Quel est votre état d’esprit, aujourd'hui?
Je suis très préoccupé. Qui sera le 3e prof tué? Parce qu’il y en aura d’autres. Ça serait naïf de penser le contraire. Il y a une centaine d'individus qui ont le même profil que l’auteur de l’attentat à Arras. Ce qui est le plus difficile à prévoir, c’est leur passage à l’acte. La radicalisation s’ajoute bien souvent à des troubles liés à des situations post-traumatiques. Nous sommes dans une zone d’ombre. Mais on n’abattra pas la laïcité en tuant les professeurs d’histoire.
Craignez-vous qu’un tel attentat se produise dans le Var?
Je crois que ça peut se reproduire n’importe où sur le territoire national. On a tous ça en tête depuis la mort de Samuel Paty, il y a trois ans. Tous les jours j’y pense. Dès qu’on parle de laïcité, ça devient très difficile d’être enseignant d’histoire dans la République d’aujourd’hui. D’autant plus avec le conflit israélo-palestinien. Que la France accueille la plus grande communauté musulmane et juive d’Europe, c’est devenu à la fois une richesse et une fragilité. On peut aussi regretter que ça se resserre de plus en plus sur l’islam, alors qu’on parle d’une petite minorité obscurantiste, endoctrinée.
Concrètement, comment ça se traduit en classe?
Par les questions des élèves. Ils peuvent comprendre ce qu’est un acte terroriste quand on s’attaque à des civils. Mais ils ne comprennent pas pourquoi le droit d’international s’applique aux uns et pas à Israël avec les colonies. Il y a aussi ceux qui sont très endoctrinés à la maison, via les chaînes satellitaires ou un discours familial antisémite. Certains n’aiment pas les juifs alors qu’ils n’en connaissent aucun et ne font pas la différence entre le conflit israélo-palestinien et le reste. Ça reste une minorité. Comme pour l’homophobie.
Peut-on parler de minorité perdue?
Non. Avec l’âge et la confrontation au monde réel, ils finissent par comprendre l’enjeu du bien-fondé de ce qu’on leur enseigne, basé sur le respect des libertés, l’égalité, la solidarité. La laïcité, ce n’est pas contraire à la religion. Mais la religion, c’est à l’église, à la mosquée ou à la maison.
Quelles mesures pour améliorer la situation?
Un meilleur contrôle de nos établissements et un discours fort de nos valeurs. Pas uniquement des bougies et quelques commémorations. On devrait également être informé par les Renseignements généraux si des parents d’élèves sont fichés S. Pour ne pas les recevoir seul, pour prendre davantage de précautions face à un potentiel danger. Aujourd’hui, on a aucun moyen de le savoir.
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