"Je suis peut-être un inconnu, comme dit le camarade Christian Estrosi [sic], mais je suis un inconnu qui a battu un maire de Nice, Philippe Pradal", sourit Bernard Chaix. Ce jour-là, il était en campagne en terre promise, à Falicon, juste avant le second tour. Au premier, les électeurs de la 3e circonscription des Alpes-Maritimes l’ont propulsé en tête du scrutin, devant la candidate du Nouveau Front populaire, la socialiste Laure Quignard.
Le ciottiste mettait seize points d’écart entre lui et le sortant Horizons, contraint de se désister. Au second tour, il pliait le match avec près de 4000 voix d’avance.
Acropolis, TNN, notes de frais d’Estrosi
Bernard Chaix, 59 ans, est élu municipal depuis 2020. Il était l’un des "compromis" concédé par Christian Estrosi à Éric Ciotti lorsqu’il a fallu constituer la liste pour les élections municipales. Un accord qui a fait long feu. Dès octobre 2021, le maire retire ses délégations à l’élu trop proche de son ennemi juré, ainsi qu’à une autre conseillère municipale, Gaëlle Frontoni.
Estrosi, qui avait déjà fort à faire avec ses Verts et son extrême droite, se retrouve avec une troisième opposition. Et pas la plus douce, puisqu’en coulisses, c’est Éric Ciotti qui tire les ficelles.
Chaix a été de tous les combats: contre la destruction du Palais des congrès Acropolis, opposé à la mise à mort du Théâtre national de Nice. Avec Gaëlle Frontoni, en 2023, il monte au créneau pour obtenir le détail et les montants des frais de représentation du maire de Nice et président de la métropole. "C’est légitime, c’est de l’argent public", lançait-il pour justifier leur démarche.
"C’est la voix de son maître", égratigne un élu de la majorité de Christian Estrosi. "Il ne bougerait pas le petit doigt sans que Ciotti ne l’y autorise", grince-t-il. Ce n’est pas l’avis de tous en mairie. "C’est un homme charmant", avance une autre estrosiste. "Il est plutôt libéral. Pourquoi est-il avec Ciotti, mystère. Il pourrait très bien être avec nous", admet-elle.
Commerçant de père en fils
Bernard Chaix est également élu au conseil départemental des Alpes-Maritimes depuis juillet 2021. Son territoire? Le canton Nice-8, Saint-Roch, Riquier, ou encore une partie de Pasteur. Le Républicain devient vice-président de la collectivité départemental en charge de l’insertion, l’emploi et le commerce. Logique, ce commerçant de père en fils – il a un magasin de tapis en plein centre-ville, Chaix décoration qui a généré plus d’un million d’euros de chiffre d’affaires en 2023 et des sociétés immobilières – a été président de la CPME 06, la confédération des petites et moyennes entreprises des Alpes-Maritimes, mais aussi vice-président de la CCI, déjà en charge du commerce, ou encore de l’UPE 06, l’Union pour l’entreprise.
La mairie de Nice?
"Dans le passé, cet ancrage lui a permis de s’occuper, alors que ça pouvait encore se faire, du financement des campagnes d’Éric Ciotti", révèle un élu niçois. De l’ombre à la lumière… " Il est discret, lisse, mais il est plus ambitieux qu’il n’y paraît", jure quelqu’un qui l’a bien connu. "Si Éric Ciotti n’y va pas, il pense à se présenter à la mairie de Nice", assure encore cet ancien proche. Au Département, il a été l’un des artisans de la lutte contre la fraude au RSA, le cheval de bataille d’Éric Ciotti.
"Sa priorité, c’est sa famille"
Sur le perron de la permanence historique du président contesté de LR au port de Nice, dimanche soir, les premiers mots de Bernard Chaix, en tant que député, sont allés à sa famille. Le commerçant, chef d’entreprise, est marié, père de deux garçons et grand-père d’un bout’chou de 20 mois. "Sa priorité c’est sa famille. Et quand on place sa famille au centre de ses priorités, tous les combats que l’on mène sont tournés vers l’avenir et vers le bon sens", confirme celle qui va siéger à ses côtés à l’Assemblée: la députée de la 5e circonscription, Christelle D’Intorni. "Bernard sera un élu à l’écoute, de proximité, parce qu’il a les pieds sur terre et surtout les mains dans la réalité car il a un travail", poursuit-elle. Et d’ironiser: "Il connaît les difficultés des Français, il ne les découvre pas dans les sondages".
"Le RN d’aujourd’hui n’est pas le FN d’hier"
Ce soir-là, il a également assumé pleinement d’être lié au Rassemblement national. "Cette alliance avec le RN, j’en suis fier", a-t-il lancé devant les militants, avant de remercier chaleureusement l’orfèvre de cette union droite-extrême droite qui n’a pas fait l’unanimité, loin s’en faut, chez les Républicains: le "courageux" Éric Ciotti. À Falicon, trois jours avant le résultat des urnes, Bernard Chaix jurait, comme pour s’en persuader: "Le RN d’aujourd’hui n’est pas le FN d’hier".
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