Chantal Montellier, dessinatrice "trop belle, trop forte, trop rouge", remise en avant à la Villa Arson à Nice

Jusqu’au 25 août, ses planches occuperont tout l’espace de la Galerie Carrée, à la Villa Arson, à Nice-Nord, pour une exposition baptisé "Qui a peur de Chantal Montellier".

Le trio qui assure le commissariat, Vanina Géré, Rosa Brux, Frédéric Wecker, se demande si la scénariste et dessinatrice, également peintre et romancière, n’était pas "trop intelligente", "trop belle", "trop forte", mais aussi "trop rouge" pour ne pas susciter un mélange "de fascination et de crainte", qui aurait fait passer son œuvre au second plan.

Entreprise de réhabilitation

La Villa Arson a choisi de mettre en lumière le travail de Chantal Montellier, aujourd’hui âgée de 76 ans, en se concentrant sur sa période la plus prolifique, de la fin des années 1970 au milieu des années 1990. Sortis par Les Humanoïdes Associés, Futuropolis ou encore Casterman, les albums de sa trilogie "Social Fiction" ("1996", "Shelter", "Wonder City"), mais aussi "Andy Gang", "Le Tueur de la Marne" ou "Joyeux Noël pour Andy Gang" n’ont pas été réédités par la suite. Et comme Chantal Montellier est loin d’avoir fait partie de l’establishment du neuvième art, ses créations n’ont pas eu l’occasion de se transmettre d’une génération à l’autre.

En présentant de larges extraits dans un contexte épuré (un mur quadrillé à une extrémité de la salle, un autre rouge vif de l’autre), la Villa Arson entend leur offrir un nouveau regard.

"Dans une période qui a vu la bande dessinée se répandre ainsi au-delà des rayons jeunesse des kiosques et des librairies, l’œuvre de Montellier s’impose rétrospectivement comme l’une des plus authentiquement adulte que la bande dessinée européenne d’auteurs et d’autrices ait produites", estiment les commisaires de l’expo.

Regard social et censure

Femmes fortes et singulières, plongées dans des mondes à la frontière du réel et de la dystopie, les héroïnes de Montellier s’aventuraient dans le champ politique, offrant à leur créatrice les outils pour poser son regard cru et sans concession sur la société de consommation, les rapports de classes et différentes formes de violences inhérentes au patriarcat.

En déambulant dans les allées, on retrouve également la trace de la brève existence du magazine "Ah! Nana" (octobre 1976-septembre 1978). Entièrement réalisé par des femmes, le périodique affichait des ventes modestes, en partie expliquées par sa radicalité. Un coup fatal lui sera porté par la Commission de surveillance et de contrôle des publications destinées à l’enfance et à l’adolescence, qui interdira la revue aux mineurs. En cause, un dossier sur l’homosexualité et un autre sur l’inceste considérés comme pornographiques. Une censure considérée par l’équipe de "Ah! Nana" comme un énième symbole de domination masculine.

 

"Qui a peur de Chantal Montellier". Villa Arson, à Nice. Entrée libre, tous les jours sauf mardi, de 14h à 18h. Rens. villa-arson.fr.