Equipe de France, Nice, Toulon... Avant France-Galles vendredi, le généreux Jean-Charles Orso ravive ses souvenirs

Jean-Charles Orso n’imagine pas les Bleus inquiétés vendredi soir par un XV du Poireau qui a perdu tous ses matchs en 2024. L’ex-deuxième ligne de Nice et du RCT en profite pour raviver ses souvenirs.

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Christopher Roux Publié le 30/01/2025 à 12:00, mis à jour le 30/01/2025 à 12:00
Installé dans la vallée de la Siagne, sur une exploitation de 10 hectares, l’ex-deuxième ligne du XV de France a voué sa vie à l’agriculture. La retraite? "On verra quand je serai vieux", s’amuse-t-il. Suiveur des grands matchs, il espère le maintien en Pro D2 du Stade Niçois. (Photo A.C.)

Le maillot Bleu, Jean-Charles Orso l’a porté quand l’Italie n’avait pas intégré le Tournoi. Le VI Nations n’avait pas encore happé le V, dans ces années 80 où les essais et les transformations valaient quatre et deux points. "Le classement était officieux, seulement fait par les journalistes. Il n’y avait pas de coupe, rien", complète le Cannois. À 67 ans, il est toujours ce maraîcher reconnu de la vallée de la Siagne, mais à la veille de l’ouverture de l’édition 2025, il sort les mains de la terre pour les remettre dans la mêlée. L’ex-deuxième ligne du XV de France préfère Jean-Charles à M. Orso, simplicité oblige, et garde précieusement souvenirs et relations tissées.

Jean-Charles, quel est votre meilleur souvenir du V Nations que vous avez gagné deux fois?

Le premier match que je joue à Twickenham avec une équipe très rajeunie contre des Anglais qui écrasaient le rugby depuis deux-trois ans. On gagne (19-15, le 15 janvier 1983) et j’évolue avec Jean Condom en deuxième ligne. C’est vraiment un souvenir important.

Le deuxième qui me vient, c’est la défaite en écosse (21-12, le 17 mars 1984) alors que c’était le match du Grand Chelem.

Ce Grand Chelem perdu alors que vous meniez et que le score était de 12-12 à la 73e minute, c’est votre pire souvenir ?

Cela a été plus que douloureux sur l’instant mais la frustration a été vite balayée. Avec le recul, c’est le seul match du Tournoi que j’aie joué n°8 (avec Jean-Pierre Rives et Jean-Luc Joinel). On m’a informé que je jouerais à ce poste la veille au soir parce qu’il y avait des blessés. Je n’étais pas encore totalement prêt à jouer à ce poste alors que j’avais commencé le rugby à 22 ans, mais cela reste un grand souvenir parce qu’il y avait un enjeu majeur. Ce que je retiens surtout de ce match, c’est la blessure de Jérome Gallion qui se fait ‘‘assassiner’’ et sort sur une civière. Dans le rugby actuel, le fautif aurait été exclu. Pas à l’époque et on aurait dû le châtier autrement. La frustration est plutôt là. Même si, pardon, c’est un peu machiste (rire).

Que retenez-vous de votre dernière sélection en 1988?

J’avais été banni pendant deux ans de l’équipe de France parce que j’étais parti à Toulon (en 1986) contre l’avis d’Albert Ferrasse (le président de la Fédération française de rugby de 1968 à 1991) et de quelques dirigeants niçois. J’avais été interdit de Coupe du monde 87 et de sélection de manière arbitraire. Finalement, sous la pression de Jacques Fouroux (le sélectionneur) et de Daniel Dubroca (le capitaine), j’ai pu être sélectionné une dernière fois contre l’Irlande. On m’avait dit que je ne rejouerais plus en équipe de France mais j’ai pu partir la tête haute.

Vous avez loupé le Mondial et le Grand Chelem en 1987…

C’est la vie. En tant qu’agriculteur, je ne pouvais pas partir douze semaines pour le Mondial (en Nouvelle-Zélande), entre la préparation et le tournoi. Si tu pars mai-juin en tant que chargé d’exploitation agricole, autant changer de métier. C’est pour ça que je n’en ai pas voulu à Ferrasse ou au dirigeant niçois qui a servi d’intermédiaire à tout ça. En 1987, j’ai vécu ma plus belle année en club.

Pourquoi?

C’est l’année où je suis le plus fort. Avec Toulon, on a vécu une expérience exceptionnelle et une communion avec le public. Je suis allé là-bas parce que j’y avais quelques amis mais sans savoir où je mettais les pieds. L’aventure a été unique. Bernard Herrero était encore à la maison tout à l’heure et j’ai eu Jean-Pierre Rives au téléphone il y a peu. Les liens existent encore 40 ans après.

Comment c’était de venir joueur en sélection à l’époque?

