Godzilla, Astro Boy... 80 ans après Hiroshima, comment la bombe atomique a bouleversé la culture japonaise

Les bombes américaines lâchées en août 1945 ont fait environ 140.000 morts à Hiroshima et 74.000 à Nagasaki. Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, les histoires de destruction et de mutations ont été associées à la crainte des catastrophes naturelles fréquentes, et, après 2011, à l'accident de Fukushima.

La rédaction (avec AFP) Publié le 04/08/2025 à 06:55, mis à jour le 04/08/2025 à 07:12
Godzilla est sans doute la plus célèbre des créations reflétant la relation complexe entre le Japon et le nucléaire: une créature préhistorique réveillée par des essais atomiques américains dans le Pacifique. Photo AFP

Du souffle atomique de Godzilla aux descriptions littéraires des effets des radiations et jusque dans les mangas: au fil des décennies les bombes nucléaires sur Hiroshima et Nagasaki ont profondément influencé la culture japonaise.

Atome Puissant est le titre japonais du manga Astro Boy, tandis que d'autres "animes" célèbres comme Akira, Neon Genesis Evangelion et L'Attaque des Titans décrivent des explosions de grande ampleur.

"Traverser une souffrance extrême" et exorciser un traumatisme est un thème récurrent dans la production culturelle japonaise, et cela "a fasciné le public mondial", commente William Tsutsui, professeur d'histoire à l'Université d'Ottawa.

Les bombes américaines lâchées en août 1945 ont fait environ 140.000 morts à Hiroshima et 74.000 à Nagasaki.

Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, les histoires de destruction et de mutations ont été associées à la crainte des catastrophes naturelles fréquentes, et, après 2011, à l'accident de Fukushima.

Si des poèmes "dépeignent la pure terreur causée par la bombe atomique au moment où elle a été larguée", de nombreuses œuvres abordent le sujet indirectement, confirme l'écrivaine Yoko Tawada.

En éclaireur, livre de Mme Tawada publié au Japon en 2014, se concentre sur le contrecoup d'une grande catastrophe.

Elle s'est inspirée des similarités entre les bombes atomiques, la catastrophe de Fukushima et la "maladie de Minamata" - un empoisonnement au mercure dû à la pollution industrielle dans le sud-ouest du Japon depuis les années 1950.

"Il s'agit moins d'un avertissement que d'un message pour dire: les choses peuvent empirer, mais nous trouverons un moyen de survivre", commente Mme Tawada.

La peau de Godzilla

Godzilla est sans doute la plus célèbre des créations reflétant la relation complexe entre le Japon et le nucléaire: une créature préhistorique réveillée par des essais atomiques américains dans le Pacifique.

"Nous avons besoin de monstres pour donner un visage et une forme à des peurs abstraites", indique M. Tsutsui, auteur du livre Godzilla dans ma tête (non traduit en français).

"Dans les années 1950, Godzilla a rempli ce rôle pour les Japonais - avec l'énergie atomique, avec les radiations, avec les souvenirs des bombes. A.

Nombreux sont ceux qui ont quitté la salle en pleurant après avoir vu Godzilla raser Tokyo dans le film original de 1954.

"Il est dit que les personnes chargées des effets spéciaux ont modelé la peau profondément ridée du monstre d'après les cicatrices chéloïdiennes des survivants de Hiroshima et Nagasaki", ajoute William Tsutsui.

Le thème du nucléaire est présent dans les près de 40 films sur Godzilla, mais il est souvent peu mis en avant dans les intrigues.

"Le public américain n'avait pas beaucoup d'intérêt pour les films japonais qui reflétaient la douleur et la souffrance des années de guerre et qui renvoyaient d'une certaine manière négativement aux Etats-Unis et à leur usage des bombes atomiques", selon M. Tsutsui.

Malgré tout, la franchise reste extrêmement populaire, Godzilla Resurgence ayant eu un immense succès en 2016. Le film a été perçu comme une critique de la gestion de Fukushima.

"Pluie noire"

Pluie noire, roman de Masuji Ibuse de 1965 sur la maladie et la discrimination dues aux radiations, est l'un des récits les plus connus sur le bombardement de Hiroshima.

M. Ibuse n'était pas un survivant, ce qui nourrit un "grand débat pour savoir qui est légitime pour écrire ce genre d'histoire", explique Victoria Young de l'Université de Cambridge.

"La manière de parler ou de créer une oeuvre littéraire à partir de la vie réelle sera toujours une question difficile", dit-elle. "Etes-vous autorisé à écrire dessus si vous ne l'avez pas directement vécu?"

Kenzaburo Oe, écrivain et prix Nobel de littérature en 1994, avait rassemblé des témoignages de survivants dans Notes de Hiroshima, une collection d'essais écrits dans les années 1960.

M. Oe avait opté à dessein pour le genre documentaire, relève Mme Tawada. "Il se confronte à la réalité, mais essaye de l'approcher à travers un angle personnel" en incluant sa relation avec son fils handicapé, ajoute-t-elle.

Mme Tawada a vécu en Allemagne pendant 40 ans, après avoir grandi au Japon.

"L'éducation antimilitariste que j'ai reçu donnait parfois l'impression que seul le Japon fut une victime" lors de la Seconde Guerre mondiale, raconte-t-elle.

"Quand il s'agit des bombardements, le Japon fut une victime - sans aucun doute", mais "il est important d'avoir une vue d'ensemble" en prenant en compte les atrocités qu'il a aussi commises.

Enfant, les illustrations des bombardements atomiques dans les livres d'images lui rappelaient les descriptions de l'enfer dans l'art classique japonais.

"J'ai été amenée à me demander si la civilisation humaine n'était pas elle-même source de dangers", souligne-t-elle.

Dans cette perspective, les armes atomiques ne seraient pas tant "un développement technologique que quelque chose de tapi au sein de l'humanité".

“Rhôooooooooo!”

Vous utilisez un AdBlock?! :)

Vous pouvez le désactiver pour soutenir la rédaction du groupe Nice-Matin qui travaille tous les jours pour vous délivrer une information de qualité et vous raconter l'actualité de la Côte d'Azur

Et nous, on s'engage à réduire les formats publicitaires ressentis comme intrusifs.

Si vous souhaitez conserver votre Adblock vous pouvez regarder une seule publicité vidéo afin de débloquer l'accès au site lors de votre session

Monaco-Matin

Un cookie pour nous soutenir

Nous avons besoin de vos cookies pour vous offrir une expérience de lecture optimale et vous proposer des publicités personnalisées.

Accepter les cookies, c’est permettre grâce aux revenus complémentaires de soutenir le travail de nos 180 journalistes qui veillent au quotidien à vous offrir une information de qualité et diversifiée. Ainsi, vous pourrez accéder librement au site.

Vous pouvez choisir de refuser les cookies en vous connectant ou en vous abonnant.