"Quand ça me fatigue, je vais dans ma campagne avec mes chiens, et j’emmerde tout le monde!": quand Alain Delon se confiait à Nice-Matin en 2019

ARCHIVES. Le 19 mai 2019, la star recevait une Palme d’or d’honneur pour l’ensemble de sa carrière, avec la projection de M. Klein. Il nous avait reçu en exclusivité pour une interview vérité.

Alexandre Carini Publié le 18/08/2024 à 12:39, mis à jour le 19/08/2024 à 14:53
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ARCHIVES. Le 19 mai 2019, la star recevait une Palme d’or d’honneur pour l’ensemble de sa carrière, avec la projection de M. Klein. Il nous avait reçu en exclusivité pour une interview vérité. Photo Sébastien Botella

Son bureau parisien, niché dans un beau quartier de la capitale, est une sorte de musée personnel. Tant intime que pro- fessionnel. Un sanctuaire inviolé. L’antre d’un monstre sacré. Alain Delon... Sur le parquet, sur les murs, partout, des por- traits, des ouvrages, et même ses chapeaux, portés dans Le Lion, Le Samouraï, ou Borsalino. Symboliques accessoires, d’une carrière essentielle à l’histoire du 7e art. Notre histoire...

On patiente un peu devant un bureau-secrétaire, et puis la voix du fauve rugit. "Salut Alex!..." Delon fait son apparition, et la magie agit, comme sur scène ou à l’écran. Toujours sûr de son effet, même s’il n’est pas en représentation. Le charisme encore évident, à 83 ans.

Regard bleu qui transperce, poignée de main ferme. Alain Delon est un instinctif. Il sent (ou pas) les gens. Quelques secondes pour jauger. Parfois une certaine défiance, mais pas d’arrogance. Juste une question de confiance... Qui parle parfois de lui à la troisième personne, avec franchise, sans fausse modestie. Sans concession non plus. Avec des accents à la Audiard, témoins d’une autre
époque. Lui qui a vécu à Nice, et fait la gloire des studios de la Victorine, nous tend un fascicule de la Ville, qui le convie à la fête des Mai.

Décline poliment l’invitation. "Vous connaissez mon attachement à cette ville, mais vous direz à Christian Estrosi que je serai à Cannes..."

S'il y a bien une chose dont je suis fier, c'est ma carrière

Un tapis rouge qui sied sans doute davantage à son aura, à l’heure de recevoir une Palme d’or d’honneur pour l’ensemble de son œuvre, le 19 mai prochain. Une cérémonie qui scelle définitivement sa grande réconciliation (déjà entamée depuis quelques années) avec le Festival. "Rien ne me fait plus plaisir que cette Palme d’honneur, car s’il y a bien une chose dont je peux vraiment être fier dans ma vie, c’est ma carrière, même si j’ai arrêté le cinéma depuis quelque temps. J’ai fait une carrière impensable, d’une autre époque, d’un autre temps... J’ai tourné avec tous ces auteurs qui m’ont tant donné, Melville, Clément, Visconti, Antonioni... Alors à Cannes, je ne me cacherai pas, je serai très heureux, et très fier!", clame-t-il.

Un homme honoré sur les marches du Palais.

Qui recevra de l’or en palme, à quelques encablures à peine du Palm Beach, où son « casse du siècle » fit un jackpot au box-office en 1963. Avec Gabin, une partition virtuose pour une drôle de Mélodie en sous-sol.
"Ce fut un tournage fabuleux! Je me souviens de cette piscine à la fin, avec les billets qui remontent... C’est une page de ma vie. La seule fois que j’ai tourné à Cannes, je crois. Avec Gabin!"

