Tribune libre. Parc national de Port-Cros: "60 ans de protection environnementale ne peuvent être balayés d’un revers de main administrative"

Dans notre tribune libre, Isabelle Monfort, présidente du Conseil d’administration du Parc national de Port-Cros, Isabelle Taupier-Letage, présidente du Conseil scientifique et Michel Dalmas, président du Conseil économique, social et culturel s'inquiètent d'un rapport sénatorial qui préconise la suppression du statut d'autonomie des parcs nationaux.

La rédaction Publié le 01/08/2025 à 10:00, mis à jour le 01/08/2025 à 10:00
tribune
L'île de Porquerolles. Photo S.M.

Depuis 1963, le Parc national de Port-Cros incarne une réussite française unique: plus ancien parc national marin d’Europe, laboratoire d’excellence environnementale où science, patrimoine et développement durable cohabitent harmonieusement.
Notre Parc, ce sont 138 000 ha, 602 espèces végétales terrestres, 500 algues, 144 espèces d’oiseaux et 180 de poissons à préserver. Près de 100 000 habitants permanents bénéficient de cette "ceinture de sécurité environnementale" qui préserve un espace où il fait bon vivre, d’une attractivité exceptionnelle.

Les résultats de 60 ans d’actions parlent d’eux-mêmes: pour exemples la population de mérous est passée de 10 à 1 000 individus tout en maintenant la pêche artisanale et la plongée, les mouillages à Bagaud ont été organisés, la marque "Esprit Parc national" a été créée, promouvant près d’une centaine d’entreprises locales, les forts du Pradeau et du Moulin ont été restaurés, les flux touristiques intelligemment régulés sur Porquerolles...

Notre modèle repose sur la concertation et la décision locale: le Conseil d’administration (43 membres) représente tous les acteurs du territoire (État, élus, associations, socioprofessionnels, habitants…); le Conseil scientifique (29 experts) définit notre stratégie scientifique; le CESC (74 représentants locaux) nous accompagne sur la politique contractuelle et l’animation locale. Cette richesse participative favorise un véritable sentiment d’appropriation et de responsabilité collective. Cette originalité des Parcs nationaux leur confère agilité et efficacité.

Financé aux trois quarts par l’État, notre établissement investit dans les projets locaux des 5 communes adhérentes, pour en moyenne 5 M€ par an. Pour l’animation du projet de territoire et sa mise en actions, 70 agents assurent surveillance, études scientifiques, sensibilisation et gestion quotidienne. Le Parc national intègre également le Conservatoire Botanique National Méditerranéen dont les 30 agents œuvrent à la sauvegarde de la végétation méditerranéenne.
Nous sommes aussi membres et experts du réseau MedPAN des Aires Marines Protégées de Méditerranée et animons la partie française du Sanctuaire international PELAGOS pour la protection des mammifères marins. Nos partenariats internationaux (Costa Rica, Djibouti, Marquises…) et notre présence dans les grands rendez-vous mondiaux témoignent du rayonnement que le Parc apporte au territoire et partage avec lui.

La France a besoin de renforcer ses outils de protection, pas de les affaiblir

Notre modèle mérite mieux qu’une remise en cause brutale. Or, alors même qu’un audit ministériel récent saluait ce modèle, le rapport de la Commission d’enquête du Sénat du 3 juillet dernier préconise la suppression de notre statut autonome pour nous intégrer dans un ensemble administratif centralisé. Cette recentralisation nous éloignerait fatalement de notre ancrage territorial, nous déconnectant des réalités locales et ajoutant des lourdeurs administratives. Les mêmes travers qui avaient justifié la loi Giran de 2006 donnant plus de pouvoir aux territoires.

Une réduction inévitable des effectifs se fera au détriment de nos missions locales. La délégation du pouvoir réglementaire à d’autres services d’État, sans personnel supplémentaire, n’est en aucun cas une garantie de plus grande efficacité.
Sans négliger l’importance d’optimiser l’action publique, nous redoutons que ce rapport, produit sans audition des Parcs nationaux, ne balaye trop vite un outil performant ancré sur le terrain. Notre modèle participatif prouve quotidiennement sa pertinence. La Charte de territoire, élaborée et mise en œuvre par tous les acteurs locaux, traduit leurs aspirations dans un projet partagé et porté par tous car la décision est prise localement.

Face aux défis environnementaux croissants, la France a besoin de renforcer ses outils de protection, pas de les affaiblir. Les parcs nationaux sont des lieux remarquables et exemplaires aussi par le partenariat Territoire-État qui risque pourtant d’être fragilisé. Ils méritent d’être reconnus et confortés, pas sacrifiés!

 

 

À noter qu’une tribune collective "Contre le démantèlement des parcs nationaux et la perte du lien avec les territoires" portée par les présidents des conseils d’administration des parcs nationaux vient de rassembler 1 377 signatures en 4 jours. Cette tribune a été diffusée auprès des ministres et cabinets concernés par les politiques publiques mises en œuvre par les parcs nationaux ainsi qu’auprès des présidents des commissions Aménagement du territoire et développement durable de l’Assemblée nationale et du Sénat.

Les propos, remarques et commentaires exprimés, publiés dans les « Tribunes libres » n’engagent que leurs auteurs.

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