On vous raconte l'histoire de Pierre de Polignac, le père du prince Rainier III de Monaco
En prenant le nom et les armes des Grimaldi, il a eu une grande importance dans l’histoire de la Principauté.
Article réservé aux abonnés
André PEYREGNEPublié le 19/06/2023 à 10:37, mis à jour le 19/06/2023 à 10:37
Pierre de PolignacPhoto DR
Ce jour-là, l’écrivain Marcel Proust reçut chez lui, à Paris, un jeune homme dont la visite le marqua. Il lui avoua cela dans une lettre écrite à la fin du mois de juillet 1920: "Cher Ami, je ne peux pas oublier ce soir-là où, démuni par vos mots magiques sur ma personnalité, je me sentais dépourvu de moi, privé par vous de mon existence..."
Le jeune homme qui ébranla ainsi la personnalité de Marcel Proust était Pierre de Polignac. Il était âgé de 25 ans, avait belle allure avec sa moustache fine, sa coiffure sagement peignée et son costume d’aristocrate. Proust souhaitait le revoir. Et la lettre se terminait par cette proposition: "Pouvez-vous dîner avec moi ce soir? Au Ritz si vous voulez..."
Mais Pierre de Polignac ne répondit pas à l’invitation. Cela fâcha Proust, qui lui écrivit le 20 août une nouvelle lettre: "Il y a plus de trois semaines que je vous ai écrit une lettre infiniment longue et surtout si importante pour vos livres et pour le mien. Je n’ai pas reçu un mot de vous et m’inquiète de voir que vous répondiez à tant d’amitié par si peu." (Cité dans les Annales Monégasques n°39, année 2015).
Mariage avec Charlotte
Pierre de Polignac avait une bonne raison pour décliner l’invitation de l’écrivain. Quatre mois plus tôt, le 18 mars 1920, il avait épousé à Marchais, dans l’Aisne, la princesse Charlotte, fille du prince Louis II de Monaco. Il avait fait cela dans le but d’assurer la descendance des Grimaldi [lire Monaco-Matin du 4 juin]. Par ce mariage, il avait renoncé à son nom et à ses armes et avait pris ceux des Grimaldi. Il devint ainsi un "prince Grimaldi".
Vieille famille noble
Qui était Pierre de Polignac? Né en Bretagne en 1895, au château de Kerscamp dans le Morbihan, il appartenait à cette vieille famille noble française dont nous avons exploré l’arbre généalogique dans un précédent article [lire Monaco-Matin du 11 juin]. Il était le quatrième fils et dernier enfant du comte Maxence Melchior de Polignac et de Susana de Paula del Corazón de Jesús de la Torre y Mier, noble d’origine mexicaine. Après avoir étudié à l’École des Sciences politiques à Paris, il servit dans la marine espagnole puis, en 1917, travailla à l’ambassade de France en Chine.
Depuis toujours, Pierre de Polignac était attiré par les arts. C’est dans le salon d’une cousine de son père, la princesse Edmonde de Polignac, fille du magnat des machines à coudre Singer, qu’il rencontra Marcel Proust. [Nous ferons la semaine prochaine le portrait de cette extravagante mécène que fut Winaretta Singer, princesse de Polignac, N.D.L.R.].
Du mariage de Pierre de Polignac avec Charlotte de Monaco naquirent deux enfants, la princesse Antoinette en 1920 et le prince Rainier III en 1923. Le prince Rainier III était le premier garçon né dans la famille Grimaldi depuis Louis II, cinquante-trois ans plus tôt, et le premier prince né au palais de Monaco depuis Honoré IV en 1758.
Divorcé en 1930
Le prince Pierre s’impliqua dans la gestion de la Principauté lors des absences du prince Louis II, intronisé en 1922 à la suite du décès de son père Albert 1er. Il participa activement à la mise en œuvre de réformes économiques. Mais, sur le plan conjugal, son couple avec Charlotte chancela. Le caractère de la jeune princesse, vive et indisciplinée, s’accommodait mal au sien, empreint d’ordre et de classicisme. La princesse Charlotte écrivit à son père Louis II une lettre touchante: "Vous avez tant de fois donné des preuves de votre affection pour moi qu’au risque de décevoir vos espérances, je viens demander à votre double autorité de chef et de prince, de me permettre de chercher désormais en toute simplicité la paix de ma vie. Après avoir donné à ma famille et au pays les deux enfants qui sont le légitime espoir de la dynastie, je crois avoir accompli mon devoir sans que la raison d’État me condamne à rester dans les liens d’un mariage contraire à mes sentiments, au nom d’intérêts politiques dont je crains de n’avoir pas la force d’assumer la responsabilité." (Lettre citée par Philippe Delorme dans son livre "Les plus belles heures de Monaco et des Grimaldi").
