Pourquoi les apéros et soirées entre mamans cartonnent et séduisent de plus en plus les mères de famille
Les "apéros des mamans" et autres "maman va danser" ont la cote. Et justement sur la Côte, ces événements se multiplient. À l’occasion de la Fête des mères, nous nous sommes penchés sur le phénomène.
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Virginie Rabisse - vrabisse@varmatin.comPublié le 25/05/2025 à 12:00, mis à jour le 25/05/2025 à 12:00
Commencer la soirée tôt pour ne pas rentrer trop tard, c’est le concept de ces soirées entre maman qui lâchent la pression à des horaires adaptés à leurs vies de famille et professionnelles.Photo DR/Maman sur la côte
Les colliers de nouilles et autres coupelles en pâte à sel, c’est chouette. Mais si pour la Fête des mères, c’était justement maman qui faisait la fête? Pas forcément ce dimanche, où se rassembler en famille reste la norme, mais plutôt un soir de semaine ou de veille de week-end. Comme ce vendredi 23 mai, où une trentaine de femmes se sont retrouvées sur le roof top de Cap 3.000 à Saint-Laurent-du-Var, pour boire un verre, danser. Et relâcher la pression.
Pour organiser cet "apéro des mamans", Prescilla Cizeron s’est inspirée du phénomène "Mama Geht Tanzen", l’allemand pour "Maman va danser": des soirées festives, loin de la maison, des enfants et de ces messieurs, qui commencent tôt pour ne pas finir trop tard. Un concept qui cartonne et dont les déclinaisons se multiplient désormais partout en France.
"On a beaucoup dansé et beaucoup chanté"
"Les mères ont un vrai besoin de lâcher prise, de sortir de leur quotidien", assure la créatrice maralpine de Maman sur la côte, la communauté qui compte plus de quinze mille personnes. Elle ne voulait cependant pas juste dupliquer le concept. Elle y a ajouté une thématique: "Révèle ton mama power." Entre un coach et un DJ, les fêtardes couche-tôt ont pu, le temps d’une soirée, booster leur confiance, tout en oubliant leur charge mentale un verre à la main.
La communauté de Prescilla Cizeron, alias Maman sur la côte, rassemble quelque quinze mille personnes. Photos DR/Maman sur la côtePhoto DR/Maman sur la côte.
"On a beaucoup dansé et beaucoup chanté", s’enthousiasme Bérengère, 38 ans, mère de deux filles de 7 et 12 ans. Le 7 mai dernier, cette Six-Fournaise participait au premier "Maman va danser" proposé par le Cabaret Gabrielle, à Toulon. "Cette soirée, c’était exactement ce qu’on recherchait avec mes copines: il y avait une très bonne énergie, on s’est amusées avec des personnes qu’on ne connaissait pas du tout."
Aurélie Ganne, la patronne du cabaret dite Lily, avait "cette idée en tête depuis un moment", parce que dans son établissement, assure la Varoise, "les femmes se sentent bien".
Alors, "comme je suis toujours à la recherche de nouveautés pour le cabaret et voyant que ça fonctionnait dans des grandes villes, je me suis lancée". Et elle a bien fait: ce soir-là, une soixantaine de femmes répondent à l’invitation et "se libèrent le cerveau, dans une belle ambiance, tout en se sentant safe". "Elles ne voulaient plus partir!", se réjouit Lily, qui leur donne déjà rendez-vous le dimanche 8 juin, veille de Pentecôte, pour la prochaine édition.
Besoin de nouveaux cercles
"Lors du premier “apéro des mamans" le 25 avril, ajoute en écho Prescilla, on a toutes fini en dansant!" Mais ce qu’a surtout noté la jeune femme, c’est que cette fois-là, les participantes sont toutes venues seules. Un constat qui étaye sa conviction: "Quand j’étais enceinte, je me suis rendu compte que je perdais le lien avec mes amies. Après avoir organisé une balade entre mamans, j’ai compris qu’il y avait une envie de sortie, de rencontrer du monde, de se faire de nouvelles amies qui aient les mêmes objectifs."
"Savoir qu’on est toutes dans la même optique, ça déculpabilise d’avoir besoin de ce type de moment loin du quotidien", confirme Bérengère. Puis elle ajoute: "Si tant est qu’il faille culpabiliser."
L’avis du sociologue: "Penser à autre chose que comment bien s’occuper des enfants"
Gérard Neyrand est sociologue, responsable du centre interdisciplinaire méditerranéen d’étude et de recherches en sciences sociales. Auteur de Critique de la pensée positive: heureux à tout prix?, paru aux éditions Érès en septembre dernier, il y évoque notamment le poids de l’éducation et de la parentalité.
Comment est-on arrivé à ce besoin de temps pour soi, de lâcher prise de la part des mères?
Ça s’inscrit dans un mouvement qui ne date pas d’hier. D’abord, dans l’après-guerre, on a pris conscience de l’importance de la prime enfance. Ça s’est accentué dans les années 1970, avec une critique d’une éducation jugée trop stricte et répressive. Puis à la fin des années 1990, on a vu la montée de la pensée positive, qui insistait sur la bienveillance à l’égard des enfants.
Évidemment, il n’est pas question de critiquer ça, mais ce discours d’éducation et de parentalité positives a provoqué des dérives. Elles ont conduit, d’une part, à produire des enfants insécurisés et, d’autre part, des mères surresponsabilisées, épuisées à force de vouloir suivre ce nouveau modèle. Des chercheuses belges (de l’Université catholique de Louvain, Ndlr) ont ainsi montré que le taux de burn-out maternel était aujourd’hui de près de 10%, contre 1% en 2000.
Apparaît alors ce besoin de prendre de la distance par rapport à cette intention d’être une bonne maman, de se retrouver entre elles pour penser à autre chose, discuter d’autre chose que comment bien s’occuper de son enfant. Un discours extrêmement normatif, dont les mères commencent à être un peu saturées.
Mais pourquoi ne pas simplement sortir? Pourquoi se retrouver entre femmes, entre mères?
Parce que finalement, quand il n’y a pas d’hommes, ça soulage aussi d’une certaine manière: on n’a pas l’impression d’être jugé par ceux qui sont, encore aujourd’hui, censés être représentants, traditionnellement, de l’ordre social. En effet, la pesanteur du système antérieur se fait toujours sentir. On est dans un processus d’égalisation, mais qui est loin d’être arrivé à son terme.
Séjours "adults only", apéro entre maman… N’y a-t-il pas un risque de voir apparaître une société d’entre-soi, où se rassembler entre personnes qui se ressemblent devient la norme?
Oui d’une certaine façon, c’est vrai. On voit qu’on entre dans une société qui a tendance à fonctionner sur cet entre-soi qui renvoie à une individualisation des personnes et à une crise du collectif. On peut en faire le constat en analysant les sites de rencontre: le premier d’entre eux, Meetic créé en 2001, permettait de brasser des populations très différentes. Puis, on a vu apparaître des sites ciblés sur des catégories de personnes identiques sur la base d’un critère. Ça renvoie à une individualisation des personnes et à une crise du collectif.
Mais l’entre-soi a pu aussi répondre à des visées militantes, par exemple dans les mouvements féministes. Parce qu’il y a parfois un besoin de se construire une identité à l’écart des modèles masculins ou des modèles sociodominants.
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