La Croisette, que son ami Jean-Claude Brialy lui fit découvrir en 1956. Sans se douter (ou peut-être que si), que ce jeune diable à gueule d’ange volerait tout de suite la vedette. À lui comme à tous. "Lors de cette première fois à Cannes, tout le monde se demandait d’où je venais, et un Américain a voulu que je fasse des essais avec Rock Hudson, raconte Alain, en mémoire de ses premiers gestes devant une caméra. Aujourd’hui, il n’en reste que trois de notre bande des cinq: Trintignant, Jean-Paul [Belmondo, Ndlr] et moi. Jean-Pierre Cassel et Brialy sont déjà partis..."

Le caractère sauvage est toujours là, la beauté, faut pas charrier...

Delon nous guide dans son salon. Parmi tous ces objets, toutes ces images, qui en disent tant sur lui, l’acteur aux 135 millions de spectateurs en salles et innombrables fans à travers le monde. Héros de polars, comme acteur "égérique" des plus grands auteurs.

Sur un fauteuil de velours rouge, la publicité pour Eau sauvage, de Dior. Brun sur fond marin, Delon, encore lui. Trentenaire barbu, viril, à l’insolente pureté du trait. La beauté incarnée dans un parfum. La photo date de 1966. Année de création de la fragrance, et de réalisation du film La Piscine, l’un de ses plus gros succès. Alors qu’importe le flacon, pourvu qu’on ait l’ivresse d’une jeunesse bronzée à Saint-Tropez. "J’avais vraiment cette gueule-là à ce moment-là, commente l’icône vivante, face à ce double
intemporel. Le caractère sauvage est toujours là, mais la beauté, ce n’est quand même plus la même, faut pas charrier... »

Et pourtant. L’essence ne s’est toujours pas évaporée (une nouvelle campagne est même prévue en juin, toujours à son image), et le modèle porte toujours beau. Alain Delon par Alain Delon... Mais pas seulement. Il y a aussi ces souvenirs, couleur ou noir et blanc, de ses enfants. La famille Delon, si proche et parfois si loin... Car le "clan Delon", ce n’est quand même pas Le Clan des Siciliens. Même si Alain aurait sans doute aimé jouer davantage au patriarche italien, comme Gabin.

"La famille Delon vit un peu sans moi maintenant. Anthony a désormais 55 ans, c’est pas tout à fait un gamin. Il m’a donné deux petites-filles que j’adore, dont l’une a 23 ans et va bientôt me faire arrière-grand-père. Les autres, Anouchka et Alain-Fabien, sont d’une autre génération. J’ai une fille extra, j’aurais aimé nouer des liens plus forts avec mes fils, mais c’est une filiation compliquée, car ils ont choisi le même métier que leur père. Anthony, le premier, a beaucoup souffert qu’on dise: 'Ah, c’est le fils d’Alain Delon!'"

Peut-être seront-ils tous là à Cannes, car le cœur parle encore, malgré les coups de sang. « Il y a de l’amour entre nous, bien sûr. Il y a eu des maladresses, parce que ce n’est jamais facile d’être le fils d’Alain Delon, mais ce n’est pas facile non plus d’être le père du fils d’Alain Delon! Et puis ils ne sont pas fils de charcutier, avec tout le respect que je dois à ce métier, alors ils n’ont pas trop à se plaindre..."

"Cinquante ans, c’est exactement l’âge que je voudrais retrouver"

Parmi les cadres suspendus, ces clichés de Joseph Losey, qui l’a fait tourner dans M. Klein, de Visconti qui a fait rugir Le Guépard, ou de René Clément, qui l’a fait passer de l’ombre au Plein soleil. Lui, dont l’immense succès populaire tint souvent d’une Flic Story au cinéma, alors qu’il aurait pu virer bandit. "Après l’armée, j’étais un jeune voyou, et sans le cinéma, c’est sûr, je n’aurais pas vécu longtemps, soupire-t-il. Le cinéma m’a donné une vie, et m’a sauvé de la mort..."

