Stupéfiant ! Atterrant ! La dernière audience correctionnelle a mis en exergue un monde hostile avec la comparution immédiate d'une adulte de 19 ans (1), soupçonnée d'arroser principalement en cocaïne et cannabis les alentours de la Principauté. Préoccupée par son adéquation entre la justice et sa condition de détenue, sa rancœur est perceptible dès son arrivée dans le box avec des béquilles.
Le mardi 6 mai, en début de nuit, cette jeune niçoise était contrôlée dans son véhicule Renault par les policiers au niveau du Stade nautique. Outre la forte odeur de haschich qui régnait dans l'habitacle, les agents découvraient quelque 545 grammes de stupéfiants et une somme de 2.500 euros provenant des précédentes transactions.
Véritable grossiste en substances toxiques, cette dealeuse, sans véritable profession, venait d'effectuer successivement six ventes dans les communes limitrophes, dont la dernière à Cap-d'Ail d’un montant de 800 euros. Elle s'apprêtait d'ailleurs à poursuivre la tournée de ses livraisons prévues de vingt-et-un sachets de cocaïne et de cannabis, numérotés, étiquetés et retrouvés dans le véhicule.
Où? Le mystère s'épaissit dès qu'il faut désigner les éventuels acheteurs. Connivence ou dissonance cognitive? Délicat à ce niveau pour la prévenue larmoyante d'ouvrir la bouche. D'ailleurs, elle parle peu. Elle écoute surtout!
Uniquement pour l’argent ?
Quelle stratégie commerciale cependant! La jeune femme tenait compte des désirs de ses clients, comme de la distribution du produit à domicile, avec d'éventuelles promotions à la clé. Il suffisait de contacter cette responsable logistique sur le réseau Snapchat pour être servi. La présidente Aline Brousse (2) n'ignore pas la domination financière de cette activité illicite. Voire, la jeune adulte aurait-elle pour dessein de faire son trou dans le narcotrafic départemental?
"L'argent récolté est remis à mon donneur d'ordre, assure la détenue. Je n'en sais pas plus car j'ai commencé il y a un mois et demi. C'est vrai, je reconnais ces livraisons et je touche 200 euros de commission pour les effectuer.
– Ce n'est pas de la vente au détail, relève aussitôt la magistrate. Il y avait en valeur marchande transportée 10.000 euros. Depuis le mois de mars, vous êtes volontaire pour entreprendre vos tournées après réception d'adresses et instructions. Vous avez d’ailleurs profité d'un moment d'éloignement pour supprimer la liste de vos acquéreurs sur votre téléphone. Comment vous livrer à un tel marchandage ? Est-ce pour financer les paris sportifs auxquels vous êtes accro ?
– J'ai uniquement pensé à cette activité pour l'argent…"
Quatre années ferme requises
Sans transition, la représentante du Parquet général se lance dans une longue diatribe. "Les déclarations de la prévenue ne sont que des mensonges afin de dissimuler son véritable rôle. Quand on commence à intégrer un tel réseau, on a des dettes. Vous avez été renseignée, formatée et initiée. Vous refusez de sortir du véhicule ! Vous prétextez accompagner une amie à Beausoleil ! En vous trompant de route évidemment ! Vous refusez même de signer votre déposition. Jusqu'au bout, vous avez trompé les autorités. Où est le vrai du faux ?
Ce n'est pas la première fois: on ne vous aurait pas confié pareilles quantités si vous n'étiez pas une chevronnée. Pour cette vente de la mort et l'administration d'une économie souterraine, il faut sanctionner la primo-délinquante en Principauté pour la gravité des faits. Je requiers quatre ans ferme, l'interdiction de territoire pendant dix ans, les confiscations des stupéfiants et du téléphone."
La défense fulmine contre ces réquisitions avec véhémence. "A-t-on à faire, à 19 ans, à un livreur chevronné? Vous avez prononcé pour des faits similaires, des peines bien en deçà de quatre ans. Ce n'est pas acceptable. Prenez la mesure d'une femme à peine adulte."
Me Antoine Dini (Barreau de Grasse) fait état de la totalité du réel, y compris dans ses détails les plus répréhensibles comme l'engagement de sa cliente et sa soumission consentie par obligation. Il évoque également à mots couverts les sentinelles qui l'avaient mise en garde. Celles qui lui ont "donné pour consigne de ne surtout pas entrer à Monaco. C'est bien une erreur de trajet. Quatre ans ? Vous avez tous les outils pour assurer la sécurité monégasque. Alors, tapez fort; mais tapez juste."
Le tribunal, peut-être guidé par une primo-délinquante aux casiers vierges, a revu à la baisse la peine sollicitée par le ministère public: dix-huit mois ferme, interdiction de territoire pendant cinq ans. La détenue a rejoint, contrite, la maison d'arrêt. Son avocat à l'intention de faire appel de la décision.
(1) Sa mère, présente à l’audience, a fait un malaise quand sa fille est apparue menottée dans le box. Elle a été conduite au CHPG par les services de secours.
(2) Assesseurs : Evelyne Husson et Cyrielle Colle et Patrice Fey.
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