Le Festival de Cannes perd-il en popularité? C’est, en tout cas, le ressenti de nombreux propriétaires d’Airbnb.
Léo, qui possède six appartements dans la capitale du cinéma, a remarqué que " d’année en année, les réservations se font de plus en plus tard, et que les gens restent moins longtemps. "
Plus surprenant, d’autres grands congrès, comme le Mipim, en début d’année, ou le Cannes Lions, en juin, sont devenus bien plus rentables, loués en majorité par des professionnels du monde entier. "Je fais sensiblement le même bénéfice pendant le Lions ou le MIPIM que pendant le Festival, alors que ça ne dure que cinq jours. Globalement, pendant ces deux événements, pour un même bien, les nuitées peuvent être deux à trois fois plus chères que pendant le Festival", précise-t-il. "L’emplacement joue beaucoup, au-delà de 10 minutes à pied du Palais, les prix peuvent déjà être divisés par deux. C’est forcément plus avantageux pour les pros d’être au plus proche des festivités d’autant que, la plupart du temps, ce sont leurs boîtes qui financent tout", ajoute Marvin, également propriétaire.
Cannes Lions: "Dès qu’un bien est mis en location, il part dans les heures qui suivent"
Le constat est le même au sein des agences immobilières. "Le Festival et le Lions n’ont rien à voir. Même si c’est un événement bien moins médiatisé que le tapis rouge, le Lions est bien plus convoité. Dès qu’un bien est mis en location sur cette période, il part dans les heures qui suivent, peu importe le prix. Tout est tellement plein que certains congressistes sont contraints de loger dans les environs de la ville, ce qui est rare pour les congrès, raconte Marina, agente en location saisonnière. Avant, les prix étaient sensiblement les mêmes mais maintenant, la majorité des propriétaires fait un plus gros bénéfice en juin." Charlotte, qui travaille dans une autre agence, confirme que "pour le Lions, on a tout loué, ce qui équivaut à 70 appartements et 20 villas. Pour le Festival, c’est moitié moins." Des chiffres qui peuvent s’expliquer par le fait que "les festivaliers ne restent plus du début à la fin. Maintenant, les gens attendent de voir sur les réseaux sociaux quelles stars sont présentes, ou la météo, avant de réserver. La première semaine est la plus convoitée, on avait tout réservé. Par contre, pour la deuxième, on n’a personne, tout le monde repart. Cette dimension-là n’existe pas pour le Lions, comme il s’agit d’un congrès purement professionnel", ajoute Marina.
"Le côté touristique se perd"
Laurent Chanzy, qui travaille dans la location saisonnière à Cannes depuis 17 ans, a suivi l’évolution des festivités. "Selon moi, c’est surtout le côté touristique qui se perd. Il est de plus en plus difficile de profiter pleinement du Festival, surtout sans accréditation. Les soirées organisées sont de plus en plus privées, avant c’était bien plus accessible. Je connais des gens qui, avant, posaient leurs vacances exprès pour venir au Festival. Pourtant, ils n’avaient aucun lien avec le cinéma. Maintenant, c’est vrai que c’est surtout les professionnels qui dominent", explique-t-il.
Constat similaire auprès des restaurateurs
Le secteur de la location n’est pas le seul à ressentir cette différence. La majorité des restaurants du centre-ville s’accorde sur le fait que le Festival ne fonctionne plus aussi bien qu’auparavant. "La période a moins marché que les autres années. Les clients sont au rendez-vous, mais ils consomment moins", indique Benjamin Bardon, responsable du Frensh.
"Globalement, on a moins marché pendant ce Festival que les autres années. Là, on peut dire qu’on a fait quatre jours de bon chiffre; à la base, c’est plutôt une grosse semaine. Si je devais estimer, je dirai qu’il y a 25% de clientèle en moins. Et puis, le constat se voit au-delà: dans la rue, il y a moins de monde; avant, c’était vraiment bondé et on ne pouvait pas circuler du tout", indique Mathieu Krikorian, directeur du Duke’s.
"Cette année, on fait moins de chiffre que d’habitude"
Même bilan au Mariska, rue du Suquet. "Cette année, on a fait moins de chiffre que d’habitude. J’ai l’impression qu’il y a eu moins de monde; à titre d’exemple les vacances d’été nous rapportent plus. On a discuté avec d’autres bars, les taxis et restaurants et on est unanimes sur le fait que cette année était moins bien que les autres pour l’instant", précise Karolyne Benkhatemallah, directrice de l’établissement.
Si ce n’est pas pendant le Festival que les restaurateurs font leurs plus gros bénéfices, c’est à quel moment? Là aussi, les réponses se rejoignent entre établissements: ce sont le Mipim, le Cannes Lions et le Cannes Yachting Festival qui rapportent le plus. "Ces événements-là nous rapportent plus en un laps de temps plus court mais plus dense. Ce n’est pas la même population, ils ont un portefeuille plus important, et sont là pour faire la fête, donc profiter et dépenser. Ce n’est pas forcément le cas des festivaliers", ajoute Mathieu Krikorian.
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