Et puis, les femmes de sa vie. Surtout Mireille et Romy... "Elle est belle, putain!", s’exclame-t-il devant une Mireille d’Arc en mode sirène, sur une plage. Amoureux éternel, dont tous ces fantômes hantent sans doute ses nuits. On prend place sur le canapé, afin de poursuivre l’interview. Le géant grimace légèrement. La faute, sans doute, à des genoux un peu récalcitrants. Toujours dur au mal, le Samouraï. Mais aussi conscient du poids des ans. "Cinquante ans, c’est exactement l’âge que je voudrais retrouver, nous confie-t-il. Putain, qu’est-ce que le temps fout le camp!"

S’il annonce son retour au théâtre, et ne ferme pas (définitivement) la porte au 7e art, on sait que l’acteur se fera de plus en plus rare. Alors on l’écoute, attentivement. Parce qu’un entretien avec Alain Delon, ce sont plus que jamais de très précieux instants...

Alain Delon et le Festival: l’écrin d’une star absolue

Cette palme d’honneur du Festival, c’est l’épilogue d’une longue histoire?

En tout cas, ce n’est pas un truc illégitime, car j’ai fait une carrière impensable. J’ai commencé en 1957, j’ai tourné avec des gens incroyables qui m’ont tout donné: Visconti, Melville, Clément, Losey... Je leur dois tout, moi je ne suis qu’un interprète. Ce sont eux qui m’ont fait, qui m’ont créé. Ces gens-là me manquent tant...

En 2007, vous êtes venu au 60e Festival en arborant un badge "Star" sur votre veste. C’est sur le tapis rouge de Cannes que ce statut prend tout son sens?

Moi, je me sens star partout, je dirais. En France c’est spécial, bien sûr, mais aussi en Chine, au Japon, partout dans le monde. Cannes, c’est particulier, parce que c’est vrai qu’on sait pourquoi on est là. Comme je ne suis pas tout à fait con, si j’étais pas ce que je suis, ce que j’ai fait, si j’étais simplement un faire-valoir, je serais mal à l’aise. Mais là, je sais que c’est Delon qui défile, c’est pas de la rigolade... Mardi, ce sera très beau avec la projection de Monsieur Klein, et puis deux-trois mots sur scène, avec la remise de la palme.

Votre plus belle consécration au Festival, c’est la montée des marches au bras de votre fille Anouchka, en 2010?

Monter les marches avec sa fille, c’est exactement comme jouer avec elle sur scène [pour la pièce Une journée ordinaire, Ndlr], c’est fabuleux! Moi, je n’ai jamais fait de tournée de ma vie. Tout le monde me le demandait, même avec Mireille je n’en ai pas fait, et la seule que j’ai acceptée, c’est avec Anouchka. Parce que ça n’a pas de nom, ça n’a pas de mots. Tous les soirs, je la regardais jouer, je lui balançais la réplique, et quand elle me répondait, je me disais: "C’est ma fille, c’est pas possible, c’est elle!"

Ce sentiment-là, c’est valable pour n’importe quel père, même si c’est pas Alain Delon. Sa fille, c’est autre chose que sa gon- zesse... ou son mec, ça arrive aussi. Mais sa fille... Moi, je n’en ai qu’une!

Petit clin d’œil, Anouchka est en couple avec un Cannois, le comédien Julien Dereims?

Eh oui, je l’aime beaucoup. C’est un Cannois spécial: il se drogue pas, il ne fume pas, il ne boit pas! (rires) Et il joue bien! Non, il est formidable... Mon angoisse, c’était qu’Anouchka tombe sur un mec qui... (il ne finit pas sa phrase). Ils étaient au Cours Simon ensemble, c’est pas récent. Julien est super, j’en suis très heureux, c’est un soulagement dans ma vie.

Avec le Festival, votre relation a été parfois tumultueuse, néanmoins?

