78e Festival de Cannes: Cédric Klapisch à la recherche du temps perdu dans "La Venue de l’avenir", déjà dans les salles de cinéma
Pour sa première à Cannes avec "La Venue de l’avenir", déjà en salles, Cédric Klapisch signe un film rassembleur qui interroge le passé et la modernité, les liens de la famille et le sens de la transmission. Réjouissant !
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Alexandre CariniPublié le 24/05/2025 à 09:45, mis à jour le 24/05/2025 à 09:45
Cédric Klapisch, avec ses jeunes talents, Paul Kircher, Suzanne Lindon, Vassili Schneider et Abraham Wapler.
Photo Justine Meddah
"Tout va trop vite aujourd’hui!" Non, dans La Venue de l’avenir, ce constat n’émane pas d’un observateur contemporain, dépassé par le rythme des nouvelles technologies.
Ces paroles sont prononcées par un conducteur de calèche à la fin du XIXe siècle, qui transporte Adèle (Suzanne Lindon), vers sa péniche pour Paris, où la jeune provinciale veut rencontrer sa mère inconnue.
Pour son quinzième film, Cédric Klapisch et sa "bande" de comédiens (fidèles de la génération Auberge espagnole tels Zinedine Soualem ou Cécile de France et nouveaux venus comme Paul Kircher, Vassili Schneider ou Abraham Wapler) orchestrent une savoureuse valse à deux temps.
2024, les héritiers actuels d’une défunte, tous cousins éloignés, qui font connaissance en découvrant un mystérieux tableau dans une vieille maison en legs.
1895, les protagonistes sur les photos jaunies dont on suit le parcours dans la capitale, à l’heure où la naissance de la photo et du cinéma incite la peinture à se réinventer, en plein essor impressionniste.
La famille à travers les âges
Le film "switche" allégrement d’une époque à l’autre, pour évoquer la relativité du temps et de la modernité.
Et à chaque siècle sa "belle époque". "L’envie de départ, c’était de faire un film en costumes, avec une esthétique. Assez rapidement avec mon scénariste (Santiago Amigorena), on s’est dit qu’il fallait mélanger deux périodes, d’où cette histoire de famille pour faire le lien entre les deux", justifie Cédric Klapisch, en citant les précédents Midnight in Paris ou Titanic.
Faille spatiotemporelle dans laquelle le réalisateur s’était déjà engouffré dans Peut-être, il y a vingt-cinq ans. Qui nous fait ici passer de la première illumination de l’avenue de l’Opéra (d’où le jeu de mot du titre) à un clip de Pomme tourné aujourd’hui sur le pont de la Seine.
Des clichés, au sens propre comme au figuré, qui font aussi toute sa beauté. Au prix d’une minutieuse reconstitution, fruit d’une intense documentation.
Mais au-delà du décor, il y a cette belle aventure humaine qui nous emporte dans les pas des personnages.
Cette quête parallèle à deux siècles d’intervalle, où Adèle et ses compagnons de virée (le peintre Anatole et le photographe Lucien) croisent l’inspiration de Monet ou Nadar, tandis qu’un apiculteur écolo (Vincent Macaigne), un prof de lettres proche de la retraite (Zinedine Soualem), une cadre (Julia Piaton) et un créateur de contenu audiovisuel (Abraham Wapler) vont se rassembler sans se ressembler, afin de remonter leurs origines communes.
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Les mêmes, projetés dans le Paris de la fin du 19e siècle.DR.
La patte impressionniste de Klapisch, par petites touches
"C’est un réalisateur très sensible qui absorbe tout ce qu’il voit chez les gens et le retranscrit à travers ses personnages et son casting. À sa façon de diriger, il nous transmet aussi tout cet humanisme, cette tendresse qu’il éprouve pour les humains, rapporte Vincent Macaigne. Et puis à toute époque, on essaie de s’aimer, d’être heureux, tout en redoutant l’avenir. Avec des artistes pour immortaliser des chefs-d’œuvre. Ce film donne cette envie-là, de créer, et d’être ensemble. "
Avec pour machine à remonter le temps, cette bâtisse promise à la disparition pour laisser place à un parking de centre commercial, alors qu’elle recèle des trésors. Klapisch et ses fantômes?
"Je me rappelle la maison de parents éloignés, où il y avait des costumes dans de vieilles malles avec lesquelles on se déguisait. On a tous en tête ce genre de souvenir, et il y a un plaisir enfantin à essayer d’imaginer une vie passée, notamment à travers un vieil album photos de grand-père, dont on pense d’abord qu’il ne va pas nous intéresser", sourit celui qui ne rechigne pas aux poupées russes.
"À notre époque, avec les réseaux sociaux, la pub, le marketing, la dictature de l’instant relate les faits de la journée et a tendance à oublier les choses passées. Là, j’essaie de faire la pub de ce qui s’est déroulé il y a 150 ans. "
Le tableau d’une époque. Quitte à en faire un film, plutôt qu’une photo.
L’art et la manière de Cécile de France
Cécile de France en voit décidément de toutes les couleurs! L’an dernier à Cannes, c’est dans Bonnard, Pierre et Marthe, que l’actrice belge dépeignait la compagne artiste du peintre nabi (avec également Vincent Macaigne aminci).
Cette année, retour sur la Croisette avec une autre palette, afin d’incarner une conservatrice muséale passionnément amoureuse de l’impressionnisme.
"Pour le film de Martin Provost, j’avais déjà commencé à me documenter sur ce courant, et ce qui est incroyable, c’est que j’y ai trouvé des points communs avec le cinéma, et le travail de Cédric, s’enthousiasme-t-elle. Notamment ce regard sur son époque, puisque Monet adorait peindre la modernité, des trains par exemple, mais aussi des gens du quotidien, sa sœur, son grand-père, sa voisine, la boulangère… À l’époque où on représentait plutôt des empereurs et dieux grecs avec des traits académiques, c’était complètement fou de peindre ça. Il y a aussi une réflexion sur le temps, car les impressionnistes aimaient capturer l’instant fugace, une émotion, qu’ils figeaient sur la toile sans lui ôter de la vie."
Klapisch à Cannes, enfin!
Un art de vivre, et de dépeindre le réel, qui se transmet donc de génération en génération, et se cultive quelle que soit l’époque.
Dans cette quête culturelle et existentielle, pour éclairer le présent à la lumière du passé, Cédric Klapisch aura mis plus de trente ans et quinze films avant de connaître une sélection (hors compétition) au Festival de Cannes. Ce qui s’appelle prendre son temps!
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