Les obsèques de Dominique Bernard, cet enseignant poignardé par ancien élève devant son établissement d'Arras se sont tenues ce jeudi 19 octobre, en la cathédrale. Une cérémonie présidée l'évêque d'Arras Mgr Olivier Leborgne et retransmise sur grand écran sur la place des Héros devant plusieurs centaines de personnes.
Le chef de l'Etat Emmanuel Macron, son épouse Brigitte et le ministre de l'Éducation Gabriel Attal ont assisté ces obsèques au cours desquelles, la famille et les proches du professeur de lettres ont pris la parole, avec émotion.
Un homme de sciences passionnés par les lettres
Sa femme Isabelle est notamment revenu sur ses écrivains préférés, "Julien Gracq, Proust, Claude Simon", ses poètes préférés, "René Char, Baudelaire, Rimbaud", ses cinéastes préférés "Truffaut, Ford, Orson Welles, Miyazaki, Almodovar". Elle a aussi cité sa passion pour "le gothique, les cathédrales et les paysages de Provence".
Une collègue est aussi revenue sur son émotion, de ne plus le voir, sur le perron de l'établissement: "je n'oublierai jamais ta silhouette sur le perron du lycée Gambetta. Quelle ironie tragique que ce soit sur ce même perron où tu as usé tant de semelles que ta vie t’ait été ravie". "Il n'aimait pas le bruit et la fureur du monde. Il aimait profondément ses filles, sa mère et sa sœur. Nous nous aimions", a également dit sa sœur, Emmanuelle, la gorge serrée.
"Il était doué en tout, c'était difficile pour moi de suivre ses traces. Il avait une immense sensibilité et était un grand intello. Il avait un bac S, il était scientifique, mais c'était la littérature qui l'intéressait", avait témoigné auprès du journal La Vie, Emmanuelle, de cinq ans sa cadette.
Au cours de la cérémonie, Mgr Leborgne a appelé à écarter toute volonté de vengeance : "la haine qui répond à la haine, la violence à la violence, ce n'est toujours que plus de haine et de violence. Un constat jamais démenti".
Un enseignant "passionné" de littérature et "apprécié de ses élèves et de ses collègues": tel était donc Dominique Bernard ont raconté certains de ses proches, ceux qui ont connu ce professeur de français devenu le nouveau symbole des attentats contre l'école après Samuel Paty. En fin de cérémonie, sa famille a tenu à remercier les personnes de leur soutien: "nous nous sentons soutenus par cet élan d'humanité. Merci".
"Un homme d'une profonde bonté illuminée"
Originaire d'Arras, père de trois filles, cet agrégé de Lettres modernes, dont la photo, visage pâle et lunettes fines, est désormais largement connue dans le pays, avait suivi ses études de Lettres à Lille. "C'était quelqu'un de brillant, intelligent, cultivé, toujours à l'écoute", décrit à l'AFP Paule Orsini, son ex-collègue au collège-lycée Gambetta d'Arras, où elle a enseigné la philosophie de 1987 à 2011. "Il était respectueux, un peu secret, très délicat", a témoigné à l'AFP Nathalie Raoul, qui a fait du théâtre avec lui pendant plusieurs années dans une compagnie cofondée par le professeur assassiné, en parallèle de leurs études à Lille.
Elle se souvient d'un étudiant "très intelligent, pas du tout dans les modes, les courants, une personnalité bien particulière", qui montrait "beaucoup de discrétion et de singularité". Il était le neveu du journaliste du Monde Henri Tincq, spécialiste des religions, et issu d'une famille "d'un catholicisme éclairé".
"Il avait un rapport très profond mais très discret à la religion", se rappelle Mme Raoul. "C'est quand même terrifiant que ce soit cet homme si bon, d'une profonde bonté illuminée peut-être par sa croyance, qui soit tué par l'arme d'un fou de Dieu".
L'enseignant, mort à 57 ans, a été nommé au grade de chevalier de la Légion d'honneur par la présidence de la République. "Il a sans doute sauvé lui-même beaucoup de vies", avait dit de lui le chef de l'Etat. Pour son ami de jeunesse Bruno Lecat, il "a payé son engagement de sa vie". "Après Samuel Paty, c'est terrible".
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