La princesse Charlotte quitta son époux lorsque leur fils Rainier n’avait que 6 ans. La séparation fut prononcée à la suite d’une décision rendue par le président de la République française Raymond Poincaré, le 9 mars 1930.
Elle fut entérinée par la Cour de révision de Monaco et une ordonnance princière du 18 février 1933. Le divorce prévoyait un partage de la garde des enfants six mois avec le père, six mois avec la mère.
Impliqué dans la vie artistique
La princesse Charlotte partagea ensuite sa vie entre Paris et le château de Marchais. Elle devint "visiteuse de prisons". Elle fit là quelques rencontres qui défrayèrent la chronique. Le prince Pierre, lui, continua à s’impliquer dans la vie de la Principauté, dirigeant la délégation de Monaco auprès de l’UNESCO, faisant partie du Comité international olympique de 1950 à 1964 et prenant part à la vie des arts.
Il créa en particulier un prix littéraire qui, après sa mort, devint la Fondation Prince Pierre, étendue à la musique et la peinture. Le premier prix littéraire attribué par le Prince Pierre le fut à Julien Green. Cet écrivain disait: "Ignorer le passé, c’est raccourcir l’avenir". Belle leçon pour l’histoire!...
Pierre de Polignac, la princesse Charlotte, le prince Louis II et les deux enfants Antoinette et Rainier.Photo G. Detaille.
Les Prix littéraires Prince Pierre
Parmi les écrivains primés par le Prix littéraire puis la Fondation Pierre Pierre figurent, outre Julien Green, 1er lauréat en 1951, toute une série de noms célèbres [nous donnons entre parenthèses l’année de leur prix, NDLR] : Henri Troyat (1952), Jean Giono (1953), Jules Roy (1954), Louise de Vilmorin (1955), Marcel Brion (1956), Hervé Bazin (1957), Joseph Kessel (1959), Jean Dutour (1961), Gilbert Cesbron (1962), Françoise Mallet-Joris (1965), Maurice Druon (1966), Eugène Ionesco (1969), Antoine Blondin (1971), Marguerite Yourcenar (1972), Paul Guth (1973), Félicien Marceau (1974), François Nourrissier (1975), Léopold Sédar Senghor (1977), Daniel Boulanger (1979), Jacques Laurent (1983), Patrick Modiano (1984), Françoise Sagan (1985), Dominique Fernandez (1886), Jean-Marie Rouart (1991), Hector Bianciotti (1992), Paul Guimard (1993), Angelo Rinaldi (1994), Jean-Raspail (1996), Franz-Olivier Giesbert (1997), Jean-Marie Le Clezio (1998), Pascal Quignard (2000), Diane de Margerie (2001), Philippe Beaussant (2004), Andreï Makine (2005), Philippe Sollers (2006), Jérôme Garcin (2008), Pierre Assouline (2011), Eric Neuhoff (2014), Christian Bobin (2020), Annie Ernaux (2021).
============TIT_Enc_22_Bleu foncé (11642091)============
============LEG_Legende (11642090)============
commentaires
ads check
“Rhôooooooooo!”
Vous utilisez un AdBlock?! :)
Vous pouvez le désactiver pour soutenir la rédaction du groupe
Nice-Matin qui travaille tous les jours pour vous délivrer une
information de qualité et vous raconter l'actualité de la Côte d'Azur
Et nous, on s'engage à réduire les formats publicitaires
ressentis comme intrusifs.
Si vous souhaitez conserver votre Adblock vous pouvez regarder une seule publicité vidéo
afin de débloquer l'accès au site lors de votre session
Nous avons besoin de vos cookies pour vous offrir une expérience de lecture optimale et vous proposer des publicités personnalisées.
Accepter les cookies, c’est permettre grâce aux revenus complémentaires de soutenir le travail de nos 180 journalistes qui veillent au quotidien à vous offrir une information de qualité et diversifiée. Ainsi, vous pourrez accéder librement au site.
Vous pouvez choisir de refuser les cookies en vous connectant ou en vous abonnant.
commentaires