Caresser les élus locaux dans le sens du poil. C’est la méthode Lecornu, qui vient d’envoyer un courrier (dont nous avons pris connaissance) aux 34.955 maires de France. Huit jours après sa prise de fonction, le nouveau Premier ministre a tenu à leur adresser "un message de soutien et de volonté". Connaissant "les difficultés des missions qui [leurs] sont confiées", le locataire de Matignon souhaite "une plus juste reconnaissance de [leur] engagement comme agents de l’État", qu’il compte "inscrire dans les textes budgétaires pour 2026".
Sébastien Lecornu "souhaite également que puisse aboutir, avant les élections municipales, la loi portant création d’un statut de l’élu local", afin de reconnaître "l’engagement des maires au service de nos concitoyens". Pour lui, il s’agit d’"une volonté de clarifier notre organisation administrative, pour mieux définir des champs de compétence propre pour chaque décideur public".
David Lisnard, maire de Cannes et président de l’Association des maires de France (AMF), y voit "une intention intelligente" même si cette annonce "n’est pas révolutionnaire" : "a fait plusieurs années que c’est annoncé, donc si c’est mis en œuvre c’est une bonne chose notamment pour les maires des villages."
Votée en première lecture à l’Assemblée nationale début juillet, cette proposition de loi prévoit d’améliorer les indemnités de fonction (jusqu’à 10% pour les maires de moins de 1.000 habitants) et de concilier mandat et vie personnelle, notamment avec une prise en charge améliorée des frais de garde d’enfant et d’assistance aux personnes âgées ou handicapées engagés par les élus communaux.
Autant d’éléments qui devaient être débattus au Sénat le 23 septembre. C’était avant que la chute du gouvernement Bayrou, à la suite du vote de confiance des députés, ne bouleverse le planning.
La crainte d’un transfert de charges caché
Dans cette même lettre de deux pages, le Premier ministre revient sur "un grand acte de décentralisation", qui sera bientôt présenté devant le Parlement. Objectif: "Définir précisément la compétence de chacun et éviter la dilution des responsabilités. Tout ceci afin de garantir un service public efficace, de proximité et adapté aux besoins de nos concitoyens et aux exigences de nos finances publiques".
Réaction de David Lisnard, fervent partisan de la décentralisation: "On s’en réjouit, mais de façon raisonnable, parce qu’il y a eu de multiples annonces jamais suivies d’effet depuis 5 ou 6 ans. Et faire une telle annonce avant même la constitution d’un gouvernement et sans majorité parlementaire, ça rend quand même difficile une réforme d’ampleur. Surtout dans un contexte budgétaire où l’État cherche par tous les moyens des prélèvements supplémentaires."
Celui-ci redoute "une manœuvre pour un énième transfert de charges non financées" . Sa volonté? Un moratoire immédiat sur les dépenses et normes supplémentaires que l’État impose aux collectivités. "On ne peut pas nous dire de moins dépenser et de dépenser plus", résume-t-il.
Parmi les bémols, David Lisnard regrette l’absence de mention du projet de loi sur le renforcement des missions et des prérogatives des polices municipales. "On l’avait finalisé avec le ministre Buffet et avec le ministre Retailleau il y a un mois environ. Il devait être débattu lui aussi à l’automne. Si on loupe ce coup-là, nous risquons de perdre encore des mois et des mois, voire des années, sur un texte qui est très attendu en matière de sécurité publique."
À la veille de la grande journée de manifestation syndicale du 18 septembre, le successeur de François Bayrou souligne, par ailleurs, les attentes des Françaises et des Français qui "se transforment parfois en colère": "Je veux vous remercier d’y faire face chaque jour avec l’empathie et le sens du devoir qui caractérisent celles et ceux qui s’engagent".
Et de conclure, lucide: "Comptez sur moi pour agir à votre service aussi longtemps que j’aurai l’honneur d’occuper la fonction de Premier ministre".
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