78e Festival de Cannes: "ce n'est jamais facile de tourner en Iran", rencontre avec Saeed Roustaee le réalisateur engagé de "Woman and child"

Le réalisateur iranien de "Woman and child" confirme que son cinéma social, très ancré dans la réalité de son pays, est une subtile résistance.

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Mathieu Faure Publié le 23/05/2025 à 13:30, mis à jour le 24/05/2025 à 12:19
interview
Le réalisateur Saeed Roustaee. Photo justine meddah

Condamné à une peine de prison en Iran à cause de son film Leila et ses frères lors de sa dernière venue à Cannes en 2022 (1), le jeune réalisateur iranien Saeed Roustaee sait plus que quinconque la pression qui est au-dessus de ses épaules quand il décide de filmer la société iranienne dans son imperfection. Woman and child, en compétition officielle, est un film qui pointe subtilement du doigt les défauts d’un système étatique patriarcal, corrompu et dans lequel la liberté d’expression est constamment contrôlée, pour ne pas dire muselée.

Quel a été le point de départ du film?

Des histoires que j’avais beaucoup entendues quand j’étais enfant, dans mon entourage, ce n’est pas une histoire en particulier. En grandissant, en tant que réalisateur, j’ai eu le sentiment d’avoir un sujet à exploiter.

Votre mise en scène demande beaucoup d’intensité de la part de vos acteurs, comment le travaillez-vous?

Nous avons fait six mois de répétition, aussi bien avec les acteurs que sur les lieux de tournage. J’ai toujours mon directeur de la photographie avec moi durant les répétitions, et c’est là que la tension émotionnelle se construit. Si on ne passe pas par ce processus de répétition, le tournage peut durer deux fois plus de temps.

Le film a été tourné en Iran, avec des autorisations spéciales à obtenir, avez-vous rencontré des obstacles particuliers?

Ce n’est jamais facile de tourner en Iran. Surtout dans les lieux officiels, au sein d’institutions comme les universités, les hôpitaux, les écoles, les tribunaux. Vous êtes toujours sous surveillance en Iran quand vous êtes un artiste. Et si vous sortez du cadre, vous pouvez être arrêté, on peut confisquer votre matériel, vous interroger.

Lors de votre dernière venue à Cannes, votre film Leila et ses frères avait reçu de nombreuses critiques positives mais vous aviez été condamné à une peine de prison dans votre pays, avez-vous conscience de cette épée de Damoclès au-dessus de votre tête quand vous réalisez un film?

On y pense, forcément. Mais j’essaie de ne pas y penser car je veux faire le film que j’ai envie de faire, mais vous savez faire un film en Iran, c’est comme ça…

Vous êtes un jeune réalisateur, qu’est-ce que cela représente d’être encore en compétition officielle à Cannes?

Tous les réalisateurs que j’admire sont passés par Cannes. Je suis ravi d’être ici, fier. Je veux devenir comme eux, être influent dans ma manière de faire des films.

L’Iran propose deux films en compétition officielle, le vôtre et celui de Jafar Panahi, Mohammad Rasoulof l’était l’an dernier, comment définiriez-vous le cinéma iranien?

L’Iran a une histoire du cinéma conséquente mais récemment, à cause de toutes les interdictions, certains artistes ont décidé d’arrêter de tourner, d’autres se sont exilés, le cinéma social iranien s’est appauvri et dans les salles de cinéma on ne voyait que des comédies assez vulgaires. Heureusement, il y a eu une nouvelle vie qui vient d’arriver récemment dans ce cinéma social et j’espère qu’il va pouvoir être revitalisé.

Vous mettez souvent des personnages féminins assez puissants en avant, comment choisissez-vous vos actrices?

Mes personnages viennent de la société, je n’invente personne. Ce sont des compositions de plusieurs femmes rencontrées. Et concernant Parinaz Izadyar, j’avais collaboré avec elle dans mon premier film, La Loi de Téhéran, je sais à quel point elle est forte, intense. J’avais besoin d’une actrice capable de se consacrer corps et âme à ce projet pendant six mois.

Comment vivez-vous les projections cannoises et celles en Iran, peut-on parler de deux mondes opposés?

Le Festival de Cannes est le plus important du monde, chaque réalisateur rêve d’être en compétition ici. Ce sont des moments inoubliables de ma vie, et stressants. Mais, en même temps, quand des millions de personnes regardent votre film à l’intérieur de votre pays, c’est un autre plaisir. C’est important pour moi que mes films soient vus par des Iraniens, dans les salles, parce que si vous ne faites pas un film enraciné dans votre culture, il ne pourra pas devenir universel.

Rêvez-vous de la Palme d’or?

Le plus important est de faire le film que vous voulez faire et qu’il soit vu par des gens. Les prix sont des cadeaux en plus. Tout le monde rêve de la Palme d’or mais il ne faut pas être obnubilé par ça.

1. Saeed Roustaee et Javad Norouzbeigui, le producteur du film, sont condamnés à six mois de prison par un tribunal de Téhéran qui les reconnaît coupables de "contribuer à la propagande de l’opposition contre le système islamique".

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