"James Cameron voulait en faire un film": elle témoigne inlassablement au nom de son grand-père qui avait survécu aux bombardements d’Hiroshima et Nagasaki

Depuis la disparition de son grand-père, qui avait survécu miraculeusement aux bombardements d’Hiroshima et Nagasaki, Kosuzu Harada a repris le flambeau pour éviter que l’arme atomique ne soit à nouveau utilisée.

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P.-L. Pagès P.-L. Pagès avec Takashima Tsutomu Publié le 06/08/2025 à 04:35, mis à jour le 06/08/2025 à 04:35
"Il est utopique de croire qu’une guerre a une fin. Surtout si elle est nucléaire. Pour avoir été exposés aux radiations, ou être nés de parents exposés, de nombreux Japonais le payent encore aujourd’hui dans leur chair". Petite-fille de Yamaguchi Tsutomu qui a miraculeusement survécu aux bombardements d’Hiroshima et Nagasaki, la Japonaise Kosuzu Harada milite inlassablement pour la paix et bien sûr contre l’arme nucléaire. Photo DR

L’histoire de Yamaguchi Tsutomu sera peut-être un jour portée à l’écran. "En 2009, le célèbre réalisateur canadien James Cameron est entré en contact avec mon grand-père. Il avait entendu parler de son histoire et voulait en faire un film. Mais mon grand-père est décédé l’année suivante, à l’âge de 93 ans, sans qu’aucun accord n’ait été signé…", glisse Kosuzu Harada.

À l’évocation de l’histoire de Yamaguchi Tsutomu, on comprend l’intérêt de celui à qui l’on doit notamment les films Terminator, Titanic ou encore Avatar: "Mon grand-père a survécu non seulement au bombardement d’Hiroshima le 6 août 1945, mais aussi à celui de Nagasaki trois jours plus tard!", confie la quinquagénaire japonaise.

Dans le déni

Ari Beser et Kosuzu Harada, respectivement petit-fils du seul aviateur américain qui a participé au largage des deux bombes atomiques sur le Japon et petite-fille d’un survivant aux deux bombardements, témoignent ensemble depuis 2013 pour la paix dans le monde. Photo DR.

Ingénieur des chantiers navals Mitsubishi, Yamaguchi Tsutomu est à l’époque en poste à Nagasaki où il participe à la construction des navires de guerre de l’Empire du Soleil levant. Mais en mai 1945, il est envoyé pour une mission de trois mois à Hiroshima où l’entreprise Mitsubishi dispose également d’infrastructures. Son retour à Nagasaki est même programmé pour… le 7 août. Le bombardier Enola Gay en décidera autrement. Le 6 août au matin, l’avion américain largue en effet la bombe atomique Little Boy sur Hiroshima. "Lorsque la bombe a explosé, mon grand-père se trouvait à 3km de l’épicentre. Malgré ses blessures - la moitié gauche de son corps présente de sérieuses brûlures - il décide de regagner Nagasaki dès le lendemain".

Quand la seconde bombe atomique est lâchée, Yamaguchi Tsutomu est dans les locaux de Mitsubishi en train d’expliquer que la ville d’Hiroshima a été rayée de la carte. "Persuadés que le Japon pouvait encore gagner la guerre, ses collègues refusaient de le croire. Ils minimisaient les dégâts subis par Hiroshima. C’est alors qu’une grande lumière est survenue et, avec elle, la destruction de Nagasaki", témoigne Kosuzu Harada à la veille des commémorations du 80e anniversaire de ce double drame.

Des survivants ostracisés

Ingénieur des chantiers navals Mitsubishi pendant la Seconde Guerre mondiale, Yamaguchi Tsutomu a survécu aux bombardements atomiques sur Hiroshima et Nagasaki. (Photo DR). DR.

Si elle semble aujourd’hui incollable sur ce triste mois d’août 1945 et sur la façon dont ses grands-parents l’ont vécu, Kosuzu Harada n’a découvert que tardivement ce pan de l’histoire familiale. "Pendant longtemps, ça a été tabou. Pas seulement dans ma famille d’ailleurs, mais chez tous ceux ayant survécu à ces deux bombardements atomiques. Ces rescapés - les hibakusha - et tout particulièrement les femmes en âge de se marier, ont souffert de discrimination. Personne ne voulait trop les approcher. Aussi, pour ne pas causer trop de tort à ses deux filles, mon grand-père, sur les conseils de ma grand-mère, est resté très longtemps discret sur ce traumatisme", explique notre témoin. Avant de préciser: "Mon grand-père a accepté timidement de me raconter son expérience quand je l’ai interrogé pour les besoins d’un devoir d’Histoire".

Kosuzu Harada n’a pas la même réserve. Et depuis longtemps déjà, elle a décidé de témoigner pour que le monde entier sache les souffrances physiques et psychologiques endurées par ceux qui ont survécu à la bombe atomique. "L’usage de l’arme nucléaire et ses conséquences ne sont pas un problème familial, ou même japonais. Cela concerne le monde entier!", assène-t-elle, bien consciente des tensions internationales actuelles.

L’improbable rencontre

Aussi n’a-t-elle pas hésité longtemps à rencontrer Ari Beser, le petit-fils de Jacob Beser, le seul aviateur américain à avoir participé au largage des deux bombes atomiques sur le Japon. "C’est Ari qui a provoqué la rencontre en 2013. Bien sûr, eu égard à ce qu’avait vécu ma famille, j’étais très méfiante au début. Pour être honnête, j’éprouvais même un certain ressentiment vis-à-vis des Américains. Et puis je me suis demandé ce qu’aurait fait mon grand-père. Me rappelant qu’il était un homme ouvert, au point de travailler comme interprète pour l’armée américaine au lendemain de la guerre, je me suis dit qu’il aurait certainement accepté".

L’humanisme l’a emporté sur la haine. Kosuzu Harada et Ari Beser, qui se rencontrent depuis régulièrement, ont même cosigné un livre ensemble. Pour que l’horreur ne se reproduise pas. Pour que la paix triomphe.

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