"L’intérêt est qu’il n’y a pas de cohérence": Anaïs Demoustier et Edouard Baer géniaux dans le "Daaaaaali !" de Quentin Dupieux
Les deux acteurs brillent dans "Daaaaaali !", le nouvel ovni décapant de Quentin Dupieux, un faux biopic autour du célèbre peintre espagnol.
Cédric COPPOLAPublié le 07/02/2024 à 10:14, mis à jour le 07/02/2024 à 10:14
Photo archives Sébastien Botella
Édouard Baer, vous retrouver dans un film de Quentin Dupieux semble couler de source, tant vos univers semblent proches…
Edouard Baer: En tout cas, Quentin Dupieux a un véritable univers! Son scénario possède plusieurs niveaux de lecture et il a la faculté de donner des indications extrêmement claires. J’avais envie de tourner avec lui depuis longtemps. Non seulement car ses films sont formidables mais aussi car les acteurs y sont toujours justes. Au départ, je pensais que le public allait être un peu récalcitrant à l’idée de regarder un film sur Salvador Dali, mais les avant-premières m’ont rassuré. Les gens sont enthousiastes et sentent que Quentin propose une œuvre singulière qui botte en touche une actualité écrasante. Il n’imite rien: au lieu d’avoir une posture prétentieuse, arty, il travaille comme un artisan. Son style, son atmosphère, se reconnaissent en quatre secondes montre en main!
Anaïs Demoustier: Les jeunes prennent plaisir à voir un artiste en recherche. Comme un amateur, Quentin prend le risque de rater ses films. Ceux-ci sont imprégnés de générosité et surprennent. Autant de qualités que l’on retrouve chez Edouard, toujours drôle et volubile.
Quentin Dupieux prend des risques, mais on a le sentiment, Anaïs Demoustier, qu’au fil de vos collaborations, vous êtes devenue un gage de qualité, de sécurité dans son cinéma…
A. D.: Disons que je prends en charge l’esprit sérieux, la normalité. Judith, mon personnage, se définit ainsi mais finit elle aussi par tomber dans la folie du film. Au bout d’un moment, on ne sait plus si cette femme est journaliste, boulangère, pharmacienne… Elle reflète le point de vue de Quentin, du spectateur, en étant à la fois dedans/ dehors… L’interpréter était d’autant plus agréable que par le passé, Quentin m’a fait interpréter des débiles mentales ou des filles ouvertement bizarres. Là, quand il m’a présenté le projet, il m’a dit, c’est ‘‘Alice et le maire’’! (rires)
Jonathan Cohen, Pio Marmaï, Gilles Lellouche, Didier Flamand et donc vous Édouard Baer… Vous interprétez tous Salvador Dali. Comment s’est passée la répartition des scènes et a-t-il été délicat de conserver une cohérence dans le jeu?
E. B.: Justement… L’intérêt, c’est qu’il n’y a pas de cohérence! Du moins, pas par nous. Pour se préparer, on avait beaucoup d’interviews de Dali à disposition. Chacune est un petit spectacle inattendu, plaisant à écouter. On a aussi l’avantage de ne pas avoir à retranscrire la psychologie du peintre. Il y a l’accent, bien sûr, mais il s’agissait plutôt d’être dans une énergie particulière. Souvent, on avait l’impression d’en faire trop, mais Quentin nous disait: ‘‘Non, encore plus, plus, plus!’’ Il avait raison! Pour ma part, j’ai eu la chance d’interpréter des scènes qui m’avaient beaucoup plu lors de la lecture, comme les entretiens avec Anaïs, où Dali est en représentation. La mégalomanie, c’est génial à jouer!
A. D.: Le scénario faisait déjà ressortir ce côté kaléidoscopique. On se rend vite compte que tout va se décider au montage et qu’il va falloir s’abandonner, être une figure de ce film. Quentin ne m’avait pas prévenu sur les acteurs qui joueraient Dali dans telle ou telle scène. D’ailleurs, au départ, il n’y en avait qu’un. Ce n’est qu’après coup qu’il a évoqué l’idée d’avoir plusieurs visages. La distribution a également changé au cours du tournage. Par exemple Jonathan Cohen devait au départ incarner un producteur, avant de faire, donc, un des Dali.
Le film emprunte à l’absurde, cher à Salvador Dali mais aussi à Quentin Dupieux. Quel est votre rapport à ce genre?
E. B.: Je me méfie de ce mot. L’absurde, quand c’est gratuit, n’a pas d’intérêt. À l’époque; oui; car lorsque dans un monde aussi sérieux que l’art un type déclare être un génie et met d’un seul coup un pot de chambre sur la tête, ça fait sens! Dali était un ami du canular! C’est drôle et comme chez les Monty Python, on se demande si c’est vrai…
A. D.: Ces deux artistes ont en commun cette espèce de frottement entre le sérieux du quotidien et des situations complètement dingues. Dans ‘‘Incroyable mais vrai’’, il y a cette histoire de tuyau qui fait remonter le temps d’un côté et un couple tout à fait normal joué par Léa Drucker et Alain Chabat de l’autre. Quentin ne nous fait pas jouer le décalage. Cependant, il a comme référence principale Luis Buñuel. N’oublions pas que "Au Poste" se termine comme "Le Charme discret de la Bourgeoisie".
(Photo Atelier de Production/ France 3 Cinéma)
Peinture abstraite
L’histoire : Une journaliste française (Anaïs Demoustier) rencontre Salvador Dali (Gilles Lellouche, Edouard Baer, Jonathan Cohen, Pio Marmaï, Didier Flamand) à plusieurs reprises pour un projet de documentaire…
Notre avis : Quelques mois seulement après le percutant « Yannick », où Raphaël Quenard interrompait une pièce de théâtre, le prolifique Quentin Dupieux revient avec un faux biopic sur le célèbre peintre espagnol. Ce projet, décapant et totalement libre, lui permet de rendre hommage au maître du surréalisme – un genre qu’il affectionne tant – en reproduisant certains de ses tableaux à l’écran. Cependant, l’intention du cinéaste n’est pas de raconter la vie de son modèle, mais plutôt de l’utiliser comme une figure pour plonger le spectateur dans une série de situations ubuesques, drôles à souhait, qui interrogent la notion de mythe avec tout ce qu’il comporte de vérité et de mensonge. Au cours de cette aventure imprévisible, il fait appel à sa fidèle Anaïs Demoustier. L’actrice prend plaisir à incarner une fille « normale » qui a toutes les peines du monde à interviewer un Salvador Dali capricieux et égocentrique.
À la manière du « I’m Not There » de Todd Haynes sur Bob Dylan, le natif de Figueras est interprété, accent exagéré à l’appui, par plusieurs comédiens avec plus ou moins de réussite. Édouard Baer et Jonathan Cohen se démarquent, tandis que Pio Marmaï et Gilles Lellouche sont moins à leur aise. Ce très léger couac ne doit pas faire oublier la folie et l’inventivité de l’ensemble. Entre des séquences imbriquées à la manière des poupées russes, une arrivée de Dali dans un couloir sans fin, des allers-retours dans le temps, du non-sens, des dialogues ciselés… Ce « Daaaaaali ! » fait mouche.
C. Cop.
> De Quentin Dupieux (France).
Avec Anaïs Demoustier, Gilles Lellouche, Edouard Baer,
Pio Marmaï. Durée : 1 h 18 mn.
Comédie.
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