Féministe et midinette. Midiniste ou féminette, donc, Chloé Oliveres ne craint pas le grand écart. La comédienne de "39 ans et demi", formée au Conservatoire national supérieur d’art dramatique, cofondatrice de la troupe Les Filles de Simone, est sur les scènes de Carros et de Grasse ces jours prochains avec son premier seule en scène "Quand je serai grande, je serai Patrick Swayze".
Un spectacle jubilatoire à la portée féministe, quelque part entre Simone de Beauvoir et "Dirty Dancing". Dans un décor de confettis et un costume tout en paillettes, la fine conteuse au sérieux bagou aborde les émois du cœur, depuis Yves Pichard, premier amoureux "fort en sport, pas trop en classe", aux ruptures salvatrices en passant par la "grande aventure d’être soi" plutôt qu’une "meuf à mémoire de forme". L’écriture est ciselée et "Dirty Dancing" y a une place de choix, Patrick Swayze oblige. Avant de "courir le monde après son destin comme un cheval sauvage" (les fans comprendront), Chloé Oliveres revient sur ce spectacle.
La première fois que vous avez vu ‘‘Dirty Dancing’’, c’était...
L’été de mes huit ans, j’étais chez ma grand-mère à Toulouse qui avait peur qu’on ait trop chaud dehors. Alors, on regardait des films. Je me suis passionnée pour cette histoire d’amour. ‘‘Bébé’’ était la fille du coin de la rue, un personnage auquel on peut s’identifier. J’aimais la bande-son, la danse. Et puis Patrick Swayze, c’était une épiphanie! Derrière le côté un peu cliché du mec viril avec ses muscles et sa mâchoire saillante, il avait la grâce et la sensibilité, comme une sorte de paradoxe intense qui fait sa singularité. Je voulais être comédienne pour jouer avec lui.
Dès le début du spectacle, vous dites: ‘‘j’aurais pu jouer à la guerre comme un petit garçon. Mais j’ai joué l’amoureuse’’. Qu’est-ce que ça dit de vous et de notre société?
Mona Chollet parle de ça dans ‘‘Réinventer l’amour’’. Comme toutes les petites filles, j’ai été socialisée par la fiction à attendre le prince charmant et à imaginer que l’accomplissement ultime pour une femme c’était de trouver l’amour de ses rêves. Pour moi, enfant, vivre des aventures, c’était forcément des aventures amoureuses. La possibilité de me projeter comme aventurière, pirate ou gangster n’était pas une option.
Parler à la fois de culture pop et de Beauvoir dans un même spectacle, c’est culotté!
Faire le grand écart entre ces deux pôles qui sont présents dans ma vie m’intéressait. Car c’est un continuum. Le point de départ du féminisme, c’est la sphère privée. Simone de Beauvoir a pris les ‘‘problèmes de femmes’’ pour amener la condition féminine sur un plan politique. J’essaie de poursuivre à petite échelle en disant que nos histoires d’amour, nos relations à l’amour raconte des choses plus grandes que des histoires à l’eau de rose. Comme comment on est éduqués à l’amour et ‘‘programmés’’ pour vivre en société.
L’humour permet-il de mieux faire passer certaines idées ?
Je ne veux pas donner de leçons dans ce spectacle, je veux juste témoigner d’une expérience que je sais partagée. Je fais aussi de l’autodérision, en disant que je me suis bien trompée, que je suis encore fleur bleue. Et ça fait tellement de bien de reconnaître aussi ses travers! Avouer ses échecs, ses contradictions est vraiment une façon très efficace de faire passer des messages.
Se tromper, c’est s’apercevoir que ‘‘Dirty Dancing’’ est féministe…
Cette dimension est d’ailleurs étonnante pour l’époque! Mais effectivement, ça parle d’IVG. D’ailleurs, les financeurs du film voulaient que cette intrigue disparaisse, ça a été une lutte, mais la scénariste n’a pas cédé. Puis ça parle de l’affirmation du désir féminin, de sororité…
Quels sont vos projets?
Je commence l’écriture d’une série sur la quarantaine! En m’inspirant de la fin du spectacle. Il y a un vide fictionnel sur cette période. Passé quarante, cinquante ans, il n’y a plus beaucoup d’histoires qui parlent de nous. Et c’est, par conséquent, difficile de dire que la vie continue à être épanouissante!
> Au Forum Jacques-Prévert de Carros (salle Juliette-Greco), vendredi 9 février à 20h. Tarifs: 7/16 euros. Rens. forumcarros.com
> Au théâtre de Grasse, samedi 10 février à 20h. Tarifs: 12/28 euros. Rens. theatredegrasse.com
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