C’est un dossier "un peu singulier", comme l’a décrit son avocat, Me David Rebibou, qui figurait ce vendredi au rôle du tribunal correctionnel de Nice. Différent certes, mais aussi attendu.
Alexandre Gallet, ancien caviste niçois, a créé fin 2018 un rhum artisanal baptisé "Tue Diable". D’abord conçu comme une "bouteille de copains", ce breuvage aromatisé (vanille, caramel, amande, parfois olive de Nice) rencontre vite le succès auprès de ses amis… puis de ses clients.
Une boisson pas assez… alcoolisée
Mais l’étiquette "rhum niçois" attire rapidement l’attention de la répression des fraudes. Car pour mériter l’appellation "rhum", l’Union européenne impose un titre alcoométrique minimal de 37,5°.
Or, le "Tue Diable" analysé affichait 34,18°. "J’ai été trompé par le produit d’origine, un rhum Bacardi indiqué à 40°, j’aurais dû l’analyser", reconnaît et regrette Alexandre Gallet.
Après un premier contrôle en 2020, la DGCCRF (Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes) lui enjoint, entre autres, de modifier son étiquetage.
Rebaptisé "spiritueux niçois", le produit reste jugé non conforme. Le délai de mise en règle fixé au 10 mars 2021 n’est pas respecté. Et la période Covid n’a pas aidé...
L’administration engage alors des poursuites pour "tromperie sur la nature d’une marchandise" et "inexécution d’une injonction".
"Le procès d’une vaste hypocrisie"
À l’audience, l’inspectrice a rappelé que le "Tue Diable" "n’était pas un rhum" et que les injonctions avaient été "claires". Alexandre Gallet, lui, assure n’avoir jamais voulu induire qui que ce soit en erreur: "Je n’ai jamais voulu tromper les gens. Mon rhum a plu, je n’ai jamais eu un retour négatif. C’était avant tout une aventure humaine."
Son avocat, Maître David Rebibou a dénoncé "le procès d’une vaste hypocrisie de la répression des fraudes", estimant que de grandes marques vendent des produits similaires sous l’appellation "rhum" sans être inquiétées.
Du sursis requis
Le parquet a demandé une relaxe partielle, soulignant que depuis juin 2025 une partie de la réglementation a été abrogée. Restait donc l’infraction de tromperie, pour laquelle quatre mois de prison avec sursis ont été requis, une amende étant jugée inadaptée à la situation financière du prévenu.
Aujourd’hui, Alexandre Gallet survit grâce à des missions d’intérim. Son activité commerciale se limite à la vente en ligne et à quelques professionnels, faute de moyens pour rouvrir une boutique.
Il continue cependant de s’accrocher à son projet auquel il tient tant et espère, un jour, pouvoir en vivre pleinement.
Le délibéré a été fixé au vendredi 10 octobre.
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