Protéger le cerveau d’un patient victime d’un arrêt cardiaque pour réduire les lésions neurologiques et les défaillances d’organes. C’est l’objet de l’étude RIPOST-CA qui démarre ce mois de novembre à l’hôpital Sainte Musse à Toulon (1).
Médecin réanimateur et responsable de cet essai thérapeutique, le Dr Jonathan Chelly, en détaille les objectifs. "Quand un patient présente un arrêt cardiaque, son cerveau n’est plus irrigué, c’est l’ischémie. Elle entraîne des lésions qu’on ne peut pas réparer. On a des moyens pour rétablir au plus vite l’irrigation du cerveau – c’est le but du massage cardiaque – et des solutions, en service de réanimation, pour maintenir en l’état le cerveau du patient: c’est l’homéostasie. Mais rien pour réparer les lésions existantes ou pour en éviter de nouvelles." Des pistes ont été explorées, dont l’hypothermie, mais aucune ne fonctionne vraiment.
Asphyxier un membre
Le projet RIPOST-CA se propose de valider une autre technique: le post-conditionnement ischémique précoce.
"Il consiste à créer une asphyxie d’un membre (le bras ou la jambe). Cela paraît contre-intuitif, mais cette ischémie locale et très temporaire permet de relarguer, dans la circulation sanguine, un certain nombre de facteurs hormonaux, des molécules qui vont avoir un effet protecteur sur l’ensemble des organes et notamment sur le cerveau."
L’intervention précoce implique une mise en œuvre du post-conditionnement ischémique dès la prise en charge du patient par les équipes du Samu. La technique est peu coûteuse et très simple à mettre en œuvre.
"Il suffit de poser un garrot, au moyen d’un brassard ou d’un cuissard à tension, durant 5 minutes. On répète le geste trois à quatre fois de suite, puis plusieurs fois encore dans les premières 24 heures suivant l’arrêt cardiaque."
Vérifier l’effet neuroprotecteur
Pour vérifier l’effet neuroprotecteur de ce conditionnement, les médecins vont doser, dans le sang du patient, un certain nombre de protéines qui y circulent en cas d’arrêt cardiaque, des protéines cérébrales qui ne devraient pas être présentes.
"Il s’agit de vérifier leurs taux avant et après le conditionnement ischémique et de les comparer avec ceux des patients non traités, explique le Dr Chelly. Si la technique est efficace, ils devraient baisser après le conditionnement ischémique. On va aussi regarder si patient se réveille mieux, s’il a moins de séquelles."
L’essai inclura 48 patients sur deux ans. Ils bénéficieront soit de la prise en charge standard, soit de la prise en charge standard et du conditionnement post-ischémique précoce en plus.
Dernière précision: "On sait que ce n’est pas dangereux pour le patient. Le conditionnement ischémique a déjà été étudié chez des patients victimes d’AVC ou d’infections sévères. Il a montré qu’il améliore leur évolution."
C’est d’ailleurs l’étude du post-conditionnement ischémique en cas d’infection sévère qui a inspiré les réanimateurs toulonnais qui lancent cet essai.
1. Ce projet collaboratif impliquant le réseau français de recherche sur la réanimation post-arrêt cardiaque (réseau AfterROSC) est conduit par le centre hospitalier intercommunal Toulon La Seyne (CHITS) et promu par la Direction de la recherche et de l’innovation du groupement hospitalier de territoire du Var (DRCI GHT 83). Il est en partie financé par la Société de réanimation de langue française (SRLF).
Massage automatique sur le lieu de prise en charge: une chance supplémentaire de survie
Depuis 2022, les habitants de l’agglomération toulonnaise victimes, en dehors de l’hôpital, d’un arrêt cardiaque réfractaire - le cœur ne redémarre pas malgré le massage cardiaque - ont une chance supplémentaire, même infime, de s’en sortir.
Le centre hospitalier intercommunal Toulon La Seyne (CHITS) a en effet mis en place une procédure encore rare dans des villes de la taille de Toulon.
"Il s’agit d’une technique qui nécessite des moyens humains et techniques non négligeables et coûteux, explique le Dr Jonathan Chelly, médecin réanimateur à l’hôpital Sainte Musse. On met en place, sur le lieu de prise en charge par le Samu, un massage automatique avec une planche à masser, pour amener le patient au CHITS où on va mettre en place une réanimation, une machine qui fait circuler le sang à la place du cœur, permettant ensuite de traiter les lésions responsables de l’arrêt cardiaque."
Cette procédure, tempère le médecin, n’est applicable que dans certaines conditions très précises : le cœur doit avoir été massé très vite après l’arrêt cardiaque, le patient ne doit pas présenter de comorbidités majeures et le délai d’intervention ne doit pas être trop long.
Les patients ainsi pris en charge - six depuis le lancement de la procédure - sont ensuite transférés à l’hôpital de la Timone à Marseille.
Savoir réagir
Une personne en arrêt cardiaque, c’est une personne inconsciente et qui ne respire plus. Aussitôt l’arrêt cardiaque identifié, il faut - dans l’ordre - prévenir les secours en composant les 15, le 18 ou le 112 et commencer le massage cardiaque.
Il est intéressant de pouvoir utiliser un défibrillateur automatique externe (DAE) et donc de connaître l’emplacement des appareils les plus proches (ces appareils doivent obligatoirement être répertoriés sur le site officiel Géo DAE, leur localisation est accessible depuis le site défibrillateurs.info).
"Pour reconnaître l’arrêt cardiaque et réaliser les gestes qui sauvent, la meilleure solution, c’est d’avoir appris", rappelle le Dr Chelly. De nombreux organismes (Croix-Rouge, Protection Civile, pompiers…) organisent régulièrement des formations.
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