idée. C’est une gymnastique car il faut l’écouter en même temps que l’on mixe", sourit-il.
Lors de la soirée d’inauguration de l’application, il reçoit plus de 50 demandes de son audience. Depuis, il en a accepté 102 pour lesquels le prix minimum du pourboire avait été fixé à 15 euros.
Généralement, les clients déboursent davantage. Le double, voire parfois le triple. Cela dépend, bien sûr, de la discothèque et du pouvoir d’achat de la clientèle. Le plus gros pourboire jamais reçu par Chris S a dépassé les 250 euros. "Je refuse plus de demandes que j’en accepte, précise-t-il toutefois. Je ne peux pas me permettre de mixer n’importe quoi au risque de me décrédibiliser. Les DJs ne vont pas se griller pour un peu plus d’argent. Parfois, je mets de côté la musique pour la jouer lors d’une soirée où le thème est plus approprié."
Pour Chris S, l’application permet aussi de récompenser le DJ qui satisfait son audience ou prend des risques musicaux durant la soirée. "Les clients peuvent verser des pourboires sans effectuer une demande de chanson. C’est sûr que c’est un bon complément financier. En règle générale, on a moins de pourboires qu’un serveur qui a le temps de travailler le relationnel. Alors que, pourtant, on a plus d’impact sur la soirée avec notre musique."
En chiffres
Diffusion
One28 collabore avec plus de 5.700 DJs dans le monde, répartis dans 46 pays.
Pourboires
Depuis le 10 juin 2022, date de lancement de l’application au MK Club à Monaco, 500.000€ de pourboires ont été générés, dont 10 000e rien qu’en Principauté. C’est aux États-Unis que l’application fonctionne le mieux.
Record
Le maximum gagné par un DJ à Monaco en une soirée est de 4600e au Twiga.
Refus
Environ 60% des demandes faites à Monaco sont refusées, ce qui annule instantanément le pourboire proposé.
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