Ils se plaignent tout le temps, mais si c'était un appel à l'aide: coup de projecteur sur le syndrome de Calimero

Chez certaines personnes, la moindre contrariété du quotidien devient un prétexte pour se lamenter. En psychologie, on appelle cela le syndrome de Calimero. Mais derrière ce comportement exaspérant pour l’entourage, et souvent inconscient, il y a un profond désir d’exister pour autrui.

Stéphanie Wiélé Publié le 05/03/2024 à 12:05, mis à jour le 05/03/2024 à 12:25
Certaines personnes se lamentent sans arrêt. Tout y passe et la moindre contrariété du quotidien devient un prétexte pour gémir. Photo Pexels

La météo pluvieuse, le prix exorbitant du kilo de patates ou du péage, cette grippe carabinée qui nous cloue au lit, la purée bien trop salée du restaurant ou simplement le temps qui file à toute allure... Certaines personnes se lamentent sans arrêt. Tout y passe et la moindre contrariété du quotidien devient un prétexte pour gémir.

Ce mécanisme répétitif nécessite une attention soutenue, voire constante des interlocuteurs. Une situation qui peut vite devenir très éprouvante pour l’entourage. En psychologie, cette tendance aux jérémiades porte un nom inspiré d’un personnage de dessin animé: le syndrome de Calimero. Car comme l’oisillon malchanceux et ronchon – coiffé d’une coquille d’œuf sur la tête – certaines personnes ressentent des moments de profonde injustice.

Mais que cache cette lancinante rengaine? Comment trouver le bon dosage de la plainte? On fait le point avec Saverio Tomasella, docteur en psychologie et psychanalyste niçois et auteur de l’essai Le Syndrome de Calimero (Livre de Poche).

La plainte... un sentiment humain, non?

Oui, au quotidien, nous sommes tous confrontés à des insatisfactions plus ou moins importantes et pénibles. Lorsque l’on formule son mécontentement, nous sommes dans l’action: on prend le risque de déplaire. Lorsqu’elle s’appuie sur quelque chose de réel, factuel et d’actuel, la plainte peut être libératrice et salvatrice car elle permet un progrès. D’ailleurs, dans l’histoire de l’humanité, de nombreuses cultures avaient des rituels pour mettre dehors "le mauvais". Dans certains pays, les pleureuses accompagnent encore le deuil collectif: la plainte permet alors de cicatriser. Rappelons également, qu’à l’origine, le carnaval était une façon caricaturale de dire ce qui ne va pas, une occasion rêvée de se plaindre et de se moquer des rois et des reines. Dans la littérature, de Diderot à Rousseau en passant par Proust, la capacité à exprimer son affliction ou sa détresse est plébiscitée. Elle est le signe d’une sensibilité.

Quel est le problème des "Calimero"?

Ces personnes se plaignent de façon répétée ou inadéquate, c’est-à-dire qu’ils gémissent contre des injustices présentes souvent sans grande importance. Leur plainte est donc disproportionnée. Les "Calimero" ne font généralement pas exprès d’insister, ils se savent insupportables pour l’entourage, mais ils ne peuvent pas faire autrement: ils ont besoin d’être reconnus comme victimes et la plainte apparaît comme le seul remède. Il faut avoir une forme de compassion pour ces "Calimero" car la plainte n’est pas choisie contrairement aux râleurs (lire encadré).

Pourquoi ce besoin de formuler leurs griefs continuellement?

Très souvent, la plainte trouve sa source dans une injustice réelle ou un sentiment d’injustice vécus dans l’enfance ou à un moment plus actuel. L’abandon, le deuil, la maladie… peuvent ravager la confiance et donner naissance à une plainte encombrante et difficile à contenir. Car plutôt que de parler des injustices passées – qui n’ont pas été entendues ou consolées – ces personnes vont se plaindre de la pluie, des patrons, de l’inflation… En réalité, le syndrome de Calimero est une manière de cacher un mal-être plus profond. Le plaintif va essayer d’appeler ses proches via des protestations, parfois maladroites, mais dignes d’attention et de respect. Derrière la plainte, il y a un profond désir d’exister pour autrui, d’avoir de la valeur à ses yeux.

Qui peut être concerné?

Tout le monde. Au fond de chacun de nous, sommeille un Calimero qui peut se réveiller à un moment de souffrance ou d’injustice. Des instants où l’aide et le secours nous font défaut.

Quand ce syndrome devient-il problématique?

Dès que les plaintes entraînent de la souffrance, c’est-à-dire qu’elles deviennent pénibles pour la personne et pour son entourage. À la longue, ce syndrome conduit à un isolement et un repli sur soi, accompagné d’une non résolution de ce qui fait difficulté. La plainte non entendue est entretenue et même accrue.

Existe-t-il un bon dosage de la plainte?

Oui, pour cela, il est nécessaire de dire le plus tôt possible ce qui ne va pas. Plus on attend, plus les motifs vont s’accumuler, plus les contrariétés vont s’intensifier. Pour se libérer, des astuces existent (lire encadré). Il est également très important d’arriver à se recentrer dans le consentement: est-ce que je suis d’accord ou non avec la situation? Autre élément important: connaître les raisons réelles des insatisfactions pour mieux en guérir.

(Photo Pexels)

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