"Je refusais de lire en public": Guillaume de Tonquédec se livre sur son passé scolaire

À l’occasion de sa participation au Festival des mots, le comédien Guillaume de Tonquédec se confie sur son parcours singulier avec les mots, de la peur bleue à la réappropriation.

Article réservé aux abonnés
Chloé Rouil Publié le 31/07/2025 à 13:00, mis à jour le 31/07/2025 à 13:00
Comme d’autres comédiens présents au Festival des mots, c’est à l’hôtel Aston que nous avons rencontré Guillaume de Tonquédec. Photo C.R.

La relation aux mots peut parfois ressembler à un long chemin de croix avant de devenir une histoire d’amour. Pour Guillaume de Tonquédec, lauréat du César du meilleur comédien dans un second rôle en 2013 pour son interprétation de Claude Gatignol dans Le Prénom, cette transformation a pris des années. Invité pour la deuxième année consécutive au Festival des mots, il a présenté, le vendredi 25 juillet dernier à Carros, une lecture du Barman du Ritz, de Philippe Collin.

Mais derrière cette performance publique se cache un parcours personnel étonnant. Celui d’un enfant dyslexique pour qui l’école fut un cauchemar, avant que le théâtre ne lui offre une rédemption. Un rapport aux mots qu’il commente dans le livre Les Portes de mon imaginaire, paru en 2018 aux éditions de l’Observatoire, écrit à quatre mains avec la journaliste Caroline Glorion. Aujourd’hui, celui qui refusait toute lecture publique en est devenu un fervent défenseur, voyant dans cet exercice une forme de magie contemporaine.

Quel est votre rapport aux mots? Et comment a-t-il évolué?

Je garde un très mauvais souvenir de l’apprentissage des mots, de la grammaire et de la conjugaison. Ça a été une réelle difficulté pour moi parce qu’enfant, j'étais très timide, assis au fond de la classe, je voyais mal ce qui était écrit au tableau et j’étais aussi très certainement dyslexique. En quatrième, j'ai découvert le théâtre et je me suis dit: "Si je veux faire ce métier, il faut que je connaisse les mots." Au final, c’est l’imaginaire des auteurs qui m’a sauvé. C’est pouvoir entendre des histoires qui m’a donné le goût des mots. Je me souviens notamment de la lecture de Pierre et le Loup, par Gérard Philipe. J’avais le livre, mais beaucoup de mal à le lire. Là, j’avais quelqu’un qui le lisait pour moi, un peu comme un tire-fesses au ski.

Vous racontez ce rapport délicat aux mots dans le livre Les Portes de mon imaginaire...

Au début, j’ai eu un réflexe de rejet: je voulais oublier ces souvenirs douloureux. En y réfléchissant, je me suis dit que c’est un livre qui aurait pu aider l’enfant que j’ai été, ou d’autres qui vivent la même chose. J’y raconte comment on m’a fait croire que si je n’étais pas bon à l’école, je n’aurais pas accès à la culture. Quelle absurdité!

Pourquoi avoir attendu si longtemps avant de faire des lectures publiques?

J’ai refusé pendant des années de le faire parce que j’avais peur de trébucher ou de ne pas être à la hauteur. J’ai toujours décliné en prétendant que je n’étais pas libre et, un jour, je me suis dit qu’il fallait peut-être que je me lance. Passé cinquante ans, je l’ai fait pour la première fois et, depuis, je ne peux plus m’en passer. Il y a quelque chose de magique dans la lecture à voix haute. C’est seulement le texte et la voix, il n’y a aucune mise en scène, seulement un pupitre, éventuellement une lumière et un micro. Là où il n’y a apparemment rien, en fait, il y a tout.

Y a-t-il un livre qui a changé votre vie?

Le Désert des Tartares, de Dino Buzzati. Adolescent, je doutais de ma vocation de comédien, et ce livre m’a secoué comme une claque. C’est l’histoire d’un lieutenant qui attend toute sa vie une bataille qu’il ne fera jamais, et il finit par mourir sans l’avoir vécue. Je me suis dit que soit je devenais comédien, soit je finissais comme lui, à regretter. Buzzati m’a tapé sur l’épaule à travers les pages. C’est ça la magie des livres, ils vous parlent au moment où vous en avez besoin.

Aujourd’hui, quel rôle joue la culture selon vous?

Un rôle vital. Dans une époque de divisions et de raccourcis, la culture est ce qui nous rassemble encore. Évidemment, je vis de la culture donc j’ai tout intérêt à la défendre, mais je parle aussi en tant qu’être humain. La disparition de la culture qui est programmée un peu partout me terrifie. C’est la fin de la réflexion, de la pensée, de la contradiction et du débat. Et selon moi, c’est nuisible à la démocratie.

Prochain rendez-vous au Festival des mots, ce jeudi 31 juillet, à 21h, avec Guillaume Gallienne à Cap-d’Ail. Parc de Château des Terrasses. soirees-estivales.departement06.fr /le-festival-des-mots.

“Rhôooooooooo!”

Vous utilisez un AdBlock?! :)

Vous pouvez le désactiver pour soutenir la rédaction du groupe Nice-Matin qui travaille tous les jours pour vous délivrer une information de qualité et vous raconter l'actualité de la Côte d'Azur

Et nous, on s'engage à réduire les formats publicitaires ressentis comme intrusifs.

Si vous souhaitez conserver votre Adblock vous pouvez regarder une seule publicité vidéo afin de débloquer l'accès au site lors de votre session

Monaco-Matin

Un cookie pour nous soutenir

Nous avons besoin de vos cookies pour vous offrir une expérience de lecture optimale et vous proposer des publicités personnalisées.

Accepter les cookies, c’est permettre grâce aux revenus complémentaires de soutenir le travail de nos 180 journalistes qui veillent au quotidien à vous offrir une information de qualité et diversifiée. Ainsi, vous pourrez accéder librement au site.

Vous pouvez choisir de refuser les cookies en vous connectant ou en vous abonnant.