"Les Frères musulmans sont en déclin en France": Hakim El Karoui pointe la "communication catastrophiste" de Bruno Retailleau

S’il ne nie pas l’existence de problèmes d’islamisme en France, Hakim El Karoui estime qu’on se trompe de cible en pointant les Frères musulmans "en perte d’influence" dans l’Hexagone.

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P.-L. P. Publié le 11/06/2025 à 08:30, mis à jour le 11/06/2025 à 08:30
Hakim El Karoui. Photo DR

Pouvoir débattre de tout. Y compris – et surtout – des sujets les plus sensibles. Mais toujours dans le calme et la sérénité. Tel est le credo de la Fondation méditerranéenne d’études stratégiques (FMES). Et elle le prouve. Ainsi, trois semaines à peine après avoir accueilli la chercheuse Florence Bergeaud-Blackler au lendemain de la publication du brûlant rapport sur l’entrisme supposé des Frères musulmans, la FMES remet une pièce dans la machine en accueillant ce jeudi 12 juin à Toulon Hakim El Karoui. Cet ancien conseiller de Jean-Pierre Raffarin à Matignon et auteur de plusieurs livres dont L’islam, une religion française, donnera une conférence (1) sur le thème "L’islam, facteur géopolitique et défi sociétal".

Révélé le 20 mai dernier, le rapport "Frères musulmans et islamisme politique en France" vous a-t-il surpris?

Oui, mais pas dans le sens que vous attendez. Car en réalité le rapport met en avant la perte d’influence des Frères musulmans en France. À aucun moment il n’est écrit en effet que les Frères musulmans font du prosélytisme auprès des non-musulmans, qu’ils veulent convertir tous les Français à la charia. Tous les spécialistes vous le diront: les Frères musulmans sont en déclin en France. Le rapport va donc à l’encontre de la communication catastrophiste que le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau a faite autour de ce rapport.

Pour vous qui avez été auditionné dans le cadre de ce rapport, il n’existe donc pas de risque frériste en France?

Le vrai sujet est de savoir comment on définit le frérisme. Il faut éviter les théories du complot en qualifiant de frériste n’importe quel musulman pratiquant qui respecte le ramadan. Dans les années 1980-1990, les Frères musulmans, confrérie religieuse très hiérarchisée, ont en partie réussi à s’installer en France au travers de l’Union des organisations islamiques de France, mais ils n’ont pas su passer la main. Je ne dis pas qu’il n’existe pas de problèmes d’islamisme en France, je ne cherche pas à sous-estimer la menace, mais en allant chercher les Frères musulmans, on se trompe de cible.

D’ailleurs vous pointez plutôt du doigt le salafisme.

Oui, mais là encore, on est passé à une nouvelle génération. Ce qui a le vent en poupe aujourd’hui, notamment auprès des enfants d’immigrés - ceux de la 2e génération - c’est un islam identitaire, avant d’être un islam religieux. Ces jeunes, qui ne partagent plus vraiment la culture de leurs parents et ne se considèrent pas non plus comme des Français comme les autres, sont dans une sorte d’entre deux. Certains trouvent dans l’islam une identité de substitution. Mais ce ne sont pas les Frères musulmans et leur fonctionnement très vertical qui les islamisent, ce sont plutôt des gens qui leur ressemblent, des influenceurs qui savent trouver des réponses à leur questionnement et construisent la norme.

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Un tel rapport, ou du moins l’interprétation qui en est faite, entretient-il selon vous l’islamophobie en France, qui a pu conduire à la mort d’Hichem Miraoui le 31 mai dernier dans le Var?

Je me méfie des polarisations. Il ne faut pas lancer des accusations à tout bout de champ. Il faut au contraire éviter de simplifier ces problèmes et de monter les Français les uns contre les autres. Ce rapport était utile. Mais il ne faut pas pour autant crier au loup. Et si on le fait, il ne faut pas se tromper de loup. Maintenant que le rapport est sur la table, il est important que la puissance publique apporte des solutions. Car il n’y a pas plus inquiétant de mettre en avant un problème et d’être incapable de le traiter.

Emmanuel Macron a d’ailleurs demandé que des propositions lui soient faites courant juin. Quelles pourraient être les solutions?

Tout d’abord, il faut organiser le culte musulman. Pour ce faire, il faut trouver un modèle économique qui finance une organisation nationale. Cela pourrait se faire en prélevant par exemple de l’argent sur tout ce qui est lié à la pratique de l’islam (pèlerinage à La Mecque, produits halal…). Il faut former les imams et aider ceux qui travaillent sur les textes religieux et leur interprétation. Lutter contre l’extrémisme est également essentiel. Cela passe par l’expulsion des prédicateurs dangereux et la fermeture des associations qui ne respectent pas les lois de la République. Mais le plus important est d’intervenir sur les réseaux sociaux car c’est là qu’est la principale menace avec la diffusion d’un islam assez obscurantiste.

1. La conférence se tiendra le jeudi 12 juin, à partir de 18h30, dans l’amphi 500 de la faculté de droit de Toulon.

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