Tribune. Bertrand Gasiglia : "Le maire est-il encore compétent en matière d'urbanisme ?"
Dans notre tribune libre de ce dimanche, Bertrand Gasiglia, maire LR de Tourrette-Levens dans les Alpes-Maritimes, s'interroge sur la libre compétence des maires en matière d'urbanisme.
Publié le 18/06/2023 à 09:00, mis à jour le 18/06/2023 à 09:00
tribune
Bertrand GasigliaPhoto DR
Il y a 40 ans, la France s’engageait dans un processus de décentralisation inédit dans son histoire, qui visait à transférer des compétences aux élus locaux. Voulue par la gauche socialiste, combattue par la droite gaulliste, cette réforme majeure est désormais acceptée par l’ensemble des forces politiques républicaines.
La modification constitutionnelle de 2003, décidée par Jacques Chirac, inscrit désormais tout en haut de notre édifice juridique que « l’organisation de la République est décentralisée ». Pour autant, à pas lents d’abord puis à un rythme plus soutenu, nous assistons à une recentralisation de l’exercice des compétences en matière d’urbanisme.
Certains pourraient, légitimement, trouver ce mouvement juste et opportun.
Après tout, le code de l’urbanisme ne stipule-t-il pas que « le territoire français est le patrimoine commun de la nation » ?
Mais l’évolution actuelle est plus insidieuse. Elle se fait de manière dissimulée et non clairement avouée. Elle porte préjudice à la compréhension des mécanismes de prises de décision.
Les élus locaux se trouvent aujourd’hui marginalisés dans les processus d’élaboration, tout en continuant à être placés en première ligne face aux attentes de leurs concitoyens.
Oui, l’adoption des documents d’urbanisme fait bien l’objet d’un vote solennel en conseil.
Mais la préparation de ces documents stratégiques est tellement encadrée que les marges de manœuvre entre les mains des élus sont devenues résiduelles. Cette tendance s’accentue encore jusqu’à devenir illisible, insupportable et même injuste pour nos concitoyens comme pour les élus.
« Quand on veut tuer son chien on l’accuse de la rage » nous rappelle le dicton.
La « France moche »
Cette méthode radicale est utilisée par ceux qui laissent à croire que les maires seraient coupables des pires turpitudes en matière d’urbanisme. C’est oublier, un peu vite, que les dégâts les plus irréversibles ont été commis bien avant l’entrée en vigueur des lois de décentralisation.
La bétonisation du littoral, la construction de ghettos, la destruction du patrimoine ou le mitage des territoires… ont eu lieu alors que les préfets et leurs directeurs de l’équipement étaient tout-puissants.
Sans angélisme sur ce qui a pu être fait depuis 40 ans, c’est bien dans les années 60-70 que la « France moche » a trouvé sa pleine mesure. Partant d’un postulat erroné, l’incroyable machine normative française n’a eu de cesse de mettre en place des règles qui encadrent l’élaboration des documents d’urbanisme. Pour faire au plus simple : aux plans de prévention des risques naturels (inondations, submersions marines, séismes, éruptions volcaniques, mouvements de terrain, avalanches, feux de forêt, cyclones ou autres tempêtes…) ont été rajoutés ceux concernant les risques technologiques et miniers. C’est là la déclinaison, louable mais parfois excessive, du principe de précaution.
Plus dérangeant, est le fait que le maire soit confronté aux prescriptions impératives de schémas abscons et déshumanisés (SRADDET et SCoT) dont la définition lui échappe totalement.
Un maire sous contrainte
Dernière contrainte en date, l’instauration du principe de « zéro artificialisation nette » qui doit conduire d’ici 2030 à diviser par deux le rythme d'artificialisation des terres. Or, dans le même temps, l’Etat impose la construction de logements sociaux, et les besoins en termes d’équipements publics sont de plus en plus forts et légitimes.
Toutes ces réglementations et bien d’autres, souvent contradictoires entre elles posent trois questions : Qui les décide ? Qui les comprend ? Qui est responsable ?
Aux deux premières questions, bien malin celui qui peut répondre de façon positive.
Quant à la troisième question la réponse reste et restera toujours… le maire, le seul à être identifié, connu et disponible. Mais un maire sous contraintes, des contraintes qui échappent à la compréhension. Cela ne peut que nuire à la vie démocratique et affaiblir, à terme, notre République.
> Les propos, remarques et commentaires exprimés dans les tribunes libres que nous publions n’engagent que leurs auteurs.
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