J’y suis allé plusieurs fois pour des films, notamment avec Godard pour Nouvelle vague, la soirée consacrée au Guépard avec Clau-
dia (Cardinale)... Puis, on a eu une petite phase de rupture avec Cannes, Belmondo et moi [non invités aux célébrations du 50e anniversaire du Festival, les deux stars avaient décidé de boycotter le tapis rouge à l’avenir, mais tous deux sont revenus sur cette décision depuis, Ndlr], on avait même fait la couverture de Match pour ça. Mais tout ça, c’est oublié... La première fois que je suis venu à Cannes pour un film [Quelle joie de vivre, de René Clément, Ndlr], c’était en 1961, merde! Vous étiez jeune, vous...

La dernière fois, c’était pour la projection de la copie restaurée de Plein soleil en 2013. Un titre parfait pour cette chaleureuse soirée cannoise?

Ah, c’était extraordinaire. Parce que c’est peut-être le film préféré de ma vie, Plein soleil. Avec ce film, j’ai été connu dans le monde entier. Deux ans après mon début de carrière, je suis devenu une star mondiale !Il faut dire que le film est formidable. Et mon maître, sans que ce soit péjoratif pour les autres, c’est René Clément, le premier qui m’a tout appris, et dirigé comme personne. C’est après avoir vu Plein soleil que Visconti a appelé notre agent pour lui dire: c’est l’acteur que je veux pour faire Rocco!

Avant notre rendez-vous, vous m’avez gentiment dit: "J’adore Nice-Matin"! Au-delà du Festival, il y a votre attachement éternel à la Côte d’Azur?

Oui. J’ai quand même été propriétaire d’un bistrot à Nice [La Camargue, dans la vieille ville, Ndlr]. Dans les années 1960, j’ai habité là, j’étais souvent présent dans ce bar-restaurant, c’était chez moi. Moi, mes origines sont corses de toute façon, je suis un Méridional, et je me sens un homme du Sud. La Méditerranée, c’est chez moi, plus que jamais d’ailleurs, parce que Paris me fait chier, surtout en ce moment: quel bordel!

Le 19 mai 2019, la star recevait une Palme d’or d’honneur pour l’ensemble de sa carrière, avec la projection de M. Klein. Photo Patrice Lapoirie.

Alain Delon au cinéma: et pourquoi pas?

Un César, une Palme d’or d’honneur, mais une carrière, ça se juge à quoi?

Ça se juge à sa réussite, c’est pas compliqué! Et ça ne s’explique pas. Delon, il a réussi ou pas ? Pourquoi ? Je ne veux pas trop le dire, mais il y a sans doute une part de talent, sinon y a longtemps qu’on m’aurait arrêté pour faire autre chose, mais je sais que je serais mort, parce qu’avec la vie que je menais...

Quand je suis revenu de l’armée, j’avais à peine 21 ans, je savais pas ce que j’allais foutre. Et puis à 22 ans, j’ai fait
mon premier film grâce à Brigitte Aubert. C’était avec Edwige Feuillère qui est devenue ma marraine, et Bernard Blier mon parrain de cinéma. J’avais refusé de le faire, ils se sont battus pour que ce soit moi. Je leur disais: "Ne me demandez pas de faire du cinéma, c’est pas mon truc, je ne sais pas faire ça."

Alors avant de commencer, Marc Allégret m’a dit un truc, qui m’a marqué pour la vie (il prend sa respiration, et clame cette phrase avec naturel, mais avec l’intensité d’une scène): "Écoute Alain... Regarde, comme tu regardes... Bouge, comme tu bouges, parle comme tu parles, écoute comme tu écoutes... Sois toi, vis, ne joue pas!" De toute ma vie, je n’ai jamais joué. J’ai vécu tout le temps... 

Un Quentin Tarantino n’a pas caché son admiration pour l’acteur Delon...

Il voulait tourner avec moi, je lui ai dit: "Quand vous voulez!" Y a aussi Johnnie To, il paraît. Et quelques autres... Mais il faut dire une chose: j’ai arrêté le cinéma, parce que je ne sais plus avec qui le faire. J’aimerais pourtant faire un film avec une femme avant de mourir. Mais comme disait Gabin, tout réside dans l’histoire.

