Le plaisir sexuel, c’est gratuit... et c’est toujours très bon pour la santé!

Appréhendée presque exclusivement par le prisme des pathologies qu’elle peut transmettre, la sexualité est d’abord source de bien-être et de santé physique et psychique.

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Nancy Cattan ncattan@nicematin.fr Publié le 25/09/2022 à 12:45, mis à jour le 25/09/2022 à 13:25
Le plaisir sexuel ne fait de mal à personne. Photo Pexels

Se détendre dans un spa, s’offrir un repas gastronomique "dans un étoilé", savourer un bon vin… Il semble admis que tous ces plaisirs participent au bien être. Par contre, nulle part, il n’est dit: "Faites l’amour, ça fait du bien!", s’agace le Dr Carol Burté, sexologue et andrologue.

"Nous vivons dans une société qui fait l’apologie du plaisir sous toutes ses formes... mais qui réserve une place très secondaire au plaisir sexuel." Alors que l’on décrit une hypersexualisation de la société moderne, la spécialiste nuance, en regrettant une "dévalorisation" de la sexualité au cours de l’Histoire.

La société, responsable de nos comportements

"Dans l’Antiquité, les plaisirs sexuels faisaient partie des soins donnés au corps. La sexualité était alors valorisée et représentée artistiquement. Mais à partir du Moyen Âge, elle s’est heurtée à deux écueils importants: la religion, pourvoyeuse d’interdits, et la médecine, qui ne l’a envisagée que sous l’angle des maladies qu’elle peut véhiculer et des perversions ; rappelons que l’homosexualité est restée considérée comme une "maladie mentale" jusqu’en 1992!"

Coincés entre sexualité culpabilisée ou interdite, et sexualité "maladie", le plaisir et ses bienfaits seraient ainsi devenus tabous.

En soulignant son importance dans la construction de nos personnalités, Freud, au début du siècle dernier, replacera la sexualité au cœur du débat. "Mais son approche et ses analyses ne vont en réalité qu’enfoncer le clou; la sexualité apparaît encore au cœur des névroses ; la fille n’a pas le phallus, l’enfant est pervers polymorphe...etc. , développe le Dr Burté. L’œuvre de Freud a fait grand bruit et largement influencé la société."

Et la sexualité ne serait pas sortie grandie de sa banalisation dans la période plus récente.

Les temps modernes

"Les sites de pornographie sont les plus visités, et ont une grande influence sur les pratiques sexuelles. La sexualité est ainsi souvent réduite à des pratiques ou des positions. En d’autres termes, c’est quelque chose que l’on fait, mais que l’on ne vit pas, que l’on tourne en dérision. Et aimer le sexe a toujours une connotation négative, surtout lorsqu’on est une femme."

Changer le regard sur le plaisir sexuel: une nécessité, selon le Dr Burté, qui envisage l’éducation comme le levier le plus efficace. "Elle a un rôle très important à jouer, en pointant les effets positifs d’une sexualité positive et valorisante plutôt qu’en la réduisant aux risques et aux aspects négatifs."

Et elle enfonce le clou, en s’adressant à ses pairs: "Nous, médecins, devons réhabiliter le plaisir sexuel comme un élément central du bien-être et de la santé psychique et donc physique, sachant à quel point ces deux notions sont liées. Les études montrent très clairement qu’une vie sexuelle satisfaisante est un facteur qui contribue à améliorer les pathologies, à soulager la souffrance, morale ou physique." Et même à augmenter l’espérance de vie.

Intégrer la sexualité dans la démarche médicale

Selon la spécialiste, toutes ces données devraient conduire à "recommander une activité sexuelle au même titre qu’on préconise une activité physique".

Le 28 mars 2017, une stratégie d’amélioration et de promotion de la santé sexuelle des Français (lire encadré ci-dessous) était lancée, qui permettait d’espérer une "réhabilitation de la sexualité". Pas gagné, si l’on en croit le Dr Burté. "Cette stratégie était bienvenue; mais on peut regretter qu’elle ne s’intéresse pas davantage au bien-être sexuel, en valorisant le plaisir. Et qu’elle néglige aussi la prise en charge des dysfonctions sexuelles, pourtant sources de grandes souffrances autant pour la personne concernée, que pour le (la) partenaire et le couple plus globalement."

Et la spécialiste de conclure en rappelant que la sexualité est une (des rares) sources de plaisir gratuit et bénéfique à la santé. Toujours? "Oui. Il n’y a pas de méfait au plaisir, dès lors que l’on vit une sexualité responsable et respectueuse de soi-même et de l’autre."

Plaisir sexuel et cerveau sont intimement liés

"Il y a différentes formes de plaisir sexuel", détaille le Dr Burté. "Le plaisir par anticipation, le plaisir du moment présent, du lâcher-prise, de l’excitation corporelle ressentie, le plaisir de l’échange et du partage, les moments précédant l’orgasme, l’orgasme lui-même, et enfin le plaisir du bien-être ressenti après."

La médecine sexuelle s’intéresse bien sûr à la question de plaisir, même si les travaux de recherche principaux ont surtout concerné l’orgasme. Un certain nombre d’études réalisées grâce aux IRM fonctionnelles ont permis de mieux comprendre ce qui se passe au niveau cérébral: les plaisirs sexuels mettent en œuvre le circuit de la récompense, qui est en jeu également dans le comportement alimentaire.

C’est un ensemble de structures cérébrales reliées entre elles, qui nous pousse à rechercher le plaisir: ressentir du plaisir nous amène à chercher à le ressentir. Cela met en jeu des neurotransmetteurs que l’on qualifie de "chimie du bonheur", comme par exemple la dopamine, l’ocytocine, les endorphines... 

La Stratégie nationale de santé sexuelle (SNSS) 2017-2030 est un vaste programme visant à "améliorer la santé sexuelle et reproductive". Elle recommande entre autres que tous les soignants soient rapidement formés à évoquer les questions de santé sexuelle, "ce qui est une très bonne chose, car c’est loin d’être le cas actuellement", plébiscite le Dr Burté.

Mais elle regrette aussitôt que "les préconisations principales de la SNSS concernent essentiellement les infections sexuellement transmissibles (dont le VIH, les hépatites), la santé reproductive (contraception, IVG) et les violences sexuelles, omettant les dysfonctions sexuelles qui concernent pourtant beaucoup de monde et entraînent souvent une grande souffrance." 

"Et surtout, elle omet de développer une approche plus positive de la sexualité en évoquant les bienfaits du plaisir sexuel."

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