La tension entre les autorités françaises et la plateforme Kick, où a été diffusé en direct le décès de Jean Pormanove, est montée d'un cran vendredi 22 août après la décision de l'entreprise australienne de lever le blocage de la chaîne de ce streamer.
Après l'ouverture d'une enquête par la justice sur les causes de la mort de Raphaël Graven, dit Jean Pormanove, survenue lundi 18 août 2025 après des jours de vidéo live le montrant violenté et humilié par deux autres streamers, Kick avait annoncé mercredi 20 août avoir banni tous les individus impliqués, le temps des investigations.
La plateforme, créée en 2022 et dont le siège est situé à Melbourne, s'était aussi engagée jeudi auprès du régulateur français du numérique, l'Arcom, à revoir l'ensemble de ses règles de modération et de supervision des contenus.
Kick avait assuré coopérer pleinement avec les régulateurs européens afin de se conformer à la directive sur les services numériques (DSA), qui impose aux plateformes et hébergeurs d'agir lorsque leur sont signalés des contenus potentiellement illicites.
Dans un revirement total, elle a toutefois décidé de lever le blocage de la chaîne de Jean Pormanove, une mesure fermement condamnée par l'Arcom vendredi.
"Violences insoutenables"
La chaîne "jeanpormanove" avait diffusé, pendant plusieurs mois avant le décès de M. Graven, "des images montrant des scènes de violences insoutenables subies par celui-ci", a rappelé le gendarme français du numérique dans un communiqué.
Kick a expliqué à l'Arcom qu'il s'agissait du "seul moyen de répondre aux demandes du régulateur et de l'ensemble des parties prenantes (ministères et Office anti-cybercriminalité OFAC), qui ont exprimé le souhait d'accéder aux contenus" de cette chaîne. Et ce, "afin de mettre au jour d'éventuels manquements commis par la plateforme dans la modération de ses contenus", a précisé l'Arcom.
La mise à la disposition des autorités de ces enregistrements ne peut justifier la levée du blocage pour l'ensemble du public, a cependant fustigé le régulateur, qui a appelé Kick à rétablir la suspension dans les plus brefs délais.
L'Arcom "examinera toutes les possibilités d'action dans le cas contraire", a-t-elle déclaré.
Réputée pour ses règles de modération plus relâchées, Kick a été fondée par deux milliardaires, l'Australien Ed Craven et l'Américain Bijan Tehrani, qui ont fait fortune dans les paris en ligne en cryptomonnaies.
Elle est rapidement devenue le refuge d'influenceurs controversés et de streamers bannis de son concurrent Twitch.
Sur la chaîne "jeanpormanove" suivie par près de 200.000 personnes, Raphaël Graven, 46 ans, se faisait régulièrement insulter, frapper ou encore tirer dessus sans protection avec des projectiles de paintball aux côtés d'un autre homme, surnommé Coudoux, visiblement handicapé.
"75 personnes" pour assurer la modération
Kick ne dispose que de 75 personnes assurant la modération, dont aucune ne parle français, a assuré vendredi sur franceinfo la ministre déléguée chargée du Numérique, Clara Chappaz, disant avoir échangé avec des responsables de la plateforme.
"On est face à des gens à l'autre bout du monde, en visio, en tee-shirt, avachis, qui ne prennent absolument pas la mesure de ce qui est en train de se passer et qui n'ont aucune réponse", a-t-elle poursuivi.
Selon les premiers résultats de l'autopsie rendus publics jeudi, le décès de Jean Pormanove "n'a pas une origine traumatique et n'est pas en lien avec l'intervention d'un tiers", a indiqué le procureur de la République de Nice.
"Les causes probables du décès apparaissent donc d'origine médicale et/ou toxicologique", a-t-il ajouté, précisant que "des analyses complémentaires, toxicologiques et anatomopathologiques, ont été ordonnées pour préciser ces causes".
L'enquête de la PJ de Nice, ouverte pour "recherche des causes de la mort", s'inscrit en parallèle d'autres investigations lancées en décembre 2024 après un article de Mediapart sur de précédentes vidéos faisant apparaître des scènes de violences ou d'humiliations sur la chaîne de Jean Pormanove.
Lors de leurs auditions, ce dernier et Coudoux "contestaient fermement être victimes de violences, indiquant que les faits s'inscrivaient dans des mises en scène visant à "faire le buzz" pour gagner de l'argent", avait rapporté cette semaine le procureur.
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