Inondations meurtrières en Espagne: et, soudain, une armée de volontaires s’est levée

Ils sont sortis de partout vendredi matin dans les rues de Valence. Deux, puis dix, puis cent, puis des milliers formant des colonnes ininterrompues. Des jeunes, en short, leggings, baskets, bottes. Une armée de volontaires. Une armée énergique, souriante, dotée de balais, pelles, serpillières, bidons d’eau à la main, et qui a convergé vers les zones sinistrées.

Sur les ponts, dans les rues, le long des voies rapides, ils sont des milliers à avoir spontanément décidé de se rendre dans les communes affectées, à pied. Une mobilisation éclair, souvent via l’application Telegram ou des boucles WhatsApp. Le spectacle était à proprement parler saisissant. Toute la matinée, les ponts qui enjambent la rivière Turia ont été parcourus par une foule ininterrompue de jeunes et de moins jeunes qui n’avaient qu’une idée en tête: aider leur prochain.

"Nous allons à Paiporta, c’est un village qui a été vraiment affecté, il y a plus de cinquante morts là-bas. Nous n’avons que deux ou trois kilomètres pour y aller, nous amenons de l’eau", témoigne Gary Nylund, 30 ans. Même chose pour Ana, une étudiante de 22 ans: "Il n’était pas question pour moi de regarder ce drame à la télé. J’ai appelé ma copine, on est allés acheter des pelles, deux seaux, on a mis de l’eau et de la nourriture dans nos sacs à dos pour offrir aux rescapés, et vamos!"

Miguel, pour sa part, estime que les autorités ne font pas le nécessaire: "Seul le peuple sauve le peuple", lance-t-il en espagnol ("Solo el pueblo salva al pueblo") avant de reprendre sa marche au cœur de la foule.

Les autorités prises de court

Les autorités, qui n’avaient pas anticipé une telle mobilisation, ont été prises de court face à l’ampleur de l’élan de solidarité. Elles ont remercié les bénévoles, mais les ont incités à ne pas se rendre dans les zones les plus impactées, au risque de désorganiser l’accès des secours. C’est ce qui s’est produit. Cet afflux massif a provoqué des embouteillages monstres, obligeant les autorités à boucler des avenues et des rues pour permettre aux ambulances, aux véhicules funéraires et aux pompiers et militaires de passer. Mais, là aussi, les habitants de Valence ont su s’organiser par eux-mêmes. Au milieu des avenues complètement engluées par les embouteillages, les automobilistes ont créé d’eux-mêmes une voie de passage pour les véhicules de secours.

Pour autant, le président de la "Generalitat Valenciana", Carlos Mazon, et le ministre de l’Intérieur, Fernando Grande-Marlaska, ont mis ce vendredi après-midi le holà à cette mobilisation. "Il est impératif qu’ils restent chez eux", ont-ils lancé. Carlos Mazon a ainsi affirmé que ces milliers de volontaires qui viennent avec la "meilleure volonté" du monde, participent à l’effondrement de routes déjà fragilisées. Des voies devenues vitales pour acheminer les services d’urgence. Il a indiqué ne pas exclure d’adopter des mesures restrictives ce week-end afin d’empêcher les voitures et les piétons de rejoindre les zones sinistrées.

Quoi qu’il en soit, cet élan populaire magnifique a redonné du baume au cœur des sinistrés dans les villages concernés, comme nous avons pu le constater à La Torre ou à Paiporta vendredi matin.