Mi-juillet, dans nos colonnes, le nouveau préfet des Alpes-Maritimes, Laurent Hottiaux, expliquait: "La stratégie n’a pas changé. Le contrôle à la frontière est une priorité absolue. Nous avons toujours un très gros dispositif avec la Force frontière: une coordination au quotidien avec l’ensemble des forces, la police aux frontières, la gendarmerie, la douane, Sentinelle… La pression est un peu plus faible en ce moment. Mais il faut rester extrêmement vigilant et mobilisé."
Vigilant et mobilisé car, selon la préfecture, "le département des Alpes-Maritimes constitue le principal point d’entrée du flux d’arrivée d’étrangers en situation irrégulière sur le territoire hexagonal. La pression migratoire est forte et constante et renforce en outre certains facteurs de la délinquance".
Plus de 7.600 étrangers en situation irrégulière interpellés depuis le début de l’année
Pour rappel, fin 2024, 15.139 étrangers en situation irrégulière avaient été interceptés à la frontière franco-italienne dans le département depuis le début de l’année. Parmi lesquels 1.872 mineurs non accompagnés. Un chiffre cependant en large baisse par rapport à l’année précédente, puisque 42.000 personnes avaient été interpellées en 2023, toujours selon la préfecture.
Depuis début 2025, selon la préfecture, ils sont 7.658 à avoir été interpellés. Dont une grande majorité - entre 30 et 50% du total - de ressortissants tunisiens, algériens et marocains francophones. Les anglophones composent en moyenne 30% du flux, auxquels s’ajoutent les turcophones et russophones pour environ 10%.
Des interpellations, 60 à 70%, qui ont lieu essentiellement dans le train dans les gares du littoral fait savoir la préfecture. Le vecteur routier et autoroutier représente 15% du total des interceptés, via des véhicules légers, par l’intermédiaire de passeurs, ou à bord de poids lourds. La toute récente réouverture du tunnel de Tende ajoute d’ailleurs un point de passage routier possible pour ces personnes. Enfin, le vecteur pédestre, particulièrement utilisé en montagne, représente jusqu’à 10% des interceptions.
À noter aussi que concernant les passeurs, la préfecture des Alpes-Maritimes fait état d’une "augmentation du nombre d’interceptions de passeurs: 161 depuis le début de l’année".
Quelles procédures?
Quelles sont les procédures en vigueur concernant l’interpellation de ces personnes? Avant l’arrêt du Conseil d’État de 2024, les autorités françaises procédaient à des non-admissions à la frontière franco-italienne ainsi que dans la bande des 20km: les étrangers en situation irrégulière étaient donc directement remis aux autorités italiennes sans le besoin d’un accord de leur part. Aujourd’hui cette procédure est appliquée uniquement aux frontières extérieures comme à l’aéroport.
À la frontière franco-italienne, les procédures ont changé depuis quelques mois et désormais les autorités françaises procèdent à des réadmissions à la frontière franco-italienne et dans la bande des 20km: lorsqu’un étranger en situation irrégulière est interpellé, une évaluation de sa situation est réalisée avant de pouvoir le remettre aux autorités italiennes après acceptation de ces dernières. Pour 2025, sur les 7.600 étrangers en situation irrégulière interceptés, plus de 4.600 réadmissions ont été réalisées.
"La coopération avec les autorités italiennes est, dans ce cadre, absolument essentielle, explique les services de la préfecture, tant en matière de procédure de réadmission, que de renseignements, mais également en matière de surveillance des itinéraires de passages et de démantèlement des filières de passeurs."
Une coopération d’autant plus importante pour la préfecture des Alpes-Maritimes que "les arrivées sur le sol italien sont en hausse en 2025 par rapport à 2024 (+10%) et au regard des événements internationaux comme les conflits et crises actuels qui impactent durablement les flux migratoires".
Les associations dénoncent "un non-respect des droits"
De leur côté, les associations continuent de dénoncer "une mise en danger constante à la frontière franco-italienne à Menton et des contrôles discriminatoires au faciès". "Depuis 10 ans, tous les six mois, la France renouvelle les contrôles à la frontière, explique Agnès Lerolle, avocate de formation qui travaille pour le projet interassociatif de Coordination d’actions aux Frontières Intérieures (CAFI) créé en 2017 à la frontière franco-italienne à Menton. Ce qui est contraire aux accords de Schengen. Notre pays est d’ailleurs un des rares de l’espace Schengen à pratiquer de la sorte", rappelle l’avocate qui regrette "l’amalgame trop souvent mis en avant par les autorités entre terrorisme, délinquance et flux migratoires".
Au-delà de ces contrôles, ces associations dénoncent aussi avec force "des violations manifestes des droits humains à Menton et des pratiques de refoulement expéditif". "Si nous avons obtenu des avancées - notamment pour les mineurs non accompagnés qui ne sont plus renvoyés systématiquement en Italie mais, quand leur minorité est reconnue par la police aux frontières, remis à l’Aide sociale à l’enfance - on constate encore que les procédures du droit ne sont pas respectées, les personnes ne sont pas toujours informées de leurs droits. On a recueilli plusieurs témoignages de personnes qui ont exprimé leur volonté de demander l’asile, mais soit elles ont été totalement ignorées, soit les conditions d’entretien étaient inadaptées, parfois sans interprète", confie une militante d’Amnesty international.
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