On vous l’accorde, on imagine que pas grand monde ne venait chercher des noises au petit Jordie, dans la cour du Francis Douglas Memorial College de New Plymouth. Parce qu’il était grand, costaud et probablement déjà plus fort que les gens de son âge au rugby. Mais surtout car s’en prendre au dernier garçon de la fratrie (les parents Barrett ont ensuite eu trois filles), c’était risqué d’alerter ses quatre aînés.
Parce que depuis leur plus jeune âge, les frères Barrett avancent en bande. Et comme bon sang ne ment jamais, sur les cinq frangins, seuls Kane et Blake ne sont pas devenus All Blacks, contrairement à Beauden, Scott et Jordie. "Quand on jouait dans le jardin [ils ont grandi dans une ferme laitière sur l’île du nord], on rêvait de vivre ça. Jouer tous les trois ensemble sous le maillot noir… Je me pince pour y croire" souriait récemment Beauden, le plus âgé des trois internationaux.
Indéboulonnable en 12
La fierté des leurs. Sauf que si Beauden a longtemps été la tête d’affiche de la famille (et de la sélection, puisqu’il a été élu deux fois meilleur joueur du monde) et que Scott a rapidement rejoint son frère dans l’équipe, c’est bien le petit dernier, Jordie, qui brille de 1000 feux depuis le début du Mondial.
Au point d’être considéré comme le joueur qui a replacé les Blacks parmi les meilleures nations du monde, alors qu’on les pensait à la dérive il n’y a pas un an? Ses 23 titularisations lors de ses 23 dernières sélections laissent en tout cas imaginer le rôle qu’il occupe aujourd’hui chez les triples champions du monde...
D’autant que s’il a longtemps été baladé à tous les postes de l’attaque, c’est depuis que Ian Foster a choisi de l’installer en numéro 12, à l’été 2022, que les Néo-Zélandais sont redevenus injouables. Bon sous les ballons hauts, énorme porteur de balle, rapide, électrique en défense, buteur longue distance, habile ballon en mains, et doté d’une lecture du jeu proche de celle de Beauden, Jordie régule à merveille l’attaque des Blacks. Et si son absence (sur blessure) s’est faite ressentir lors du match d’ouverture face à la France, son retour a rassuré chacun de ses coéquipiers...
Brillant face aux Irlandais en quart, Jordie Barrett a confirmé qu’il transformait tout ce qu’il touchait en or face aux Argentins, en demie. Tant en défense (19 plaquages réussis, aucun manqué) qu’en attaque (107mètres parcourus, 14 ballons portés, un essai), le joueur des Hurricanes a secoué les Pumas, et montré la voie à ses coéquipiers.
"Il a été immense. Il a plaqué, mis de la pression sur l’adversaire, cassé la ligne. Il a vraiment fait la différence." complimentait hier Scott McLeod, entraîneur adjoint, au moment d’évoquer la forme de son capitaine de la défense.
13 victoires lors de ses 14 dernières sélections
Des mots qui faisaient écho à ceux de Beauden: "Je suis impressionné par sa densité physique, sa technique, ses passes et la longueur de son jeu au pied. Il a beaucoup progressé et a fini par s’imposer au niveau international." Pour répondre au défi physique et stratégique imposé par l’Afrique du Sud, samedi, la Nouvelle-Zélande aura donc besoin d’un immense Jordie Barrett (26 ans, 56 capes, 26 essais).
Et ça tombe bien: ces derniers mois, le "petit" Jordie (1m96, 102kg) n’a connu qu’une défaite lors de ses quatorze dernières sorties en Noir contre... les Springboks, fin août. L’esprit de revanche? Le match dans le match, au centre du terrain, devrait en tout cas déjà donner quelques indices sur l’identité du futur champion du monde…
commentaires