Le syndicat des commissaires de la police nationale, très majoritaire, rencontre régulièrement ses adhérents. Hier, Frédéric Lauze, secrétaire général, qui a été en poste à Nice et qui est originaire du Cros-de-Cagnes, est venu à la rencontre d’une quinzaine de ses pairs du Var et des Alpes-Maritimes à Nice. Conditions de travail, attentes, réforme de l’organisation, crise des vocations en matière judiciaire: tout a été abordé. Entretien.
Quel regard portez-vous sur la nouvelle loi contre le narcotrafic?
Il y a une prise de conscience sur l’enjeu. Ce n’est pas seulement un enjeu de sécurité mais de souveraineté. Ces organisations criminelles gèrent des points de deal qui peuvent rapporter de 40.000 à 80.000 euros par jour! C’est une véritable menace. Nous sommes inondés par l’offre. Notre droit est inadapté. La loi, qui crée un parquet national dédié à la lutte contre la criminalité organisée, renforce les pouvoirs d’enquête, notamment sur le blanchiment. Mais pour moi, cela sera insuffisant. Car les narcotrafiquants continuent à opérer à partir de messageries cryptées qui sont des zones de non-droit numériques. Depuis la prison ou depuis les murs de certaines cités, ils continuent de commanditer des meurtres et mettent en place un système criminel par capillarité en déversant de la drogue.
La demande reste très forte?
Oui. S’il y a une offre exponentielle et pas chère, c’est qu’il y a une demande. Où sont les campagnes contre la nocivité de la drogue? Que fait le ministère de la Santé? On a des campagnes choc sur la sécurité routière, le VIH, mais sur la drogue, rien. Ce n’est pas normal.
Que pensez-vous de la création de prisons où on enfermerait en un même lieu les narcotrafiquants?
C’est une très bonne proposition. C’est inspiré du modèle italien "carcero duro". Nous y sommes très favorables. La prison est un monde devenu trop poreux. Le délitement de l’autorité qu’on trouve à l’extérieur sur la voie publique on le trouve également en prison et ce n’est pas normal. Pour des raisons idéologiques, on a laissé faire, ce n’est pas dû qu’à la surpopulation. Le caïdat qui s’installe dans les prisons, avec des téléphones, des petites mains, et leurs moyens colossaux, qui se comptent en millions d’euros, fait qu’il fallait les isoler dans des établissements dédiés avec des moyens sécuritaires hors normes. À l’image du combat hors normes et civilisationnel que nous devons mener.
Les syndicats évoquent un déficit de 200 à 250 fonctionnaires de police dans le département. Plus d’effectifs c’est la solution?
Oui, il manque certainement autour de 200 fonctionnaires ici. J’ai été commissaire central à Nice. Le problème, c’est que Nice, Cannes et les autres villes du département sont traitées comme d’autres villes avec un ratio du nombre de policiers par habitant. Mais ici ce n’est pas La Baule [Loire-Atlantique]. À Nice, Cannes, vous avez des touristes douze mois par an. Il faut prendre en compte le nombre de nuitées touristiques dans le calcul. C’est aussi car le compte n’y est pas que les polices municipales se développent. Il manque beaucoup d’effectifs en sécurité publique, mais aussi à la Police aux frontières, malgré les efforts effectués, alors que les enjeux sont très importants avec le terrorisme notamment. Mais une fois qu’on a parlé de moyens, soyons clairs, ce n’est pas qu’un problème quantitatif. Il y a un problème de chaîne pénale. Vous pouvez mettre autant de monde que vous voulez, s’il y a un goulot d’étranglement dans la chaîne pénale, si on n’incarcère pas et que les policiers refont le même travail sans cesse, ce sera comme le film Un Jour sans fin. Il faut de la répression, assumée et assurée, avec de vraies peines de prison ferme pour stopper la délinquance.
Les dépositaires de l’autorité publique sont également menacés désormais…
Il faut faire respecter ceux qui sont dépositaires de l’autorité: les policiers nationaux, les gendarmes, les gardiens de la pénitentiaire. Je rappelle le gendarme Eric Comyn, tué ici sur un refus d’obtempérer. Nombre de policiers sont agressés dans leur vie privée. Je peux parler des pompiers, des professeurs parfois tués. Tous sont ceux qui sont les murs porteurs de la République ne sont pas assez défendus. Il faut une loi pénale plus dure et que ça se traduise par des incarcérations.
Un rapport rendu public la semaine dernière pointe l’entrisme à bas bruit des Frères musulmans par la base de notre société. C’est votre analyse?
C’est hélas une vérité depuis une bonne vingtaine d’années. Les frères musulmans ont une stratégie. Un projet politique alternatif et régressif. Un projet suprémaciste, prosélyte d’islam politique, qui est l’absolu contraire de nos valeurs. Nous avons à faire à une mouvance qui a une stratégie d’entrisme dangereuse, qui pratique la Taqiya, la dissimulation. Ils travaillent sous les radars de la police et se jouent de notre droit, de nos faiblesses et subvertissent nos valeurs afin de se victimiser. Ils ont une stratégie, des moyens, des sponsors: le Qatar et la Turquie. Ils sont dangereux pour l’ensemble des Français. C’est pour ça que nous devons renforcer le projet France. Renforcer le sentiment d’appartenance à la Nation et à la République. Pas la République sans la Nation, pas la Nation sans la République. Les deux. Et avec du contenu, pas juste un contenant.
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