Tempêtes Alex, Aline… Comment aider les enfants des vallées à vivre avec le risque climatique?

"Une catastrophe naturelle peut être aussi traumatique qu'un attentat". Après le passage de la tempête Aline dans les vallées azuréennes et trois ans après les ravages d'Alex, Morgane Gindt, psychologue au sein de l'hôpital Lenval, à Nice, explique l'impact de ces événements sur la santé mentale des enfants. Impliquée dans une recherche sur le sujet au Centre d'évaluation pédiatrique du psycho-traumatisme, elle prodigue de précieux conseils aux parents pour aider les plus jeunes à vivre avec le risque climatique.

Aurélie Selvi - aselvi@nicematin.fr Publié le 29/10/2023 à 10:00, mis à jour le 08/11/2023 à 13:44
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"Une catastrophe naturelle peut être aussi traumatique qu'un attentat", éclaire la psychologue de Lenval Morgane Gindt. Photo Sébastien Botella

Parfois, l’histoire se répète. Pluie qui se déchaîne, logements évacués, routes coupées, cours d’eau qui gonflent et emportent des ponts… Trois ans après Alex, les vallées azuréennes - celle de la Vésubie en tête - ont essuyé les affres de la tempête Aline. Un épisode méditerranéen qui a conduit les Alpes-Maritimes à vivre sous alerte rouge et les enfants à voir leur école fermer prématurément.

Quand le traumatisme se réveille

"Une catastrophe naturelle peut être aussi traumatique qu’un attentat. Mais comme ce n’est pas un événement intentionnel, les enfants récupèrent globalement mieux. Le risque de développer un trouble est de l'ordre de 30 %, contre 70% pour un attentat", détaille Morgane Gindt, psychologue au Centre d'évaluation pédiatrique du psycho-traumatisme (CE2P) de l'hôpital Lenval, à Nice.

Et l’empilement des faits peut rouvrir les plaies. "Quand on vit un traumatisme de façon répétée, il y a des risques un peu plus importants de voir apparaître des pathologies anxieuses."

Les symptômes à guetter

Après un événement traumatique, le corps peut s’exprimer de plusieurs manières: "difficultés à dormir, phobies qui surviennent d’un coup, comme la peur de la pluie, des cours d’eau, d’aller nager, égraine le Dr Gindt. Cela peut être prendre la forme d’un trouble de stress post-traumatique : des flashbacks en journée ou des cauchemars, le fait d’être tout le temps sur ses gardes, un rythme cardiaque accéléré, des sueurs, des troubles de l’attention, de la mémoire, de l’humeur, de la tristesse, de la peur, de la colère..."

Quand s’inquiéter pour son enfant?

"Le premier signal, c’est son rythme: dort-il, mange-t-il moins ou plus que d’habitude?", détaille la psychologue Morgane Gindt, qui conseille aux parents de ne toutefois pas tirer de conclusions trop hâtives.

"Pendant les 48 heures qui suivent un événement traumatique, le corps réagit: il y a de l’hypervigilance. Au-delà, ce stress normal est censé s’apaiser peu à peu. S’il perdure, c’est signe qu’il y a un état de stress aigu."

Des clés pour rassurer

Au sein du Centre d'évaluation pédiatrique du psycho-traumatisme, les professionnels sont particulièrement attentifs au stress qui perdure un mois après un événement. Mais il n’y a cependant pas de vérité mathématique.

"Un parent qui constate que son enfant va mal deux semaines après ne doit pas hésiter à consulter. Parfois, faire un peu de relaxation, parler de l’événement dans un contexte un peu sécure permet d’évacuer la tension et de ne pas laisser le trouble s'installer", conseille le Dr Gindt.

Il y a 3 ans, le CE2P, réuni en Cellule d’urgence médico-psychologique, avait déjà accueilli 116 enfants naufragés de la tempête Alex. "Une question revenait souvent: est-ce que ça peut recommencer?", se souvient la psychologue.

Apprendre à vivre avec le risque

Les aléas du climat font désormais partie de nos vies. Selon une étude de la Fondation pour la nature et l’homme, 7 Français sur 10 déclarent voir les effets du changement climatique dans leur quotidien. Hot-spot du réchauffement, la région Sud enregistre le plus fort taux du pays. Les petits (comme les grands) doivent donc apprendre à cohabiter avec cette réalité, étaye la psychologue.

Comment? "Cela demande de la préparation. Même s’il y a encore des progrès matériels à faire, on voit bien qu’entre les tempêtes Alex et Aline, on s’organise de mieux en mieux. Il n’y a d’ailleurs eu cette fois aucune victime. C’est aussi en s'entraînant, avec les exercices d’alerte à l'école par exemple, qu’on peut mieux se protéger parce qu'on a les bons réflexes."

"Coexister avec la nature"

Aux enfants des vallées, le Dr Gindt conseille de ne pas se couper de cette nature "dont ils sont sans doute très proches en vivant là".

"Elle est parfois capricieuse mais, en se tenant informé, on peut apprendre à coexister avec elle, à s’adapter, à la préserver et à continuer à y faire les activités qu’on aime, comme des sorties en famille", détaille-t-elle.

De la recherche scientifique pour avancer

A Nice, le Centre d'évaluation pédiatrique du psycho-traumatisme mène des travaux de recherche pour évaluer l’impact des catastrophes naturelles sur les enfants. Près de 50% des 116 reçus au sein de la cellule d’urgence mise en place lors de la tempête Alex ont ainsi été recontactés deux ans après. Objectif: évaluer finement les symptômes qui s’installent, ceux qui évoluent…

"La majorité a repris une vie avec de bons fonctionnements. Il ne faut pas sous-estimer la capacité de résilience des enfants", souligne le Dr Gindt. Une analyse plus fine des résultats est en cours.

Une main tendue aux parents

Vous vivez dans les vallées et vous vous faites du souci pour votre enfant? Les spécialistes du Centre d'évaluation pédiatrique du psycho-traumatisme répondent à toutes vos questions du lundi au samedi, de 9h à 17h au 04 92 03 00 66.

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