L'attaque meurtrière de Moscou, le vendredi 22 mars dans une salle de concert de la banlieue de la capitale, a poussé la France à se placer de nouveau en alerte maximale face à la menace d'attentats, tandis que dans nombre de pays européens, les mesures de sécurité sont déjà très élevées.
Emmanuel Macron a en effet expliqué, ce lundi, que l'entité qui a revendiqué l'attentat, EI-K, appartient au groupe "Etat islamique" et est à l'origine de "plusieurs tentatives" récentes sur le sol français. Quelle est cette branche de l'EI, basée en Afghanistan, qui a fait 137 morts ce week-end en Russie? Présentation d'un groupe jihadiste dont la force de frappe ne cesse d'inquiéter.
Qu'est-ce que l'EI-K?
Si l'EI a revendiqué l'attaque meurtrière de Moscou sans autre précision sur ses auteurs, sa branche afghane, le groupe Etat islamique au Khorasan (EI-K), est la première suspecte pour les experts du terrorisme mondial.
Le groupe mène la vie dure aux talibans et compte parmi ses membres de nombreux transfuges du mouvement au pouvoir à Kaboul. Il a plusieurs fois démontré sa volonté et sa capacité à frapper à l'extérieur du territoire afghan.
Ils ont déjà frappé à plusieurs reprises en Afghanistan
Les talibans peinaient à prendre leurs marques à Kaboul, reconquise en août 2021, qu'ils étaient déjà frappés par un attentat sanglant, signé par l'EI-K.
Une centaine de civils afghans, 13 soldats américains tués: l'attaque de l'aéroport de Kaboul fut la plus meurtrière contre les forces du Pentagone depuis 2011 en Afghanistan et l'attentat le plus sanglant contre les Etats-Unis jamais signé par l'EI.
Le chef de l'organisation recherché
Les Etats-Unis ont offert 10 millions de dollars pour toute information permettant "d'identifier ou localiser" le chef de l'EI-K, Sanaullah Ghafari, aussi connu sous le nom de Shahab al-Muhajir.
Né en 1994, "Ghafari est chargé d'approuver toutes les opérations de l'EI-K (...) et de trouver les financements pour perpétrer ces opérations", estime le département d'Etat, qui l'avait inscrit dès novembre 2021 sur la liste noire américaine des "terroristes" étrangers.
Un groupe créé tourné vers des actions à l'international
Selon Hans-Jakob Schindler, directeur de l'ONG Counter Extremism project (CEP) et ancien expert des Nations unies sur le terrorisme, l'EI-K a été créé en Afghanistan par des émissaires de l'EI venus d'Irak et de Syrie. "Ils ont des liens très étroits avec la centrale, bien plus que les autres filiales" du groupe dans le monde, assure-t-il à l'AFP, et obtiennent les fonds dont ils ont besoin.
"L'EI-K s'est imposé comme la branche de l'EI la plus tournée vers l'international. Il a produit de la propagande dans plus de langues que n'importe quelle autre filiale depuis l'apogée du califat (autoproclamé) en Irak en Syrie", ajoute Lucas Webber, cofondateur du site spécialisé Militant Wire.
"Cette vision internationale inclut une campagne ambitieuse et agressive pour renforcer ses capacités opérationnelles extérieures et frapper ses différents ennemis à l'étranger."
Dans le viseur des autorités occidentales et russes
L'EI-K est depuis longtemps dans le viseur des polices et services de renseignement occidentaux, mais aussi russes. Les autorités allemandes ont ainsi arrêté, mardi 19 mars, deux jihadistes afghans présumés, soupçonnés d'avoir préparé un attentat près du parlement suédois, dans un contexte de menace terroriste élevée dans le pays scandinave après les autodafés de Coran. L'un d'eux aurait rejoint l'EI-K depuis l'Allemagne.
Mais plusieurs réseaux avaient été démantelés auparavant en Europe, notamment un premier réseau russo-tadjik en Allemagne en 2020. D'autres avaient subi le même sort en 2022 et 2023.
Le 7 mars dernier, les autorités russes avaient affirmé avoir tué des membres présumés de l'EI-K lors d'une opération dans la région de Kalouga, au sud-ouest de Moscou, les accusant d'avoir préparé un attentat contre une synagogue de la capitale.
Pourquoi la Russie est-elle devenue une cible de choix?
La Russie est devenue une cible privilégiée de l'EI-K, qui l'a notamment critiquée pour son invasion de l'Ukraine et ses interventions militaires en Afrique et en Syrie, explique Lucas Webber.
Il rappelle l'attentat-suicide contre l'ambassade de Russie en Afghanistan en 2022 et souligne que le groupe "travaille à son expansion à travers l'Asie centrale et la Russie", avec même "un média en langue russe pour renforcer ses soutiens et inciter à la violence dans le pays".
Hans-Jakob Schindler souligne pour sa part que Moscou, préoccupée par sa guerre en Ukraine, est une cible de choix. "C'est un gros symbole", estime-t-il, notant qu'une attaque telle que celle perpétrée vendredi n'est ni très chère, ni très complexe à organiser.
"Difficile de surestimer l'importance de l'attaque de Moscou pour l'EI et ce qu'elle signifie pour son évolution", a écrit sur X Tore Hamming, du Centre international pour l'étude de la radicalisation (ICSR). L'EI "travaille depuis 2019 pour rétablir une unité institutionnelle en charge des opérations extérieures. D'abord en Turquie puis en Afghanistan avec des acteurs venus d'Asie centrale", ajoute-t-il.
"Il semble qu'ils y parviennent. Avec l'Afghanistan et l'Asie centrale comme plateforme pour frapper la Russie et l'Asie et la Turquie comme portail vers l'Europe."
Et en France? Deux projets d'attentat "déjoués" depuis janvier, Gabriel Attal annonce des "moyens exceptionnels"
Gabriel Attal a indiqué lundi que deux projets d'attentat avaient été "déjoués" depuis janvier, promettant de déployer des "moyens exceptionnels (...) partout sur le territoire" après l'attentat de Moscou. "La menace terroriste islamiste est réelle, elle est forte" et "elle n'a jamais faibli", a dit le Premier ministre lors d'une visite à la gare Saint-Lazare, à Paris, après le relèvement du dispositif Vigipirate à son niveau maximal. "4.000 militaires supplémentaires" ont été placés "en alerte", a-t-il ajouté.
Selon le parquet national antiterroriste (Pnat) à l'AFP, le premier attentat déjoué remonte au 10 janvier, avec l'interpellation d'un homme de 22 ans. Celui-ci a été mis en examen pour "association de malfaiteurs terroriste en vue de préparer des crimes d'atteinte aux personnes", et placé en détention provisoire. De source proche du dossier, il projetait de commettre une action violente contre une boîte de nuit ou à l'encontre de la communauté LGBT ou de la communauté juive.
Le second, le 5 mars, concernait un projet d'"action violente contre un édifice religieux catholique" par un homme "manifestement acquis à l'idéologie jihadiste", a-t-on indiqué de même source. Âgé de 62 ans, il a été mis en examen et placé en détention provisoire le 8 mars pour "association de malfaiteurs en vue de préparer des crimes d'atteinte aux personnes", a précisé le Pnat.
"Notre lutte contre le terrorisme ne se paye pas de mots. Elle est très concrète et notre main ne tremblera jamais face au terrorisme, jamais face à l'islamisme", a assuré Gabriel Attal, affirmant que 45 projets d'attentats avaient été déjoués depuis 2017, et que 760 étrangers radicalisés avaient été "reconduits à la frontière" depuis cette date.
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