Si demain, je lis quelque chose, et que je m’exclame: "Oh putain!", clac! Je le fais! Si c’est l’histoire que j’attendais, n’importe quoi,
un tueur, un assassin, un mec sympa, un curé... je le fais! Mais je suis un champion du monde, et comme les boxeurs que j’ai mis en scène il y a quelques années, ce que je ne veux pas, c’est le combat de trop. (De là, une digression sur Carlos Monzón, à qui il a rendu visite en cellule et qu’il a contribué à faire sortir de prison, avant que le boxeur argentin ne se tue dans un accident.)

Et Belmondo, un frère de cinéma? Rivalité et affection tout à la fois?

Belmondo, ce n’est pas un rival, on a tenu le cinéma français pendant des années, parce qu’il n’y avait que nous deux. Jean-Paul et moi, c’est comme si on courait un 100 mètres tous les jours, un jour il gagne, un jour c’est moi. On n’aurait pas fait la même carrière l’un sans l’autre. Quand je suis devenu producteur, et même un peu metteur en scène, j’ai décidé de faire une superproduction, un film Belmondo-Delon: Borsalino!

Ce film dirigé par Deray, c’est moi qui l’ai voulu, et je ne le regrette pas. Je garde d’autant plus une affection pour Jean-Paul que son état m’a peiné et m’a fait du mal. J’aurais difficilement vécu ce qu’il a dû surmonter, même si ça va mieux aujourd’hui.

Le rôle que vous n’avez jamais eu?

Jésus-Christ! (rires) C’est peut-être une connerie, mais j’aurais aimé le faire à 33 ans. C’est l’âge que j’avais dans La Piscine, ça m’a toujours tourné la tête. Moi, je crois au Christ et à Marie, mais je ne crois pas en Dieu, voilà. La seule chose dont on est sûr, c’est de mourir, pour le reste, on ne sait rien. Après, qui décide, c’est autre chose...

Alain Delon la star, c’est parfois dur à porter ou supporter?

Oh, c’est pas toujours facile. Mais quand on fait ce métier, tout le monde rêve de devenir ce mot-là, sinon, c’est pas la
peine d’essayer. C’est surtout très dur pour ceux qui n’y arrivent pas, c’est comme en sport: y a des milliers de gens qui rêvent d’être mon pote, là, Teddy Riner. Mais y a Teddy Riner, et y a les autres.

Et Alain Delon l’homme, pas l’acteur?

Des fois, ça fatigue d’être Alain Delon... Mais moi, y a longtemps que j’ai passé outre, parce que quand ça me fatigue, je vais dans ma campagne avec mes chiens, et j’emmerde tout le monde! Alors y en a qui le critiquent, y en a d’autres qui le comprennent, mais je m’en fous, je le fais pour moi. Mais ce serait difficile pour moi d’être condamné à passer 365 jours par an à Paris, alors là, je crève!

Chez moi à Douchy, je suis tranquille... Je ne demande pas qu’on me comprenne, mais si je m’emmerdais à la campagne, je n’y resterais pas.

C’est aussi votre côté scorpion, entre solitude et autodestruction?

(Grand sourire) Cher ami, vous devriez le savoir, vous qui êtes aussi de novembre... J’ai un bouquin qui s’intitule : Comment vivre
avec un scorpion? Ah ah ah! (rire tonitruant), c’est pas facile pour les autres!

Le plus difficile, ce n’est pas d’avoir été scorpion pour ma carrière, mais pour les femmes avec lesquelles j’ai vécu. Comme j’ai toujours incarné mes rôles, mes compagnes devaient vivre pendant trois mois avec un tueur, un curé, un flic... Ça n’a pas été simple tout le temps, les pauvres... D’autant plus que je n’ai pas toujours interprété un saint!

Et pourtant, les femmes ont toujours tenu une grande place dans votre vie.

