Promenades "balad’deuil": cette association propose un soutien inédit aux aidants après le décès d'un proche
Déjà aguerrie à l’accompagnement de personnes en fin de vie, l’association Être là - ASP du Var propose un soutien inédit aux aidants après la disparition d’un proche: les promenades "balad’deuil".
Caroline MartinatPublié le 08/09/2025 à 13:00, mis à jour le 08/09/2025 à 13:00
La Balad’deuil permet d’apaiser l’esprit par le mouvement, de partager librement ou simplement écouter et de se reconnecter à la nature et à soi-même.Photo C. R.
Régine est veuve, depuis janvier dernier. René, son second mari, est décédé de la maladie d’Alzheimer.
Ce matin de juin déjà très chaud, elle a rejoint deux autres femmes endeuillées pour participer à la première Balad’deuil organisée par Maryannick et Angelika, deux bénévoles de l’association Être-là - ASP Var (1).
Après de brèves présentations, le petit groupe s’est élancé sur les sentiers du massif de la Colle Noire au Pradet, avec la Méditerranée pour horizon.
Chemin faisant, Régine raconte volontiers ce qui l’a conduite à participer à cette initiative.
"L’occasion de soigner mon deuil"
"J’étais tellement mal que j’ai éprouvé le besoin de rencontrer une psychologue. Elle fait partie de l’association Être-là et m’a proposé cette balade avec des personnes qui sont en deuil également. J’ai trouvé que cela pouvait être intéressant. On marchait beaucoup avec mon mari avant sa maladie. On avait fait le chemin de Compostelle. J’avais envie de marcher de nouveau, c’est une façon d’être encore avec lui et c’est aussi l’occasion de soigner mon deuil. Je ne sais pas si le mot est bien choisi… Je lui parle tous les jours… J’ai une impression d’inachevé, j’ai de la culpabilité et je n’arrive pas à en sortir. Je me dis: j’aurais pu faire ceci, je n’aurais pas dû m’énerver pour cela. Il avait la maladie d’Alzheimer et c’est dur d’être aidant. Et puis son départ est arrivé si vite. Rien ne l’annonçait. J’étais allée chercher une infirmière. Je n’étais pas là pour ses derniers instants…"
Accompagner aussi les aidants
Photo C.R..
Ces confidences que Régine fait en marchant, cette douleur qu’elle partage, il est parfois plus facile de les exprimer à des étrangers bienveillants qu’à des proches.
Déjà aguerries à l’accompagnement des malades en fin de vie dans des services hospitaliers, en EHPAD ou à domicile, Maryannick et Angelika le savent parfaitement.
"On se rend vite compte qu’on n’accompagne pas seulement les patients mais aussi les aidants. On finit toujours par leur demander: et vous, comment ça va? Et quand le proche décède, les endeuillés sont un peu les laissés-pour-compte."
Face à ce constat, leur Fédération leur a donc suggéré de proposer un accompagnement au deuil. Les deux bénévoles auraient pu imaginer un format de rencontre plus classique, type "café deuil".
Mais Maryannick, qui cumule des expériences de bénévole, d’infirmière (aujourd’hui retraitée) et de randonneuse aguerrie, sait "qu’on parle plus facilement en marchant ou en voiture, quand les regards ne se croisent pas et quand on sait que la personne à côté est à l’écoute".
Après une formation à l’animation de groupe deuil, Maryannick et Angelika se sont donc lancées en organisant leur toute première balad’deuil en juin dernier.
Avec le soutien de la nature
"Marcher dans la nature, ce n’est pas anodin. C’est apaisant. C’est aussi une façon d’aider les participants à se remettre en chemin. Souvent les personnes endeuillées sont très soutenues par leurs proches… au tout début. Mais l’entourage se lasse très vite, passe à autre chose. Ou alors il se tait, de peur d’être maladroit, de raviver la peine. C’est pourtant important de parler de celui qui n’est plus là, de le nommer pour le garder toujours présent. Nous sommes là pour écouter, recevoir toute cette peine, la reformuler. On n’a pas cette gêne qui peut exister pour un proche. Ni d’attente particulière."
"C’est très différent de parler à quelqu’un d’extérieur à son environnement familier, confirme Marie-France, une autre participante. On ne peut pas toujours raconter son mal-être à ses proches ou ce n’est pas bien compris. Alors, on reste dans le silence."
Si la balade lui offre une occasion d’exprimer ses émotions, elle lui permet aussi de reprendre pied dans la vie. "Quand on est aidant, son proche fait, l’objet d’une attention permanente. Après le décès de mon mari, je me suis surprise à tourner sur moi-même dans la maison en me disant: qu’est-ce que je vais bien pouvoir faire maintenant? Il y a un vide affectif et un vide tout court."
Claire, elle, vit un autre type de deuil: celui de sa vie d’avant. En très peu de temps, elle est devenue l’aidante de ses deux parents. Elle vit un quotidien épuisant, la sensation d’être dépossédée de sa propre vie et une culpabilité tout en contradiction: "à la fois souhaiter que tout cela s’arrête pour enfin se reposer parce que je suis épuisée et redouter dans le même temps de voir disparaître mes parents que j’aime". Au bout du rouleau, elle a apprécié "l’écoute, la bienveillance et ce court instant de détente".
Prochaine balad’deuil le lundi 15 septembre de 10h30à 14h30. Rens.: etrelaaspvar@gmail.com
Des bénévoles formées
"On a tous un vécu personnel, un deuil dans notre environnement proche", explique Angelika, quand on lui demande comment elle est devenue bénévole à l’association Être-là - ASP Var.
"Nos copains nous disent: tu n’as rien trouvé de plus drôle pour occuper ta retraite?, s’amuse Maryannick. J’étais infirmière, j’ai côtoyé la mort dans le cadre de mon travail. Et puis un copain a eu un cancer du pancréas. On était tous là, autour de lui, ses amis, à ne pas savoir quoi dire ni quoi faire. J’ai lu "Accompagner un proche en fin de vie" de Christophe Fauret, un psychiatre, moine bouddhiste et spécialiste de la question. Puis je suis allée voir mon copain, je lui ai pris la main, ce qui ne se fait pas habituellement dans ce type de relation, et je me suis sentie à ma place."
Devenir bénévole ne s’improvise pas. "Notre présence dans les services est prévue dans le cadre de la Loi Leonetti sur la fin de vie. C’est une grande responsabilité vis-à-vis des patients, de leurs proches et des établissements."
Les deux accompagnatrices de Balad’deuil ont suivi une formation de 50 heures et rencontré une psychologue avant que leurs candidatures ne soient validées par le bureau de l‘association.
Elles ont rejoint une équipe "très solidaire et joyeuse", avec des gens qui partagent "la même vision et les mêmes valeurs".
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