"Journée historique", pronostique Graig Monetti, adjoint à l’événementiel et donc au carnaval, samedi 15 février 2025 en fin de matinée, en plein village du Carnaval. "Génial!", renchérit deux heures plus tard le maire Christian Estrosi en plein défilé. Leurs éloges s’adressent à la Carnavalina, virus typique niçois qui a attiré 32.000 participants, pour sa première parade entre Jean-Médecin et Masséna.
Avenue clairsemée
Jean-Médecin. Un site pas choisi au hasard pour faire déambuler 400 participants, dont neuf compagnies professionnelles et des associations niçoises, des éléments d’animation et des grosses têtes. C’est là qu’avait lieu, avant le tram et ses câbles aériens, le carnaval gratuit, celui des Niçois. "Le vrai", évoquent à regret les nostalgiques.
Les éminences grises du Roi des Océans ont voulu leur faire plaisir en créant cette procession, un peu à l’image de la Grande parade de Noël initiée avec succès en décembre par l’association Nice Shopping.
Copié-collé dans l’idée mais avec les spécificités du barnum nissart: bancs de poissons en guise de têtes portées, méduses flottant dans les airs, effigie de Garibaldi, batucada, drôles de petits attelages… Le tout, mené et animé par l’étincelant Gilles Roche, perché sur son gyropode, et ses ambianceurs en mouvement perpétuel.
Sur les premières dizaines de mètres, certains sont perplexes: peu de badauds sur les trottoirs. Jadis, ils se massaient par centaines.
Est-ce le temps splendide qui a propulsé des spectateurs potentiels sur les sommets enneigés? Celles et ceux qui sont là regardent sagement, filment, sans trop s’investir dans la fête. Postée sur le parcours, une Italienne lâche "Bello, bello". Plus loin, Stéphanie, pure Niçoise, trouve que "cette manifestation fait du bien. Mais tout de même, il y a davantage d’ambiance et d’effets au corso du soir. Non, ce n’est pas comme avant…"
Dans le cortège, le maire ne partage pas cet avis: "C’est plus populaire que jamais. On ressent l’enthousiasme des Niçois qui attendaient le retour du carnaval d’antan, conforme à leurs rêves d’enfance… Un moment très émouvant. On vit cet esprit de la fête."
Admettons; mais côté public, ça manque tout de même de batailles de confettis, de déguisements, d’exubérance.
Allez, masquons les esprits chagrins. Au niveau de Nicétoile, enfin, le peuple se densifie. S’exprime volontiers: "C’est sympa, c’est populaire." Se montre tolérant: "Il faut que les gens se fidélisent à ce nouveau rendez-vous et se l’approprient."
Cette jeune mère de famille, elle, est conquise par la formule. Son bambin, Maël, aussi: "Mon fils de 2 ans en a pris plein les mirettes. Je trouve la parade superbe avec les associations de quartiers représentées et les professionnels du carnaval. Dans le public, jeunes et plus anciens sont mélangés. C’est très festif. Et mine de rien, pour les tout-petits, l’horaire de 13h est idéal. Car souvent, le corso ou la bataille de fleurs ont lieu à 14h30, l’heure de la sieste, ou 20h30, trop tard."
"Sans les tribunes très élevées, on est à hauteur d’homme, remarque un Varois habitué du carnaval. C’est plus humain."
Le défilé avance. Place Masséna, il y a foule. Découvrant cinq chars disposés de part et autre de l’esplanade: le roi, la reine, Carnavalone au joli minois, La Rascasse et le char de l’égérie des batailles de fleurs. Emballée par le podium où le DJ, Nicolas Ullmann, insuffle son énergie à un karaoké tonitruant.
On a chanté (pas toujours bien), on a dansé, on s’est bien éclaté jusqu’en milieu d’après-midi. Pas mal d’ailleurs, ce podium, qui a rappelé à certains Niçois l’époque, pas si lointaine, où un énorme promontoire dressé au milieu de la place Masséna, permettait aux troupes, aux fanfares de se produire.
Bataille à l’eau
La Carnavalina a donc livré sa première édition. Qu’on parle de pérenniser dans le temps. Il y a du potentiel. À travailler. Des Niçois proposent de faire courir la parade jusqu’à Garibaldi, via Jean-Jaurès.
Il n’empêche que ce virus a eu la peau d’une bataille de fleurs: quatre au lieu de cinq cette année. Et la distribution au public d’œillets et de mimosa ne remplace pas l’investissement poétique des fleuristes du terroir, metteurs en scène des vaisseaux pétaliers, qu’on attend avec impatience mercredi prochain.
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