Gaël Sliman est le président et cofondateur de l’institut de sondages Odoxa. Tout comme les autres organismes d'études d'opinion, le sien avait "minimisé" la montée de l'union des gauches et montré un Rassemblement national beaucoup plus haut lors du second tour des élections législatives de ce dimanche 7 juillet.
Alors que le Nouveau Front populaire a remporté 178 sièges, que le camp présidentiel d'Ensemble! a bien résisté avec 150 sièges, et que le RN a vu ses rêves de majorité absolue s'envoler (143 sièges), nous sommes revenus ce lundi sur ces "erreurs" de pronostics. Gaël Sliman insiste aussitôt sur le caractère non prédictif des sondages: "Nous nous battons chaque jour pour rappeler que les instituts de sondages fournissent de simples photographies données à un jour J, pas des pronostics".
Il est en effet intéressant de rappeler que depuis le premier tour du 30 juin, une tendance à la bascule de la droite vers la gauche avait été observée de jour en jour par les instituts. Suffisait-il de quelques jours pour parvenir au résultat dévoilé dimanche? Annoncé avec un cumul de 300 sièges au sortir du premier tour, le bloc de droite et d'extrême droite a vu son avance fondre comme neige au soleil au cours de la semaine dans les sondages.
Avec un point de bascule important, selon Odoxa: la date limite des désistements lors de triangulaires, fixée au mardi 2 juillet à 18h. Une donnée qui compte bien davantage que le taux de participation record de ce deuxième tour (66,7%). "Sans ces désistements en masse sur 200 triangulaires, le RN aurait atteint la majorité absolue, assure Gaël Sliman. Le front républicain a beaucoup joué dans le rapport de force, c’est incontestable".
"Un revirement de situation aussi net est très rare"
Il reconnaît que les premiers sondages de l'entre-deux tours, dimanche soir, donnait le Rassemblement national comme le premier parti de France, avec un tiers des électeurs français ayant voté pour lui. "Un revirement de situation aussi net est très rare", insiste-t-il.
Pour simplifier, les triangulaires où le RN était arrivé en tête et donné gagnant ont offert un appel d'air aux "perdants" du premier tour, avec un"effet très spectaculaire. Si vous avez 200 triangulaires dans lequel le RN est premier, la gauche à 30% et le centre à 25% (ou l'inverse), au second tour, le désistement républicain a été fatal au RN à chaque fois. Certains députés sortants se sont fait 'harakiri', et leur message de barrage a très bien fonctionné". Mais il aurait fallu quelques jours de plus pour en mesurer les effets.
Autre point important, souligné un peu partout sur les réseaux sociaux depuis dimanche: le travail des médias, notamment locaux et régionaux, qui ont épluché les programmes électoraux et ont invité les candidats RN en plateau pour des débats d'entre-deux tours, dévoilant, selon Gaël Sliman, "l'amateurisme de nombre d'entre eux (...). Comprenez: Marine Le Pen et Jordan Bardella travaillent à la dédiabolisation de leur parti depuis des années, et là vous vous retrouvez, selon certaines estimations, à 70 ou 80 candidats RN qui ont eu des propos racistes, antisémites ou homophobes, entre autres casseroles. C'est énorme!"
"Cela a joué dans la bascule à gauche, car les électeurs ont (re)découvert une image du RN qu'ils ne connaissaient pas." Le taux de participation record ne viendrait donc qu'en troisième place des raisons pour lesquelles les résultats sont ce qu'ils sont. "Entre 10 et 15% d’électeurs qui s'étaient abstenus au premier tour se sont mobilisés dimanche, et ce pour faire systématiquement faire barrage au RN.
"Le croisement des courbes RN et NFP", une tendance confirmée au dernier moment
Toutefois, comme le rappelle Libération en ce lundi 8 juillet, sur 27 sondages organisés cette semaine par les différents instituts, tous avaient placé le RN en tête, NFP en 2e et Ensemble! en 3e position.
Le signe d'une faillite? Pourquoi aucun institut n'avait-il mis le RN en dessous de 170 sièges en fourchette basse, y compris après ces mouvements de désistement?
"Il aura fallu attendre le tout dernier jour pour qu’un seul sondeur, Jérôme Fourquet de l’Ifop, explique que le croisement des courbes du RN et du NFP était une hypothèse possible', assure Libé. Ce que l'on nous confirme chez Odoxa: "cela changeait chaque jour, et la tendance à la baisse pour le RN et à la hausse pour le Nouveau Front populaire était la bonne."
Il faut toutefois, selon Odoxa, garder la mesure de cette "défaite" relative du Rassemblement national. "La chose essentielle, ce n'est pas de savoir pourquoi le RN a fait moins que prévu dans les sondages, mais quel score il a fait par rapport aux dernières législatives. Aucun parti n'a progressé autant que lui, avec une augmentation de +50% par rapport à 2022."
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