Du fromage... de chamelle, ça vous dit? Dans le Nord, c'est le pari insolite (mais pas insensé) de cet éleveur

"Il faut aimer l'inconnu": dans le Nord, Julien Job produit et vend du lait et du fromage de chamelle. Une démarche unique en France mais pas si incongrue, étant donné la croissance de la demande et les vertus écologiques du chameau.

AFP Publié le 24/06/2025 à 21:42, mis à jour le 24/06/2025 à 21:43
Julien Job, propriétaire de "La Camelerie", une ferme de chameaux, trait ses chamelles à Feignies, le 16 juin 2025 dans le Nord AFP / FRANCOIS LO PRESTI

Des vaches paissent dans le vert bocage de Feignies, non loin de la zone de production du maroilles, l'emblématique fromage des Hauts-de-France.

Mais dans le pré voisin, des dromadaires, chameaux et chameaux de Bactriane déploient leurs grandes silhouettes dégingandées.

Ce troupeau de 80 têtes est de loin le plus important de France et l'un des plus grands d'Europe.

Éleveur atypique de 43 ans, Julien Job travaillait comme transporteur d'animaux pour des zoos et des cirques avant de lancer sa "Camelerie" en 2015.

Si la France compte d'autres élevages de camélidés, exploités surtout pour l'agrotourisme, celui-ci est le premier à avoir obtenu l'agrément sanitaire européen permettant de commercialiser lait et produits laitiers.

à voir aussi

Une prouesse: car il y a 15 ans encore, le lait de chamelle, qui ne caille pas naturellement, était considéré comme inadapté à la production de fromage.

Sur son site internet, la Camelerie propose du lait de chamelle pasteurisé, du kéfir (lait fermenté) et même, plus ponctuellement, de la Bosse des Fagnes et du Camelhoumi: deux fromages développés avec le soutien de chercheurs qui ont valu à Julien Job une médaille aux "World Cheese Awards" au Kazakhstan en 2024.

Un "super" aliment, aux "possibles effets" sur les cellules cancéreuses 

Bien plus riche en vitamine C que le lait de vache, plus facile à digérer pour les personnes intolérantes au lactose, riche en acides gras non-saturés, le lait de chamelle est souvent considéré comme un super-aliment.

Des chameaux dans un champ de "La Camelerie", une ferme de chameaux à Feignies, le 16 juin 2025 dans le Nord. Photo AFP/François Lo Presti.

Des études explorent aussi ses possibles effets sur les cellules cancéreuses, la régulation de la glycémie chez les diabétiques et l'autisme.

"Il y a autour de ce lait un mélange de légendes, d'observations empiriques et de vérités scientifiques", sourit Bernard Faye, chercheur émérite au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement. Mais il souligne "des effets santé certains sur les consommateurs réguliers".

Alors que Julien Job s'apprête à traire ses chamelles, qui blatèrent bruyamment en raison de la séparation avec leurs petits, des clients à la recherche de lait arrivent à la Camelerie.

"J'en cherchais depuis 13 ans et je découvre qu'il y en a ici", s'exclame Mamadou Niakaté, un Maubeugeois originaire du Mali.

Traditionnellement, le lait de chamelle était produit par des nomades dans des régions arides ou semi-désertiques et réservé à leur auto-consommation.

Mais ces dernières décennies, des élevages intensifs sont apparus dans des pays du Golfe et la demande mondiale a explosé. Avec le changement climatique, de nouveaux pays misent aussi sur l'élevage de chameaux, de l'Afrique subsaharienne aux Etats-Unis.

Un produit de luxe 

Capable de valoriser une végétation pauvre, le chameau consomme beaucoup moins qu'une vache du même poids, et comme il n'a pas de sabots, il endommage moins les sols. Il peut aussi être utilisé en écopaturage pour éliminer ronces, chardons et orties.

Des chameaux dans un champ de "La Camelerie", une ferme de chameaux à Feignies, le 16 juin 2025 dans le Nord AFP / FRANCOIS LO PRESTI.

"C'est l'une des seuls races d'animaux qui survivent entre -40°C et +40°C", souligne Christian Schoettl, président de la Fédération Française pour le Développement des Camélidés. "Nos climats sont plutôt des climats heureux pour eux".

Les chameaux de Feignies arborent ainsi de belles bosses plus grasses que des chameaux du désert.

Seul hic éventuel, l'humidité, un problème que Julien Job résout en leur administrant des vermifuges un peu plus souvent qu'il ne le ferait pour des bovins.

Malgré une croissance annuelle de la demande de plus de 8% en Europe, à 17 euros le litre, le lait de ses chamelles reste un produit de luxe, pas près de supplanter le lait de vache.

Le fromage, dont la fabrication exige de grandes quantités de lait, devrait rester plus marginal encore.

Une production de lait bien en deçà de celle des vaches

"Une chamelle produit 2 à 3 litres par jour (dix fois moins qu'une vache normande, NDLR), un an sur deux", souligne Julien Job tandis que le précieux liquide circule dans les tuyaux de sa machine à traire.

L'interdiction d'importer des chameaux de l'extérieur de l'Europe, en l'absence d'une filière reconnue dans ce domaine, n'aide pas à améliorer la productivité.

Aussi Julien Job tire ses revenus de la vente du lait, mais également du tourisme, avec des promenades à dos de chameaux, et de la vente des petits mâles.

“Rhôooooooooo!”

Vous utilisez un AdBlock?! :)

Vous pouvez le désactiver pour soutenir la rédaction du groupe Nice-Matin qui travaille tous les jours pour vous délivrer une information de qualité et vous raconter l'actualité de la Côte d'Azur

Et nous, on s'engage à réduire les formats publicitaires ressentis comme intrusifs.

Si vous souhaitez conserver votre Adblock vous pouvez regarder une seule publicité vidéo afin de débloquer l'accès au site lors de votre session

Monaco-Matin

Un cookie pour nous soutenir

Nous avons besoin de vos cookies pour vous offrir une expérience de lecture optimale et vous proposer des publicités personnalisées.

Accepter les cookies, c’est permettre grâce aux revenus complémentaires de soutenir le travail de nos 180 journalistes qui veillent au quotidien à vous offrir une information de qualité et diversifiée. Ainsi, vous pourrez accéder librement au site.

Vous pouvez choisir de refuser les cookies en vous connectant ou en vous abonnant.