De Romy à Mireille, j’ai connu des femmes extraordinaires. Il y en a une que je vénère encore et que je respecte par-dessus tout, c’est Brigitte [Bardot, Ndlr]. C’est la seule qui survit grâce aux animaux, et elle souffre le martyre quand elle voit que l’homme est en
train de tuer toutes les espèces, c’est effrayant. J’ai d’ailleurs signé un manifeste pour la préservation de la planète, parce que j’ai
l’impression que tout le monde s’en fout.

On sent qu’on va vers la fin du monde quand on voit tout ce qu’il se passe, les tempêtes, les catastrophes naturelles, ça ne tourne pas rond. Moi, je serai mort bientôt, ou avant la fin du monde. Mais j’ai des enfants, des amis... Ah, ils sont braves, les hommes!

Qu’est-ce que vous voudriez qu’on dise d’Alain Delon, plus tard?

J’en ai rien à foutre. Qu’ils disent ce qu’ils veulent, ce qu’ils pensent... Je pourrai être critiqué sur beaucoup de choses personnelles, sûrement – ce dont on ne se prive pas maintenant d’ailleurs –, mais pas sur ma carrière. Ma vie, c’est ma vie, elle m’appartient. Ma carrière, elle, elle appartient à tout le monde.

Quelque part, vous incarnez aussi une certaine élégance à la française?

C’est aux Français de le dire... Je suis une image de la France, ça c’est sûr, mais pas tout à fait la France d’aujourd’hui, plutôt la France d’avant-hier. Moi, je suis marqué par les années du général de Gaulle, Pompidou, un peu Mitterrand... Ça n’a rien à voir avec maintenant. C’est un tel bordel... ça me dépasse. Ou alors, c’est que je ne vis plus avec mon temps...

Alain Delon, un dernier seigneur?

C’est pas à moi de le dire...

Et si vous deviez citer un film "testament"?

Je dirais encore Plein soleil, parce que tout ce qui est venu après, c’est grâce à ce film. Mais c’est difficile, parce que j’en ai quand même une demi- douzaine auxquels je tiens. Mélodie en sous-sol, Le Samouraï, La Piscine dont on fête les cinquante ans, Deux hommes dans la ville, mon plus beau avec Gabin. Ce film-là me donne toujours le frisson, et tout le monde me parle de ce regard à la fin, juste avant la guillotine...

En réalité, vous aimez toujours le cinéma?

J’aime le cinéma que j’ai fait, moins celui d’aujourd’hui, mais je le connais peu. Je suis d’une époque qui n’existe plus, où il y avait des auteurs pour les acteurs: Jardin, Audiard, qui écrivaient pour Gabin, Delon, pour nous! Maintenant, on se demande un peu pour qui, pour quoi, pour le pognon?

À défaut de vous revoir bientôt devant une caméra, vous préparez un retour au théâtre?

On me verra finir sur scène. Dans Le Crépuscule d’un fauve, une pièce de Jeanne Fontaine. J’attends d’être complètement retapé pour la jouer, peut-être l’an prochain, mais le théâtre clôturera ma vie d’artiste. Le fauve, c’est moi, sans être moi. C’est un commissaire du quai des Orfèvres, qui a reçu une balle dans le dos lors d’un braquage. Blessé et mis à la retraite d’office, il écrit ses mémoires. Toute sa vie, c’était un crack, un fauve, et là, il est à son crépuscule. C’est magnifique...

Une dernière question, en forme de pied de nez: la piscine dans laquelle vous aimeriez vous plonger? Celle du Palm Beach avec Gabin, ou à Saint-Tropez avec Romy Schneider?

(Visiblement ému) Oh, Saint-Trop’ avec Romy... Je me suis battu pour faire ce film avec elle, personne n’en voulait plus comme actrice, mais moi, je savais ce qu'elle pouvait donner et devenir, tout le monde l’a reconnu après. C’est un de mes films préférés, mais à cause de Romy, je ne peux absolument pas le revoir. Pour moi, c’est trop…

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