Il n’y avait pas d’argent. On était défrayés 450 francs pour un match du Tournoi. L’argent était secondaire mais on partageait des moments sur le terrain et en préparation. Le samedi soir, on était les rois de Paris. C’était une aventure pour nous qui avions 25 ans. On découvrait plein de choses. S’il y avait un absolu sur les troisièmes mi-temps, c’était Laurent Pardo. Il était à part, l’homme de toutes les aventures et le bol d’oxygène.

Que gardez-vous de Jacques Fouroux, votre sélectionneur?

J’étais son opposé. C’était un gars de 2,00m et 110kg. J’avais d’autres qualités physiques mais c’est quelqu’un dont j’ai été très proche. Quand j’ai été blacklisté, je sais qu’il a été pratiquement l’un des seuls à aller au feu pour que je revienne. J’étais en phase avec lui sur les engagements moraux plutôt que physiques. La grande frustration, c’est qu’il ait quitté le rugby par la petite porte. Il avait une passion et un engagement fous.

Jeff Tordo dit de lui qu’il était "raide". C’était un meneur d’hommes…

Il jouait beaucoup sur le côté émotionnel et presque exclusivement sur ce côté. J’étais solidaire, attention, mais c’était peut-être une limite de son management. En club, la gestion des hommes de Daniel Herrero (à Toulon) était plus responsabilisante et dans la construction. Fouroux était dans une forme d’agressivité poussée à l’excès. C’était sa force et sa limite. Avec Fouroux, à 2h30 du match, tu ne rentrais pas dans le vestiaire si tu étais extérieur au groupe. Tu étais en danger de mort (rire).

Vous avez joué avec Rives, Blanco, Sella… Lequel était le plus fort?

Peut-être Philippe Sella. Il a bouleversé le jeu du trois-quart centre. C’était un précurseur, le premier à la fois physique et technique. Il créait des brèches à longueur de match pour que ça aille à l’essai derrière. C’était le french flair.

Vous aviez mis KO Jean-Luc Joinel en championnat lors d’un Brive-Nice alors que vous étiez coéquipier en Bleu. Ça devait être sympa en sélection ensuite…

Le geste a été impulsif et non calculé. Il l’avait largement mérité sur l’ensemble du match. Je le respecte et c’est resté un ami, mais il avait eu des gestes très déplacés même si je n’en étais pas la cible. On avait cherché à nous piéger à l’époque parce qu’on était en concurrence en Bleu mais il n’y avait pas lieu de créer une polémique.

Ce jour-là, Eric Buchet a été l’unique victime alors qu’il n’y était pour rien. Il avait été suspendu pour manquement à ses devoirs de capitaine (rire). C’est dire la réputation que j’avais.

D’où vient votre sagesse?

Je ne vais pas te raconter ma vie et faire du Zola, mais je suis né avec l’équivalent d’une polio au bras gauche. J’ai de la force dans la main mais pas dans le bras. J’ai du mal à le lever et un enfant de 10 ans, il passe. Pour moi, arriver en équipe de France était donc quelque chose de miraculeux. C’est pour ça qu’en touche cela posait quelques problèmes (rire). Je ne l’ai jamais dit quand je jouais pour éviter l’aveu de faiblesse, mais mon parcours sportif est inespéré. Il y a donc tout lieu de relativiser les succès et les échecs.

Ce France-Galles en ouverture, contre une équipe en souffrance, c’est une aubaine ou un piège?

Je ne pense pas que ce soit un piège. C’est une chance de démarrer à Paris contre les Gallois. Avoir battu les Blacks en novembre (30-29) apporte une confiance majeure. Ça ne pourra que se confirmer contre les Gallois.

Et puis Dupont pèse sur les matchs de manière incroyable. Quand il est là, les troisièmes lignes ne peuvent plus défendre au large parce qu’il est trop dangereux. Cela donne un temps d’avance à toutes les attaques.

En mars 1984, les Bleus d’Orso (ici à gauche au soutien de Pierre Dospital) perdent le Grand Chelem en Ecosse (21-12). (Photo AFP).

Repères

Jean-Charles Orso Né le 6 janvier 1958 à Cannes (67 ans).

Ex-deuxième ou troisième ligne / 1,90m, 105kg.

Parcours de joueur pro: RRC Nice (avant 1986 puis 1989-90), Toulon (1986-89).

Equipe de France: une quinzaine de sélections entre 1982 et 1988. Vainqueur du Tournoi des V Nations en 1983 et 1988. Il a également été sélectionné à 4 reprises avec les Barbarians français.

Palmarès: champion de France 1987 avec Toulon. Vice-champion de France 1983 avec Nice et 1989 avec Toulon. Vainqueur du Challenge Yves du Manoir avec Nice en 1985.

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